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87bd4e03c9
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@ -2,6 +2,7 @@ Title: L'intégration à coups de patates
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte d’Ivoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles qu’ils ont avec les éducateur.ices, depuis qu’ils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans l’entretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, d’interdictions, de contraintes, de l’obstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que c’est important pour l’intégration des jeunes, iels disent.
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L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte d’Ivoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles qu’ils ont avec les éducateur.ices, depuis qu’ils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans l’entretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, d’interdictions, de contraintes, de l’obstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que c’est important pour l’intégration des jeunes, iels disent.
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@ -50,6 +51,4 @@ Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur auto
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**R:** Y’a d’autres choses que vous n’avez pas le droit de faire ici ?
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**R:** Y’a d’autres choses que vous n’avez pas le droit de faire ici ?
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**P:** Un jour un ami m’a envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte d’Ivoire de l’attiéké, qu’on mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là j’ai fait de l’attiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par l’association]. On était à l’aise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce qu’un éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et l’éducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on n’a pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment j’ai pris la parole et on s’est engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à l’heure, est-ce que tu mangeras avec la main? » J’ai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France c’est pour toi, mais la Côte d’Ivoire c’est pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce qu’on est chez nous ici, même si c’est pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc c’est chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi j’aime pas aller dans les restaurants, j’aime pas, je préfère manger chez moi, à l’aise, tranquille, je bois mon eau et j’ai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi c’est mieux. Après d’autres éducateurs sont arrivés et nous ont dit qu’on ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca s’est passé comme ça avec eux. Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » J’ai dit « Déjà j’ai pas encore commencé l’apprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi c’est pour ça que je mange avec la main. » Si j’ai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier j’ai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »
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**P:** Un jour un ami m’a envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte d’Ivoire de l’attiéké, qu’on mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là j’ai fait de l’attiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par l’association]. On était à l’aise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce qu’un éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et l’éducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on n’a pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment j’ai pris la parole et on s’est engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à l’heure, est-ce que tu mangeras avec la main? » J’ai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France c’est pour toi, mais la Côte d’Ivoire c’est pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce qu’on est chez nous ici, même si c’est pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc c’est chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi j’aime pas aller dans les restaurants, j’aime pas, je préfère manger chez moi, à l’aise, tranquille, je bois mon eau et j’ai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi c’est mieux. Après d’autres éducateurs sont arrivés et nous ont dit qu’on ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca s’est passé comme ça avec eux.  Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » J’ai dit « Déjà j’ai pas encore commencé l’apprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi c’est pour ça que je mange avec la main. » Si j’ai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier j’ai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »
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Title: Contact
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Title: Contact
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Author: ravages
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On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : _revue.ravages@proton.me_
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On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : _revue.ravages@proton.me_
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<h2 class="entry-title">Cartographie</h2>
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<h2 class="entry-title">Cartographie</h2>
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<p><img alt="Cartographie" src="../images/carte1.jpg"></p>
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<h2 class="entry-title">La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné</h2>
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<h2 class="entry-title">La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné</h2>
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<p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
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<p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
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<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup> du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
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<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup> du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
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<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>
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<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>
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<h2 class="entry-title">Lexique : frontière</h2>
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<h2 class="entry-title">Lexique : frontière</h2>
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<p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI pour aller plus vite), parce que c’est celle qu’on habite, qu’on connaît un peu mieux que les autres, et depuis laquelle on écrit la plupart de cette revue. Pour celles et ceux qui, pris d’un grand coup de flemme, ne souhaiteraient pas lire la suite, ce qu’on y dit est plutôt simple : la frontière est une construction juridique historiquement récente, difficilement séparable des idées d’Etat et de territoire, et dont la forme, le tracé et les modalités changent constamment. Le fait que les frontières nationales correspondent parfois à des frontières dites naturelles n’a rien d’évident : c’est le fruit d’un processus politique qui, depuis plusieurs siècles, inscrit l’Etat et ses limites dans une « nature » qui les précède et légitime leur existence.</p>
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<p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI pour aller plus vite), parce que c’est celle qu’on habite, qu’on connaît un peu mieux que les autres, et depuis laquelle on écrit la plupart de cette revue. Pour celles et ceux qui, pris d’un grand coup de flemme, ne souhaiteraient pas lire la suite, ce qu’on y dit est plutôt simple : la frontière est une construction juridique historiquement récente, difficilement séparable des idées d’Etat et de territoire, et dont la forme, le tracé et les modalités changent constamment. Le fait que les frontières nationales correspondent parfois à des frontières dites naturelles n’a rien d’évident : c’est le fruit d’un processus politique qui, depuis plusieurs siècles, inscrit l’Etat et ses limites dans une « nature » qui les précède et légitime leur existence.</p>
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<p>Le rétablissement des contrôles d’identité et le renforcement des effectifs policiers le long de la frontière franco-italienne ont fait de « la frontière » un objet ordinaire dans le Briançonnais. Pour les mi-litant.es du coin, « la frontière » est une réalité quotidienne : on l’arpente, on la dénonce, on essaye, le plus possible, de la rendre inutile, mais jamais – ou presque – on ne remet en question son existence. La frontière fait partie du décor. Et si elle apparait sur nos cartes de randonnée comme une ligne nette et bien tracée, peu de choses indiquent, dans nos paysages frontaliers, qu’ici se trouve la limite d’un territoire. A la différence des murs de barbelés érigés en Grèce, en Espagne ou en Hongrie, la frontière franco-italienne reste relativement intangible. Et pourtant, « la frontière » structure mouvements, pensées et luttes avec autant d’évidence que si c’était un mur. C’est pour détricoter un peu de ce sens commun que nous analysons ici le mot
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<p>Le rétablissement des contrôles d’identité et le renforcement des effectifs policiers le long de la frontière franco-italienne ont fait de « la frontière » un objet ordinaire dans le Briançonnais. Pour les mi-litant.es du coin, « la frontière » est une réalité quotidienne : on l’arpente, on la dénonce, on essaye, le plus possible, de la rendre inutile, mais jamais – ou presque – on ne remet en question son existence. La frontière fait partie du décor. Et si elle apparait sur nos cartes de randonnée comme une ligne nette et bien tracée, peu de choses indiquent, dans nos paysages frontaliers, qu’ici se trouve la limite d’un territoire. A la différence des murs de barbelés érigés en Grèce, en Espagne ou en Hongrie, la frontière franco-italienne reste relativement intangible. Et pourtant, « la frontière » structure mouvements, pensées et luttes avec autant d’évidence que si c’était un mur. C’est pour détricoter un peu de ce sens commun que nous analysons ici le mot
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« frontière », les ambitions territoriales qu’il reflète et les réalités sociales qu’il impose.</p>
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« frontière », les ambitions territoriales qu’il reflète et les réalités sociales qu’il impose.</p>
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<h2 class="entry-title">L'intégration à coups de patates</h2>
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<h2 class="entry-title">L'intégration à coups de patates</h2>
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<p>L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte d’Ivoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles qu’ils ont avec les éducateur.ices, depuis qu’ils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans l’entretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, d’interdictions, de contraintes, de l’obstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que c’est important pour l’intégration des jeunes, iels disent.</p>
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<p>L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte d’Ivoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles qu’ils ont avec les éducateur.ices, depuis qu’ils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans l’entretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, d’interdictions, de contraintes, de l’obstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que c’est important pour l’intégration des jeunes, iels disent.</p>
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<p>Car l’intégration est une affaire de patates. Et de crème fraîche, aussi. Dans les repas préparés et échangés au foyer le soin se mêle au contrôle, et le don à la menace. Parce que les jeunes du foyer ne sont pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) qu’en tant que mineurs (et parce qu’ils ont été reconnus comme tels, ce qui n’est pas le cas de toustes), ce ne sont ni des citoyens ni de simples « migrants », terme qui semble s’appliquer seulement aux adultes en situation d’exil. En d’autres termes, ils ne sont accueillis – institutionnellement – qu’en tant qu’enfants. Ce sont un peu des apprentis citoyens, des mineurs sur la sellette de la légalité qui doivent faire les preuves de leur désir d’intégration pour maintenir un statut régulier, une fois majeurs. Être à la fois enfant et étranger en France, c’est devoir se plier à des formes de soin baignées d’injonctions à être un « bon MNA », c’est-à-dire un MNA qui correspond aux normes de la blanchité : un MNA fort à l’école, sage à la maison, et respectueux des éducateur.ices qui l’entourent. Dans l’imaginaire collectif – qui reste un imaginaire nationaliste – l’étranger est un peu l’enfant du citoyen, et l’enfant l’étranger des adultes, faisant des MNA – enfants et étrangers – les cibles d’une double infantilisation, au nom de leur minorité et de leur étrangéité.</p>
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<p>Car l’intégration est une affaire de patates. Et de crème fraîche, aussi. Dans les repas préparés et échangés au foyer le soin se mêle au contrôle, et le don à la menace. Parce que les jeunes du foyer ne sont pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) qu’en tant que mineurs (et parce qu’ils ont été reconnus comme tels, ce qui n’est pas le cas de toustes), ce ne sont ni des citoyens ni de simples « migrants », terme qui semble s’appliquer seulement aux adultes en situation d’exil. En d’autres termes, ils ne sont accueillis – institutionnellement – qu’en tant qu’enfants. Ce sont un peu des apprentis citoyens, des mineurs sur la sellette de la légalité qui doivent faire les preuves de leur désir d’intégration pour maintenir un statut régulier, une fois majeurs. Être à la fois enfant et étranger en France, c’est devoir se plier à des formes de soin baignées d’injonctions à être un « bon MNA », c’est-à-dire un MNA qui correspond aux normes de la blanchité : un MNA fort à l’école, sage à la maison, et respectueux des éducateur.ices qui l’entourent. Dans l’imaginaire collectif – qui reste un imaginaire nationaliste – l’étranger est un peu l’enfant du citoyen, et l’enfant l’étranger des adultes, faisant des MNA – enfants et étrangers – les cibles d’une double infantilisation, au nom de leur minorité et de leur étrangéité.</p>
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<p>Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur autonomie. Les éducateur.ices qui travaillent avec eux leur disent quoi faire de leur temps, de leur argent, ce qu’il faut manger et comment, en faisant abstraction de leurs désirs, envies et besoins. Tout cela sous couvert de bons sentiments qui étouffent, autant qu’ils maintiennent l’illusion baroque selon laquelle la citoyenneté serait une manière d’être et de se tenir, à table comme ailleurs.</p>
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<p>Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur autonomie. Les éducateur.ices qui travaillent avec eux leur disent quoi faire de leur temps, de leur argent, ce qu’il faut manger et comment, en faisant abstraction de leurs désirs, envies et besoins. Tout cela sous couvert de bons sentiments qui étouffent, autant qu’ils maintiennent l’illusion baroque selon laquelle la citoyenneté serait une manière d’être et de se tenir, à table comme ailleurs.</p>
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<p><strong>P:</strong> On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés c’est ce qu’on mangeait, puisqu’on n’avait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. C’est les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à l’aise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. C’est ce qu’on veut.</p>
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<p><strong>P:</strong> On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés c’est ce qu’on mangeait, puisqu’on n’avait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. C’est les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à l’aise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. C’est ce qu’on veut.</p>
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<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%206.jpg"></p>
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<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%206.jpg"></p>
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<p><strong>R:</strong> Y’a d’autres choses que vous n’avez pas le droit de faire ici ?</p>
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<p><strong>R:</strong> Y’a d’autres choses que vous n’avez pas le droit de faire ici ?</p>
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<p><strong>P:</strong> Un jour un ami m’a envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte d’Ivoire de l’attiéké, qu’on mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là j’ai fait de l’attiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par l’association]. On était à l’aise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce qu’un éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et l’éducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on n’a pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment j’ai pris la parole et on s’est engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à l’heure, est-ce que tu mangeras avec la main? » J’ai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France c’est pour toi, mais la Côte d’Ivoire c’est pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce qu’on est chez nous ici, même si c’est pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc c’est chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi j’aime pas aller dans les restaurants, j’aime pas, je préfère manger chez moi, à l’aise, tranquille, je bois mon eau et j’ai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi c’est mieux. Après d’autres éducateurs sont arrivés et nous ont dit qu’on ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca s’est passé comme ça avec eux. Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » J’ai dit « Déjà j’ai pas encore commencé l’apprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi c’est pour ça que je mange avec la main. » Si j’ai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier j’ai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
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<p><strong>P:</strong> Un jour un ami m’a envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte d’Ivoire de l’attiéké, qu’on mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là j’ai fait de l’attiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par l’association]. On était à l’aise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce qu’un éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et l’éducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on n’a pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment j’ai pris la parole et on s’est engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à l’heure, est-ce que tu mangeras avec la main? » J’ai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France c’est pour toi, mais la Côte d’Ivoire c’est pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce qu’on est chez nous ici, même si c’est pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc c’est chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi j’aime pas aller dans les restaurants, j’aime pas, je préfère manger chez moi, à l’aise, tranquille, je bois mon eau et j’ai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi c’est mieux. Après d’autres éducateurs sont arrivés et nous ont dit qu’on ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca s’est passé comme ça avec eux. <img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%207.jpg"> Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » J’ai dit « Déjà j’ai pas encore commencé l’apprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi c’est pour ça que je mange avec la main. » Si j’ai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier j’ai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
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<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%207.jpg"></p>
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<h1>Contact</h1>
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<h1>Contact</h1>
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<p>On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : <em>revue.ravages@proton.me</em></p>
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<p>On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : <em>revue.ravages@proton.me</em></p>
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<p><img alt="blaireau explosif" src="../images/blaireau%20explosif.jpg"></p>
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<p><img alt="blaireau explosif" src="../images/blaireau%20explosif.jpg"></p>
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<h1>Edito</h1>
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<h1>Edito</h1>
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<p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et surtout parce que des ravages y en a plein. Dans l’dico y’a écrit qu’un ravage est un dégât matériel causé de façon violente par l’action des gens ou de la nature. C’est aussi « l’effet désastreux de quelque chose sur quelqu’un », comme quand on parle des ravages de la guerre, ou de ceux du salariat.</p>
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<p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et surtout parce que des ravages y en a plein. Dans l’dico y’a écrit qu’un ravage est un dégât matériel causé de façon violente par l’action des gens ou de la nature. C’est aussi « l’effet désastreux de quelque chose sur quelqu’un », comme quand on parle des ravages de la guerre, ou de ceux du salariat.</p>
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<p>Loin de s’imaginer comme des cataclysmes de chair et d’os qui répandraient la colère à l’aide de petites revues, l’idée est plutôt de témoigner des ravages de notre époque à partir d’un point d’observation précis, celui de la frontière franco-italienne à Briançon. On s’est dit que ça manquait un peu, dans le paysage militant du coin. Alors on a commencé à écrire. Certains de nos articles sont écrits à quatre, six, huit, parfois dix mains ! Et c’était pas toujours facile. Entre nous les critiques étaient vives, et certaines oreilles sourdes au moindre reproche<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup>.</p>
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<p>Loin de s’imaginer comme des cataclysmes de chair et d’os qui répandraient la colère à l’aide de petites revues, l’idée est plutôt de témoigner des ravages de notre époque à partir d’un point d’observation précis, celui de la frontière franco-italienne à Briançon. On s’est dit que ça manquait un peu, dans le paysage militant du coin. Alors on a commencé à écrire. Certains de nos articles sont écrits à quatre, six, huit, parfois dix mains ! Et c’était pas toujours facile. Entre nous les critiques étaient vives, et certaines oreilles sourdes au moindre reproche<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup>.</p>
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<p>Pour le moment c’est tout !</p>
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<p>Pour le moment c’est tout !</p>
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<h2 class="entry-title">Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</h2>
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<h2 class="entry-title">Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</h2>
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<p>L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui est alors devenue un véritable sous-traitant du droit à l’asile, et procède depuis à l’accueil des personnes qui arrivent sur son territoire.</p>
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<p>L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui est alors devenue un véritable sous-traitant du droit à l’asile, et procède depuis à l’accueil des personnes qui arrivent sur son territoire.</p>
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<p>Nombreuses sont les personnes qui osent tout de même la traversée, par voie terrestre ou maritime, vers l’Europe. La frontière gréco-turque est depuis devenue un lieu sinistre où les exilé.es sont soumis.es aux règles d’un ping-pong meurtrier et confronté.es, d’année en année, à toujours plus de monstruosités : «encampements», travaux forcés, mois d’attente puis de renvois, tentatives de traversée ratées, violences physiques et psychologiques, manque de sommeil, de nourriture et de soins.</p>
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<p>Nombreuses sont les personnes qui osent tout de même la traversée, par voie terrestre ou maritime, vers l’Europe. La frontière gréco-turque est depuis devenue un lieu sinistre où les exilé.es sont soumis.es aux règles d’un ping-pong meurtrier et confronté.es, d’année en année, à toujours plus de monstruosités : «encampements», travaux forcés, mois d’attente puis de renvois, tentatives de traversée ratées, violences physiques et psychologiques, manque de sommeil, de nourriture et de soins.</p>
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<p>Au paroxysme de cette politique migratoire violente et violatrice des droits les plus fondamentaux se trouve le recours quasi systématique aux refoulements, ou « pushbacks ». Pour répondre à nos questions sur cette pratique, nous avons contacté Marion, avocate au Legal Centre Lesvos (LCL) en Grèce.</p>
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<p>Au paroxysme de cette politique migratoire violente et violatrice des droits les plus fondamentaux se trouve le recours quasi systématique aux refoulements, ou « pushbacks ». Pour répondre à nos questions sur cette pratique, nous avons contacté Marion, avocate au Legal Centre Lesvos (LCL) en Grèce.</p>
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<h2 class="entry-title">Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</h2>
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<h2 class="entry-title">Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</h2>
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<p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance à se dissoudre dans notre vécu ordinaire, emportant avec elle les personnes qui en subissent la ségrégation. Cet article veut montrer que cette invisibilisation ne va pas de soi, qu’elle est le résultat d’imaginaires portés par des acteur.ices locaux qui font du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Inhabitable dans le sens où les personnes exilées sont au mieux considérées comme des « invités », au pire comme une masse nuisible, mais jamais – ou trop rarement – comme des personnes libres et fortes d’un pouvoir d’agir individuel et collectif. Des expériences collectives locales, allant des squats à certaines associations visant l’émancipation des personnes apparaissent alors comme de potentielles sources d’imaginaires territoriaux qui n’invisibilisent plus les exilé.es mais au contraire leur redonnent un peu d’autonomie.</p>
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<p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance à se dissoudre dans notre vécu ordinaire, emportant avec elle les personnes qui en subissent la ségrégation. Cet article veut montrer que cette invisibilisation ne va pas de soi, qu’elle est le résultat d’imaginaires portés par des acteur.ices locaux qui font du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Inhabitable dans le sens où les personnes exilées sont au mieux considérées comme des « invités », au pire comme une masse nuisible, mais jamais – ou trop rarement – comme des personnes libres et fortes d’un pouvoir d’agir individuel et collectif. Des expériences collectives locales, allant des squats à certaines associations visant l’émancipation des personnes apparaissent alors comme de potentielles sources d’imaginaires territoriaux qui n’invisibilisent plus les exilé.es mais au contraire leur redonnent un peu d’autonomie.</p>
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<p>Non-respect des procédures de demande d’asile par la police de l’air et des frontières (PAF), non-respect du droit dans les demandes de titres de séjour par la préfecture, manque de places d’hébergement d’urgence, stigmatisation des personnes exilées, criminalisation des personnes solidaires : voilà la réalité de la frontière dans le Briançonnais. Une réalité que l’on peut, à Montgenèvre, survoler en télésiège, si notre porte-monnaie nous le permet. Allégorie trop parfaite de la ségrégation qui se déploie tout autour de nous, et de son invisibilisation.</p>
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<p>Non-respect des procédures de demande d’asile par la police de l’air et des frontières (PAF), non-respect du droit dans les demandes de titres de séjour par la préfecture, manque de places d’hébergement d’urgence, stigmatisation des personnes exilées, criminalisation des personnes solidaires : voilà la réalité de la frontière dans le Briançonnais. Une réalité que l’on peut, à Montgenèvre, survoler en télésiège, si notre porte-monnaie nous le permet. Allégorie trop parfaite de la ségrégation qui se déploie tout autour de nous, et de son invisibilisation.</p>
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<h3>INVISIBLES, OCCUPEZ-VOUS DE VOTRE LINGE !</h3>
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<h3>INVISIBLES, OCCUPEZ-VOUS DE VOTRE LINGE !</h3>
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<h2 class="entry-title">Tadi taxi oula saroukh ?</h2>
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<h2 class="entry-title">Tadi taxi oula saroukh ?</h2>
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<h3><em>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></em></h3>
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<h3><em>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></em></h3>
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<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant médicament anxiolytique, antalgique et antiépileptique, on parle même dans quelques chansons, sur les côtes méridionales de la Méditerranée. Sa popularité en tant que drogue récréative est énorme dans les pays du Maghreb. L’île de Samos semble avoir été, pendant plusieurs années, sa plaque tournante et le centre de sa diramation vers l’Europe. Aujourd’hui, le Lyrica se trouve partout, vendu sous le manteau à 1,50€ la gélule, 10€ la plaquette, de Perpignan à Bruxelles, en passant par la Porte de la Chapelle.</p>
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<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant médicament anxiolytique, antalgique et antiépileptique, on parle même dans quelques chansons, sur les côtes méridionales de la Méditerranée. Sa popularité en tant que drogue récréative est énorme dans les pays du Maghreb. L’île de Samos semble avoir été, pendant plusieurs années, sa plaque tournante et le centre de sa diramation vers l’Europe. Aujourd’hui, le Lyrica se trouve partout, vendu sous le manteau à 1,50€ la gélule, 10€ la plaquette, de Perpignan à Bruxelles, en passant par la Porte de la Chapelle.</p>
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<p>Quelle est donc la raison d’un succès international qui frôle la légende ? Qu’est-ce qui fait de ce dérivé de l’acide gamma-amino-butyrique (ça fait moins rêver, n’est-ce pas?), l’un des médicaments les plus cités dans des fausses ordonnances, en France et en Belgique ?</p>
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<p>Quelle est donc la raison d’un succès international qui frôle la légende ? Qu’est-ce qui fait de ce dérivé de l’acide gamma-amino-butyrique (ça fait moins rêver, n’est-ce pas?), l’un des médicaments les plus cités dans des fausses ordonnances, en France et en Belgique ?</p>
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