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@ -2,6 +2,7 @@ Title: L'intégration à coups de patates
Author: ravages
Date: 12/04/2023
Weight: 3
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Lentretien qui suit est extrait dune conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement quils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte dIvoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles quils ont avec les éducateur.ices, depuis quils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans lentretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, dinterdictions, de contraintes, de lobstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que cest important pour lintégration des jeunes, iels disent.
@ -50,6 +51,4 @@ Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur auto
**R:** Ya dautres choses que vous navez pas le droit de faire ici ?
**P:** Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%207.jpg)
**P:** Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. ![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%207.jpg) Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »

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@ -1,5 +1,6 @@
Title: Contact
Author: ravages
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On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : _revue.ravages@proton.me_

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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">Cartographie</h2>
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<p><img alt="Cartographie" src="../images/carte1.jpg"></p>
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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné</h2>
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<p>Avez-vous déjà essayé décrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici lexemple dun article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait quun accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, quun bâtiment ne peut se dire plein tant quil est vide à 60%, que les normes nont pas été inventées pour le bien de lhumanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de lautorité, de la propriété, de lurgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant cétait «le squat», mettez lintonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup> du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles dun lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies sil le fallait, en fonction des circonstances. Parce quil y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on nen gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand cest possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on naime pas ça, mais on peut vous dire quon sest retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter dagiter le fameux «cétait mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines quon vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et cest là-haut, à côté de lhôpital, quil les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière lachat et la rénovation du 34 route de Grenoble qui a coûté plus ou moins un million deuros avant même douvrir ses portes il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de lagro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup dargent, et il sagirait de ne pas en faire nimporte quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, dhygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles daccueil, dentrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à laccueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors quil suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à lidée que la moindre infraction à lune de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>

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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">Lexique : frontière</h2>
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<div class="entry-content ">
<p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce quune frontière est de ce quelle nest pas. On sappuie surtout sur la frontière franco-italienne (quon appellera parfois FFI pour aller plus vite), parce que cest celle quon habite, quon connaît un peu mieux que les autres, et depuis laquelle on écrit la plupart de cette revue. Pour celles et ceux qui, pris dun grand coup de flemme, ne souhaiteraient pas lire la suite, ce quon y dit est plutôt simple : la frontière est une construction juridique historiquement récente, difficilement séparable des idées dEtat et de territoire, et dont la forme, le tracé et les modalités changent constamment. Le fait que les frontières nationales correspondent parfois à des frontières dites naturelles na rien dévident : cest le fruit dun processus politique qui, depuis plusieurs siècles, inscrit lEtat et ses limites dans une « nature » qui les précède et légitime leur existence.</p>
<p>Le rétablissement des contrôles didentité et le renforcement des effectifs policiers le long de la frontière franco-italienne ont fait de « la frontière » un objet ordinaire dans le Briançonnais. Pour les mi-litant.es du coin, « la frontière » est une réalité quotidienne : on larpente, on la dénonce, on essaye, le plus possible, de la rendre inutile, mais jamais ou presque on ne remet en question son existence. La frontière fait partie du décor. Et si elle apparait sur nos cartes de randonnée comme une ligne nette et bien tracée, peu de choses indiquent, dans nos paysages frontaliers, quici se trouve la limite dun territoire. A la différence des murs de barbelés érigés en Grèce, en Espagne ou en Hongrie, la frontière franco-italienne reste relativement intangible. Et pourtant, « la frontière » structure mouvements, pensées et luttes avec autant dévidence que si cétait un mur. Cest pour détricoter un peu de ce sens commun que nous analysons ici le mot
« frontière », les ambitions territoriales quil reflète et les réalités sociales quil impose.</p>

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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">L'intégration à coups de patates</h2>
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<p>Lentretien qui suit est extrait dune conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement quils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte dIvoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles quils ont avec les éducateur.ices, depuis quils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans lentretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, dinterdictions, de contraintes, de lobstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que cest important pour lintégration des jeunes, iels disent.</p>
<p>Car lintégration est une affaire de patates. Et de crème fraîche, aussi. Dans les repas préparés et échangés au foyer le soin se mêle au contrôle, et le don à la menace. Parce que les jeunes du foyer ne sont pris en charge par lAide Sociale à lEnfance (ASE) quen tant que mineurs (et parce quils ont été reconnus comme tels, ce qui nest pas le cas de toustes), ce ne sont ni des citoyens ni de simples « migrants », terme qui semble sappliquer seulement aux adultes en situation dexil. En dautres termes, ils ne sont accueillis institutionnellement quen tant quenfants. Ce sont un peu des apprentis citoyens, des mineurs sur la sellette de la légalité qui doivent faire les preuves de leur désir dintégration pour maintenir un statut régulier, une fois majeurs. Être à la fois enfant et étranger en France, cest devoir se plier à des formes de soin baignées dinjonctions à être un « bon MNA », cest-à-dire un MNA qui correspond aux normes de la blanchité : un MNA fort à lécole, sage à la maison, et respectueux des éducateur.ices qui lentourent. Dans limaginaire collectif qui reste un imaginaire nationaliste létranger est un peu lenfant du citoyen, et lenfant létranger des adultes, faisant des MNA enfants et étrangers les cibles dune double infantilisation, au nom de leur minorité et de leur étrangéité.</p>
<p>Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur autonomie. Les éducateur.ices qui travaillent avec eux leur disent quoi faire de leur temps, de leur argent, ce quil faut manger et comment, en faisant abstraction de leurs désirs, envies et besoins. Tout cela sous couvert de bons sentiments qui étouffent, autant quils maintiennent lillusion baroque selon laquelle la citoyenneté serait une manière dêtre et de se tenir, à table comme ailleurs.</p>
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<p><strong>P:</strong> On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés cest ce quon mangeait, puisquon navait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. Cest les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à laise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. Cest ce quon veut.</p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%206.jpg"></p>
<p><strong>R:</strong> Ya dautres choses que vous navez pas le droit de faire ici ?</p>
<p><strong>P:</strong> Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%207.jpg"></p>
<p><strong>P:</strong> Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. <img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%207.jpg"> Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
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@ -29,10 +29,10 @@
<section id="content" >
<h1>Contact</h1>
<p>On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : <em>revue.ravages@proton.me</em></p>
<div class="page-images">
<p>On aimerait bien que d'autres personnes écrivent, parlent, témoignent dans les prochains numéros. Si vous avez des questions ou des propositions vous pouvez nous contacter à l'adresse : <em>revue.ravages@proton.me</em></p>
<p><img alt="blaireau explosif" src="../images/blaireau%20explosif.jpg"></p>
</div>
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@ -29,8 +29,8 @@
<section id="content" >
<h1>Edito</h1>
<p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro dune revue qui a failli sappeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue sappelle Ravages, avec un « s », parce quon est plusieurs à écrire là-dedans et surtout parce que des ravages y en a plein. Dans ldico ya écrit quun ravage est un dégât matériel causé de façon violente par laction des gens ou de la nature. Cest aussi « leffet désastreux de quelque chose sur quelquun », comme quand on parle des ravages de la guerre, ou de ceux du salariat.</p>
<div class="page-images">
<p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro dune revue qui a failli sappeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue sappelle Ravages, avec un « s », parce quon est plusieurs à écrire là-dedans et surtout parce que des ravages y en a plein. Dans ldico ya écrit quun ravage est un dégât matériel causé de façon violente par laction des gens ou de la nature. Cest aussi « leffet désastreux de quelque chose sur quelquun », comme quand on parle des ravages de la guerre, ou de ceux du salariat.</p>
<p>Loin de simaginer comme des cataclysmes de chair et dos qui répandraient la colère à laide de petites revues, lidée est plutôt de témoigner des ravages de notre époque à partir dun point dobservation précis, celui de la frontière franco-italienne à Briançon. On sest dit que ça manquait un peu, dans le paysage militant du coin. Alors on a commencé à écrire. Certains de nos articles sont écrits à quatre, six, huit, parfois dix mains ! Et cétait pas toujours facile. Entre nous les critiques étaient vives, et certaines oreilles sourdes au moindre reproche<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup>.</p>
<p>Pour le moment cest tout !</p>
<p>Bonne lecture,</p>
@ -44,7 +44,7 @@
</li>
</ol>
</div>
</div>
</section>
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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</h2>
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<div class="entry-content">
<div class="entry-content ">
<p>LUnion européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de lappel dair, mène une politique dexternalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, lUnion a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui est alors devenue un véritable sous-traitant du droit à lasile, et procède depuis à laccueil des personnes qui arrivent sur son territoire.</p>
<p>Nombreuses sont les personnes qui osent tout de même la traversée, par voie terrestre ou maritime, vers lEurope. La frontière gréco-turque est depuis devenue un lieu sinistre où les exilé.es sont soumis.es aux règles dun ping-pong meurtrier et confronté.es, dannée en année, à toujours plus de monstruosités : «encampements», travaux forcés, mois dattente puis de renvois, tentatives de traversée ratées, violences physiques et psychologiques, manque de sommeil, de nourriture et de soins.</p>
<p>Au paroxysme de cette politique migratoire violente et violatrice des droits les plus fondamentaux se trouve le recours quasi systématique aux refoulements, ou « pushbacks ». Pour répondre à nos questions sur cette pratique, nous avons contacté Marion, avocate au Legal Centre Lesvos (LCL) en Grèce.</p>

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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</h2>
</header>
<div class="entry-content">
<div class="entry-content ">
<p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Quest-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance à se dissoudre dans notre vécu ordinaire, emportant avec elle les personnes qui en subissent la ségrégation. Cet article veut montrer que cette invisibilisation ne va pas de soi, quelle est le résultat dimaginaires portés par des acteur.ices locaux qui font du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Inhabitable dans le sens où les personnes exilées sont au mieux considérées comme des « invités », au pire comme une masse nuisible, mais jamais ou trop rarement comme des personnes libres et fortes dun pouvoir dagir individuel et collectif. Des expériences collectives locales, allant des squats à certaines associations visant lémancipation des personnes apparaissent alors comme de potentielles sources dimaginaires territoriaux qui ninvisibilisent plus les exilé.es mais au contraire leur redonnent un peu dautonomie.</p>
<p>Non-respect des procédures de demande dasile par la police de lair et des frontières (PAF), non-respect du droit dans les demandes de titres de séjour par la préfecture, manque de places dhébergement durgence, stigmatisation des personnes exilées, criminalisation des personnes solidaires : voilà la réalité de la frontière dans le Briançonnais. Une réalité que lon peut, à Montgenèvre, survoler en télésiège, si notre porte-monnaie nous le permet. Allégorie trop parfaite de la ségrégation qui se déploie tout autour de nous, et de son invisibilisation.</p>
<h3>INVISIBLES, OCCUPEZ-VOUS DE VOTRE LINGE !</h3>

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@ -34,7 +34,7 @@
<h2 class="entry-title">Tadi taxi oula saroukh ?</h2>
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<div class="entry-content">
<div class="entry-content ">
<h3><em>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></em></h3>
<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup dautres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on lappelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant médicament anxiolytique, antalgique et antiépileptique, on parle même dans quelques chansons, sur les côtes méridionales de la Méditerranée. Sa popularité en tant que drogue récréative est énorme dans les pays du Maghreb. Lîle de Samos semble avoir été, pendant plusieurs années, sa plaque tournante et le centre de sa diramation vers lEurope. Aujourdhui, le Lyrica se trouve partout, vendu sous le manteau à 1,50€ la gélule, 10€ la plaquette, de Perpignan à Bruxelles, en passant par la Porte de la Chapelle.</p>
<p>Quelle est donc la raison dun succès international qui frôle la légende ? Quest-ce qui fait de ce dérivé de lacide gamma-amino-butyrique (ça fait moins rêver, nest-ce pas?), lun des médicaments les plus cités dans des fausses ordonnances, en France et en Belgique ?</p>

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