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be0cc5df8a
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Makefile
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72
Makefile
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PY?=python3
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PELICAN?=pelican
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PELICANOPTS=
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BASEDIR=$(CURDIR)
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INPUTDIR=$(BASEDIR)/content
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OUTPUTDIR=$(BASEDIR)/output
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CONFFILE=$(BASEDIR)/pelicanconf.py
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PUBLISHCONF=$(BASEDIR)/publishconf.py
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DEBUG ?= 0
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ifeq ($(DEBUG), 1)
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PELICANOPTS += -D
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endif
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RELATIVE ?= 0
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ifeq ($(RELATIVE), 1)
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PELICANOPTS += --relative-urls
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||||
endif
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SERVER ?= "0.0.0.0"
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PORT ?= 0
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ifneq ($(PORT), 0)
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PELICANOPTS += -p $(PORT)
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endif
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help:
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@echo 'Makefile for a pelican Web site '
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@echo ' '
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@echo 'Usage: '
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@echo ' make html (re)generate the web site '
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@echo ' make clean remove the generated files '
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@echo ' make regenerate regenerate files upon modification '
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@echo ' make publish generate using production settings '
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@echo ' make serve [PORT=8000] serve site at http://localhost:8000'
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@echo ' make serve-global [SERVER=0.0.0.0] serve (as root) to $(SERVER):80 '
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@echo ' make devserver [PORT=8000] serve and regenerate together '
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@echo ' make devserver-global regenerate and serve on 0.0.0.0 '
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@echo ' '
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@echo 'Set the DEBUG variable to 1 to enable debugging, e.g. make DEBUG=1 html '
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@echo 'Set the RELATIVE variable to 1 to enable relative urls '
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@echo ' '
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html:
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"$(PELICAN)" "$(INPUTDIR)" -o "$(OUTPUTDIR)" -s "$(CONFFILE)" $(PELICANOPTS)
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clean:
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[ ! -d "$(OUTPUTDIR)" ] || rm -rf "$(OUTPUTDIR)"
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regenerate:
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"$(PELICAN)" -r "$(INPUTDIR)" -o "$(OUTPUTDIR)" -s "$(CONFFILE)" $(PELICANOPTS)
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serve:
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"$(PELICAN)" -l "$(INPUTDIR)" -o "$(OUTPUTDIR)" -s "$(CONFFILE)" $(PELICANOPTS)
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serve-global:
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"$(PELICAN)" -l "$(INPUTDIR)" -o "$(OUTPUTDIR)" -s "$(CONFFILE)" $(PELICANOPTS) -b $(SERVER)
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devserver:
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"$(PELICAN)" -lr "$(INPUTDIR)" -o "$(OUTPUTDIR)" -s "$(CONFFILE)" $(PELICANOPTS)
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devserver-global:
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$(PELICAN) -lr $(INPUTDIR) -o $(OUTPUTDIR) -s $(CONFFILE) $(PELICANOPTS) -b 0.0.0.0
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publish:
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"$(PELICAN)" "$(INPUTDIR)" -o "$(OUTPUTDIR)" -s "$(PUBLISHCONF)" $(PELICANOPTS)
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.PHONY: html help clean regenerate serve serve-global devserver publish
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BIN
__pycache__/pelicanconf.cpython-310.pyc
Normal file
BIN
__pycache__/pelicanconf.cpython-310.pyc
Normal file
Binary file not shown.
56
content/01.md/TADI_TAXI_OULA_SAROUKH.md
Normal file
56
content/01.md/TADI_TAXI_OULA_SAROUKH.md
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Title: Tadi taxi oula saroukh ?
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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## «Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»[^1]
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Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant médicament anxiolytique, antalgique et antiépileptique, on parle même dans quelques chansons, sur les côtes méridionales de la Méditerranée. Sa popularité en tant que drogue récréative est énorme dans les pays du Maghreb. L’île de Samos semble avoir été, pendant plusieurs années, sa plaque tournante et le centre de sa diramation vers l’Europe. Aujourd’hui, le Lyrica se trouve partout, vendu sous le manteau à 1,50€ la gélule, 10€ la plaquette, de Perpignan à Bruxelles, en passant par la Porte de la Chapelle.
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Quelle est donc la raison d’un succès international qui frôle la légende ? Qu’est-ce qui fait de ce dérivé de l’acide gamma-amino-butyrique (ça fait moins rêver, n’est-ce pas?), l’un des médicaments les plus cités dans des fausses ordonnances, en France et en Belgique ?
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La réponse est simple, chères lecteur.ices : une stratégie de marketing bien réussie ! Qui comporte, il est vrai, quelques pépins avec la justice, mais cela n’a plus l’air de scandaliser l’opinion publique occidentale, après les affaires de l’OxyContin de Purdue Pharma, ou du Fentanyl d’Insys Therapeutics, protagonistes inoubliables de la saga des opioïdes aux Etats-Unis.
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D’autant plus que le Lyrica, pour le moment, est la drogue des sans-papiers, des exilé.es, des détenu. es, des sans-abris, des usager.es d’opioïdes : une population d’invisibles, sans droits et sans repré-sentant.es. Ce qui fait de sa diffusion sous le manteau un crime presque parfait.
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Bravo donc à Pfizer, propriétaire des droits d’exploitation de la prégabaline, d’avoir réussi une deuxième affaire du siècle, après le vaccin anti-Covid ! Ces profits sont bienvenus, si l’on tient compte des 2,3 milliards de dollars d’amende payés en 2009 au gouvernement Étasunien pour avoir fait la promotion illicite de plusieurs médicaments (dont le Lyrica); des 60 millions de dollars d’amende payés en 2012, pour avoir corrompu des médecins et des représentant.es de gouvernement en Chine, République Tchèque, Italie, Serbie, Bulgarie, Croatie, Kazakhstan et Russie. Sans oublier les 1,3 millions d’euros versés à Jérôme Cahuzac en 2016, on se demande bien pourquoi...
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Mais attention, chères lecteur.ices. Comme vous pouvez bien l’imaginer, l’utilisation de ce médicament n’est pas sans un certain nombre de conséquences plus que négatives. La prégabaline a en effet des propriétés euphorisantes, relaxantes et désinhibantes, en particulier lorsqu’elle est utilisée en association avec d’autres dépresseurs (opiacés, alcool, benzodiazépines…) dont elle potentialise les effets. Certains usager.es rapportent également une sensation de toute puissance. Mais un usage excessif entraîne très rapidement une forte dépendance physique, ainsi que plusieurs effets indésirables : prise de poids, œdème périphérique, vertiges, somnolence, ataxie, tremblements, fatigue, céphalées, douleurs articulaires, impuissance, troubles visuels. Le mésusage augmente le risque de dépression respiratoire par surdose d’opiacés, ainsi que le risque de troubles du rythme cardiaque. Au niveau comportemental, son usage est associé à une augmentation des idées suicidaires et des passages à l’acte, des accidents de la route, et de l’agressivité.
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En fouillant dans la littérature pharmaceutique, on découvre que « les médicaments de la famille des gabapentinoïdes, dont le Lyrica fait partie, semblent être une cause de mortalité insuffisamment recherchée en médecine légale, notamment dans le cadre des décès pour overdose d’opioïdes », ce qui veut dire, dans notre langue, que le Lyrica tue un grand nombre d’usager.es d’opioïdes, mais que, pour le moment, personne n’a vraiment envie de savoir combien, ni bien sûr de bouger un doigt pour les aider.
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Merci Pfizer, encore une fois.
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Mais laissons la parole à notre ami K., [ancien usager de Lyrica] qui vit à Briançon depuis plus de deux ans.
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**R : ** Toi, t’as quoi à me dire sur le Lyrica ?
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**K : ** Encore hier, il y a un gars du Refuge Solidaire[^2] qui savait qu’il était en manque, alors il a pris son drap et il est allé dormir dans le parking près du refuge.
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**R : ** Mais il a dormi sur le parking, à même le sol ?
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**K : ** Bah oui, il savait qu’avec tout le monde au Refuge il pourrait pas se contrôler, alors il est parti sur le parking, tranquille, tout seul.
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**R : ** La dernière fois quand je t’ai demandé c’était quoi les plats typiques de l’Algérie, tu m’as répondu que c’était le Lyrica ! Parce qu’au Maroc y’a pas une aussi grande consommation, c’est ça ?
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**K : ** Pour la moitié des gens, comme les Marocains, la prise de Lyrica commence en Turquie. A Takzim, les potes que tu vas te faire ils vont te proposer du Lyrica. Les gens ils en vendent dans les camps, dans les associations. Au Maroc on a d’autres drogues, des Karkoubi [drogues psychotropes] comme roche [surnom du Valium]. Mais on n’a pas trop de Lyrica. Et tu vois, les gens qui sont pas sociables, qui sont timides et tout, ils prennent du Lyrica. Les gens qui sont SDF en Bosnie et qui partent dans les markets ou au feu rouge pour demander de l’argent, eux ils prennent du Lyrica, ça les encourage à faire ça. Pour voler aussi, ça donne du courage.
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Beaucoup de gens ils en prennent pour marcher aussi, pour traverser la montagne, pour se donner de l’énergie.
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**R : ** Et t’en a déjà pris ? Tu ressens quoi exactement ? T’es pas obligé de répondre si tu veux pas.
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**K : ** Moi mon maximum c’est 21 en une journée ! Une fois au Refuge, parce que t’as le droit à 3 pilules maximum par jour[^3], y’a un gars il disait « mais moi je suis habitué à 7 ou 8 par jour » et moi je lui ai pas dit mais j’en prenais parfois 17, 21 par jour (rires). Mais il faut se contrôler, j’ai pas tout pris d’un coup, comme ça tu sais. Il faut en prendre sur la journée. Au début t’en prends, t’as plein d’énergie et tout. Ça te rend trop sociable, ça te donne du courage et un peu de force. Et quand tu commences à sentir que l’énergie ça finit, tu prends encore. Mais à la fin moi quand j’ai senti que c’est bon l’énergie c’est fini, j’ai arrêté d’en prendre, j’ai aussi senti que je pouvais m’endormir n’importe où. J’avais les yeux tout rouges, et plus d’énergie. Et si tu continues de trainer, par exemple de marcher, tu commences à oublier où tu es et tu peux t’endormir d’un coup. Et tu peux plus marcher normalement. Et puis, y’a des gens le lendemain ils se souviennent plus de rien. Ca te fait vraiment sentir high, mumteshi [défoncé en darija marocain]. Le best combo, c’est Lyrica, du coca, et fumer du shit. Ça c’est comme si ça explosait la force du Lyrica, ça donne vraiment un trop trop grand high.
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**R : ** Mais du coup quand t’es habitué à en prendre 21 par jours et qu’après tu peux en prendre seulement trois, le manque il se manifeste comment ?
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**K : ** Quand t’es en manque y’a des gens ils deviennent vraiment trop agressifs. Y’a des gens qui volent et qui tuent à cause du Lyrica sur la route. Une fois j’étais en prison en Slovénie et y’avait des gens qui étaient en manque de Lyrica. Et les employés de la prison ne voulaient pas leur en donner. Alors les exilé.es ont commencé à ouvrir leur corps, à se faire du mal à eux-même[^4] et à tout casser. Les toilettes, les chaises… Et une fois qu’ils ont ouvert leur corps, on leur a donné du Rivotril.[^5]
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Tu peux mourir à cause du Lyrica. Une fois, j’étais en Bosnie, il y a des gens ils vivaient dans une maison abandonnée. C’était des migrants. Ils ont passé la limite du Lyrica.
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**R : ** T’entends quoi par la limite du Lyrica ?
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**K : ** Ils ont pris plus qu’un paquet. Et dans un paquet des fois il y a 14, des fois il y a 21 pilules. Ils étaient trois personnes. Un il était sorti de la maison. Un il était déjà en train de dormir, en overdose, K.O. Et l’autre il était au téléphone avec sa mère. Et dans la maison il y avait pas de lumière. Il a allumé une bougie mais il était sous Lyrica alors il a rien mis en bas de la bougie, il l’a posée directement sur la couverture. Et le mec il avait seulement envie de parler avec sa mère et après c’est bon, il dort. Le moment où il a fini l’appel avec sa mère, il a commencé à être en overdose lui aussi, et il a oublié d’éteindre la bougie. La bougie elle a continué, continué de fumer et ça a allumé la couverture. Et parce que vraiment ils avaient trop pris de Lyrica, ils se sont pas réveillés. C’est la troisième personne qui était pas dans la maison qui est rentrée et a trouvé que tout avait brûlé. Ils sont restés les deux dans le coma et au bout d’un mois l’un est mort et l’autre s’est réveillé...
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Mais il faut pouvoir contrôler. Parce que un peu ça t’aide trop. Tu en prends pour passer, sur la route. Quand tu marches dans la forêt ou quand tu sais que tu vas devoir faire des trucs durs. Mais trop vraiment c’est dangereux. Tu peux devenir tellement agressif, faire vraiment n’importe quoi, et après tu te rappelles de rien.
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[^1]: Paroles de la chanson Takoul Saroukh (littéralement: « mange du Lyrica ») de Cheb Djalil.
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[^2]: Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne.
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[^3]: La PASS à l’hôpital de Briançon donne maximum trois jours de Lyrica aux habitant.es du refuge. L’ordonnance est théoriquement non-renouvelable si le départ est décalé.
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[^4]: Comme dit plus haut, une des principales manifestations du manque est de se faire du mal à soi-même.
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[^5]: Le Rivotril est utilisé d’une manière similaire au Lyrica.
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content/01.md/integration_a_coups_de_patates.md
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content/01.md/integration_a_coups_de_patates.md
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Title: L'intégration à coups de patates
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte d’Ivoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles qu’ils ont avec les éducateur.ices, depuis qu’ils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans l’entretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, d’interdictions, de contraintes, de l’obstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que c’est important pour l’intégration des jeunes, iels disent.
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Car l’intégration est une affaire de patates. Et de crème fraîche, aussi. Dans les repas préparés et échangés au foyer le soin se mêle au contrôle, et le don à la menace. Parce que les jeunes du foyer ne sont pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) qu’en tant que mineurs (et parce qu’ils ont été reconnus comme tels, ce qui n’est pas le cas de toustes), ce ne sont ni des citoyens ni de simples « migrants », terme qui semble s’appliquer seulement aux adultes en situation d’exil. En d’autres termes, ils ne sont accueillis – institutionnellement – qu’en tant qu’enfants. Ce sont un peu des apprentis citoyens, des mineurs sur la sellette de la légalité qui doivent faire les preuves de leur désir d’intégration pour maintenir un statut régulier, une fois majeurs. Être à la fois enfant et étranger en France, c’est devoir se plier à des formes de soin baignées d’injonctions à être un « bon MNA », c’est-à-dire un MNA qui correspond aux normes de la blanchité : un MNA fort à l’école, sage à la maison, et respectueux des éducateur.ices qui l’entourent. Dans l’imaginaire collectif – qui reste un imaginaire nationaliste – l’étranger est un peu l’enfant du citoyen, et l’enfant l’étranger des adultes, faisant des MNA – enfants et étrangers – les cibles d’une double infantilisation, au nom de leur minorité et de leur étrangéité.
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Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur autonomie. Les éducateur.ices qui travaillent avec eux leur disent quoi faire de leur temps, de leur argent, ce qu’il faut manger et comment, en faisant abstraction de leurs désirs, envies et besoins. Tout cela sous couvert de bons sentiments qui étouffent, autant qu’ils maintiennent l’illusion baroque selon laquelle la citoyenneté serait une manière d’être et de se tenir, à table comme ailleurs.
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**P:** Depuis qu’on est arrivé c’est les éducateurs qui font à manger pour nous. Quand le Ramadan a commencé, on voulait pas déranger les éducateurs pour nous faire la cuisine, parce que c’est un mois sacré pour nous, il faut qu’on mange bien pour bien passer le Ramadan. Les repas qu’ils nous faisaient, bon… on mangeait parce qu’il faut manger pour notre faim, même si ça passe pas, on boit de l’eau par dessus et ça passe. Quand le Ramadan a commencé c’est M. [un jeune accueilli par l’association] qui faisait la cuisine, et moi j’aidais beaucoup, on mangeait à quatre heures du matin, on faisait du riz, du couscous, du poulet, on a mangé beaucoup pendant le Ramadan.
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**R:** Et les éducateurs ils faisaient quoi à manger?
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**P:** Des repas français. Quand le Ramadan est fini, M. a décidé d’arrêter de faire la cuisine, moi aussi j’avais pris ma décision, mais souvent on est là à midi ou une heure et y’a personne pour faire la cuisine, donc on est obligé de faire des trucs à manger. On fait ce qu’on veut à manger. Ils font aussi ce qu’ils veulent, les éducateurs, il préparent ce qu’ils veulent, même si c’est pour nous. Souvent c’est Z. [une éducatrice] qui nous demande ce qu’on veut manger, ce qu’on a prévu de faire, moi je dis tout me va, j’ai aucun problème avec la nourriture, c’est elle qui faisait beaucoup. Mais L. [un éducateur] une fois il a fait un truc que moi j’ai pas aimé. Quelque chose avec des pommes de terre, je sais plus comment ça s’appelle [une tartiflette]. Après j’ai eu mal au ventre, j’ai mangé pour ne pas le décourager, parce que M. n’a pas aimé non plus, donc moi j’ai ajouté un peu de sel et j’ai mangé pour le motiver, mais après j’ai regretté, il fallait pas le manger son plat mais j’avais pas le choix.
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**R:** Et tu lui as pas dit que tu voulais pas le manger?
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**P:** Non, je lui ai même pas dit que c’est pas bon, que je n’aime pas, je lui ai même pas dit, parce que M. lui avait déjà dit qu’il aimait pas, il a gouté et il a arrêté de manger, donc j’ai mangé pour qu’il soit plus à l’aise, j’ai mangé avec beaucoup de sel et après j’ai eu mal au ventre, mais c’est passé. Depuis L. a fait d’autres plats. Même aujourd’hui il a fait une blanquette de veau, parce qu’on est allé regarder le match de foot et y’avait personne pour faire la cuisine, donc c’est lui qui nous a préparé la sauce.
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[Pendant que P. parle, X, un autre jeune accueilli, pose une cagette de provisions sur la table du salon.]
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**R:** T’as ramené quoi sur la table ?
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**X:** Ça, ça vient des Restos du Coeur. Depuis qu’on l’a pris aux Restos du Coeur personne ne l’a mangé. Ça, c’est pareil. Ça, c’est de la crème fraiche, tu peux la jeter. J’ai fait une liste mais personne n’a acheté ce que j’ai demandé. On peut parler des courses ? Concernant les courses, y’a quelques éducateurs qui font comme s’ils étaient chez eux. Par exemple, un jour on a fait une liste, et quand l’éducatrice est arrivée elle a laissé la liste qu’on avait écrit et elle a acheté ce qu’elle voulait, et maintenant il parait qu’il nous reste plus assez de budget, mais elle, elle a acheté ce qu’elle voulait, de la crème fraiche, du café, pourtant il y avait déjà du café, mais elle en a racheté au lieu d’acheter ce que nous on avait écrit. Elle a acheté ce qu’elle voulait, parce que c’est elle qui fait les courses ici. Y’a beaucoup de choses qu’ils achètent [les éducateurs], bon, si t’achètes et que tu fais la cuisine pour nous, si on t’a dit que c’est bon, alors on peut accepter, mais si on mange pas ce que tu cuisines, c’est pas acceptable.
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**R:** Et vous allez jamais faire les courses vous-mêmes?
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**P:** Bien sûr, avant on allait faire les courses une fois par semaine, mais depuis le mois du Ramadan on a arrêté. Seulement hier on est retourné faire des courses, on est parti tous les trois, on a fait une liste, et un éducateur nous a dit qu’on n’avait plus de budget et qu’on devait faire attention. Quand on est allé au supermarché on a compté. J’ai dit à l’éducateur qui était venu avec nous, trente-cinq euros pour finir le mois, on ne peut pas acheter tout ce qu’on veut, donc j’achète, et si le budget finit tu dis au chef que ce mois-ci on a dépassé le budget, pour qu’il puisse compter sur le mois prochain. Il a dit « non, je vais me faire engueuler par le chef ». Moi j’ai laissé le chariot sur place et je suis rentré à la maison. En rentrant il m’a crié dessus, il m’a dit que je m’étais mal comporté avec lui.
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**X:** Ici on a 150€ par mois pour la nourriture, par personne [ils sont six], et à part Z. qui amène sa nourriture à la maison, les autres ils mangent ce qu’il y a dans le frigo. Si quelqu’un vient et ne cuisine pas, il ne devrait pas manger avec nous. Mais si la personne cuisine, elle peut manger avec nous, c’est donnant donnant. Est-ce que vous êtes ici pour cuisiner ou est-ce que vous êtes ici pour manger notre argent ? S’ils cuisinent ça peut aller. Quand L. a dit qu’on n’avait plus d’argent ça m’a étonné, parce qu’on n’est pas allé faire les courses depuis le Ramadan, c’est les éducateurs qui amènent à manger. On n’a pas pu acheter pour 900€ de nourriture en deux semaines, c’est pas possible.
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**R:** Est-ce que vous allez aussi au Secours Populaire ou aux Restos du Cœur pour les courses ?
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**P:** Avant on partait, quand le budget de la nourriture c’était 900 euros, on partait chaque mercredi, et quand ils ont ajouté 100 euros sur le budget, ce qui fait 1000 euros, on nous a dit qu’on n’allait plus aller là-bas. J’ai dit d’accord. Jusqu’à présent personne n’est retourné là-bas parce que la déci-sion vient du chef. Nous on ne peut plus rien dire. On a même fait deux jours, il n’y avait plus rien dans le frigo, on a parlé avec l’éducateur, il a dit qu’il pouvait pas aller faire les courses. Alors j’ai fait en sorte qu’on puisse avoir à manger, je crois que c’était la pomme de terre que j’avais fait, j’ai cuit les pommes de terre avec les œufs, c’est ça que j’ai fait à manger. Il n’y avait pas de poulet, il n’y avait pas de riz, pas de couscous. Même j’ai parlé avec le directeur ici, à la réunion, il a dit qu’on pouvait faire une liste de courses mais ce que les éducateurs achètent on est obligé de l’accepter. Il dit « si tout à l’heure L. part acheter de la crème fraîche, et si toi tu n’aimes pas, tu le manges quand même, c’est un plat français. »
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**R:** Et vous en pensez quoi quand ils vous disent des trucs comme «Il faut manger français, c’est important pour votre intégration» ?
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**P:** On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés c’est ce qu’on mangeait, puisqu’on n’avait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. C’est les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à l’aise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. C’est ce qu’on veut.
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**R:** Y’a d’autres choses que vous n’avez pas le droit de faire ici ?
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**P:** Un jour un ami m’a envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte d’Ivoire de l’attiéké, qu’on mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là j’ai fait de l’attiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par l’association]. On était à l’aise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce qu’un éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et l’éducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on n’a pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment j’ai pris la parole et on s’est engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à l’heure, est-ce que tu mangeras avec la main? » J’ai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France c’est pour toi, mais la Côte d’Ivoire c’est pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce qu’on est chez nous ici, même si c’est pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc c’est chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi j’aime pas aller dans les restaurants, j’aime pas, je préfère manger chez moi, à l’aise, tranquille, je bois mon eau et j’ai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi c’est mieux. Après d’autres éducateurs sont arrivés et nous ont dit qu’on ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca s’est passé comme ça avec eux. Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » J’ai dit « Déjà j’ai pas encore commencé l’apprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi c’est pour ça que je mange avec la main. » Si j’ai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier j’ai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »
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Title: La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.
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Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge[^1] du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.
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Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.
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Le but de cet article n’est pas de dire : refusons l’argent des patrons-philanthropes et organisons-nous pour l’accueil digne et autogéré des personnes exilées – même si on dit ça un peu quand même – mais de comprendre un peu mieux comment les protocoles qui régulent l’hospitalité affectent l’accueil et le traitement des personnes exilées au Refuge. Et de dénoncer, au passage, certains abus vraiment intolérables.
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## ARRÊTEZ D’ARRIVER
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« Non mais tu comprends pas, si personne ne part, personne ne peut arriver non plus ! Et puis y’a des questions de sécurité aussi : si le bâtiment crame on fait quoi ? Si on dépasse la jauge l’assurance ne paye pas, et puis même, au-delà des normes, tu te verrais dormir dans le réfectoire, toi ? Y’a du bruit tout le temps, c’est pas tenable, mieux vaut les faire partir, on sait pas où, mieux vaut éviter le pire ! Et puis le Russe il a des cernes on dirait un dindon. »[^2] Il est plutôt brouillon l’épouvantail qu’on agite au Refuge pour pousser les personnes exilées vers la sortie : on y trouve des enjeux d’argent et de sûreté tout entremêlés de soucis du bien-être et de la dignité d’autrui[^3]. Il nous arrive aussi parfois d’entendre la théorie de l’appel d’air, dans sa version pour les nul.les, selon laquelle si on rajoute trois lits de camp dans le couloir, il y aurait immédiatement et immanquablement trois personnes pour quitter le Bangladesh en direction de Briançon.
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De toutes ces règles à respecter et faire respecter ressort une impression de crise permanente. C’est-à-dire qu’à partir du moment où les yeux – du conseil d’administration, des salarié.es et des bénévoles – sont rivés sur la jauge-qu’il-ne-faut-pas-dépasser, les personnes qui restent et celles qui arrivent – toutes celles qui menacent malgré elles de faire péter la jauge – deviennent perçues et traitées comme des problèmes à gérer. Les personnes exilées qui arrivent au Refuge sont donc accueillies, certes, mais accueillies comme de potentielles futures menaces, des réfractaires au départ, les empêcheurs et empêcheuses du bon fonctionnement du Refuge en général et de l’accueil (qui porte mal son nom) en particulier. Ce triste arrangement de conscience n’a pas l’air de troubler plus que ça les membres du conseil d’administration. A nos critiques, ces gens-là répondent généralement avec agacement qu’il n’y a pas d’autres solutions et que nous ne servons donc à rien, avec notre empathie et notre idéalisme que l’urgence perpétuelle ne parvient pas à anesthésier. Parce que LA solution, tenez-vous bien, nous l’avons très claire en tête, elle est simple comme deux et deux font quatre, irréfutable – mais on ne la révélera qu’à la fin de cet article.[^4]
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## LA TYRANNIE DU PRÉSENT
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Les discours de crise ont tant été utilisés comme moteurs d’indignation que l’espace public est devenu largement saturé d’urgences qui finalement peuvent attendre, et de chocs qui ne choquent plus. En d’autres termes, les discours de crise sont contre-révolutionnaires en tant qu’ils permettent de stabiliser une condition existante plutôt que de minimiser des formes de violences quotidiennes. La crise reproduit des institutions, des pratiques et des réalités plus qu’elle n’interroge la manière dont ces crises sont advenues, ou comment on pourrait en sortir[^5]. Les personnes qui, au refuge comme ailleurs, nourrissent un sentiment d’urgence permanente se font les complices, volontaires ou non, d’un discours qui, tant qu’il nous fait tourner en rond, nous empêche de nous demander pourquoi, au fait, est-ce qu’on tourne en rond. Etat d’urgence et dérive gestionnaire sont les écueils contre lesquels s’écrase toute possibilité de réflexion autour de sujets pourtant centraux : la responsabilité du néocolonialisme dans les grands mouvements migratoires ; le rôle du capitalisme dans les dérèglements climatiques à l’origine de ces mêmes phénomènes ; la possibilité d’un accueil digne dans une société qui refuse de remettre en question la propriété privée, la croissance économique, le plein emploi et le salariat. Tant de choses, une fois réintégrées dans le débat, pourraient servir de garde-fou (voire d’antidote) contre le paternalisme et la maltraitance de salarié.es constamment au bord du burn-out.
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Au Refuge, la crise ça veut dire pas le temps de m’intéresser à ton passé, toi que j’accueille, et pas le temps non plus de me pencher sur ton futur. Il n’y a qu’ici et maintenant que tu existes, et tu ressembles plus à un colis encombrant qu’à une personne comme moi et mes potes. Le présentisme c’est un peu la maltraitance ordinaire : peu importe d’où tu viens et où tu vas, comme c’est l’urgence ici, tant que tu y es tu seras un parmi d’autres, à nos yeux d’accueillant.es. Pas le temps d’écouter tes problèmes, et si par hasard tu deviens connu.e de moi c’est que t’auras merdé quelque part, tu te seras fait remarquer et probablement pas pour les bonnes raisons, t’auras eu le culot de faire des vagues alors que franchement, t’as pas vu comme c’est compliqué déjà la vie ici, t’étais vraiment obligé de rajouter des problèmes, sérieux ?[^6]. Parler de crise au Refuge c’est, souvent, éviter de remettre en question des pratiques d’accueil qui traitent les personnes accueillies comme des indésirables et forcent leur départ vers des futurs précaires.
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## INDÉSIRABLES
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Mais qui part quand la jauge est pleine ? Qui est-ce qu’on met à la porte en premier et à qui est-ce qu’on accorde un peu de répit ? Ces questions quotidiennes – étendre ou non la durée de l’accueil, enfreindre ou pas le protocole qui stipule que chaque personne accueillie ne peut rester que trois jours et trois nuits – révèlent souvent une hiérarchie qui classe les personnes exilées en fonction de leur vulnérabilité (perçue). Les familles avec enfants, les femmes seules et les femmes enceintes sont souvent désignées comme plus vulnérables que les hommes seuls, et donc plus à même de pouvoir rester. Mais ces catégories sont héritées de logiques gouvernementales. Ce sont celles qui déterminent l’accueil au 115 ou dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA). Les semeur.euses de trouble, les accros au Lyrica, celles et ceux qui s’attardent un peu trop, qui commencent à se sentir comme chez elleux, et sortent de l’anonymat qui leur était assigné, en revanche, sont les premier.es à subir des pressions au départ. Grâce à cette belle contorsion logique, celles et ceux qui n’ont vraiment nulle part où aller, sont celles et ceux qu’on fout dehors avec le moins de scrupules. C’est-à-dire qu’une personne accueillie a plus de chance de devoir partir si elle va à l’encontre des normes de vulnérabilité qu’on lui assigne que si elle incarne une certaine image de la migration, selon laquelle un.e migrant.e se doit d’être isolé.e, vulnérable et obéissante pour mériter l’accueil.
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Et qui est-ce qui décide de qui peut rester, et qui doit partir ? Un œil sur la jauge-à-ne-surtout-pas-dépasser, l’autre sur le prix des billets de train pour Paris, les salarié.es de l’accueil concentrent de fait le pouvoir de laisser rester et faire partir. La décision de renvoyer quelqu’un.e du refuge n’est ni collective ni vraiment protocolaire, mais bien arbitraire, puisqu’elle repose souvent sur les impressions, humeurs et inimitiés personnelles que les salarié.es de l’accueil nourrissent envers les personnes accueillies. Si l’on ajoute à ça l’urgence dont on parlait plus tôt, on se retrouve assez vite dans une panade bien grisâtre dans laquelle une poignée de gens contrôle et confisque la mobilité – toi tu restes, toi tu pars – d’une majorité d’exilé.es. Ce contexte est propice à des débordements de plus en plus fréquents, où l’attitude contrôlante est si brutale qu’elle semble inspirée par un vrai sadisme, ou par une sorte de délire de puissance que la fatigue et le stress ne suffisent pas à justifier.
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Voici quelques extraits de dialogues qu’on a pu entendre dans le bureau de l’accueil du Refuge : « T’es bien content de dormir et manger gratuitement ici, hein? Mais ça peut pas durer ! Tu as trois jours pour acheter un billet et partir! » « [en pleurant:] Mais je n’ai pas d’argent et je ne sais pas où aller ! » « Et ben tu vas te le faire prêter, l’argent, ou alors tu partiras en stop ! »
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Ou encore, à une personne en manque de Lyrica: « Tu veux ta dose ? Il faut que tu achètes un billet pour Grenoble et je vais te la donner, ta dose ! »[^7]
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## FAUT CONCLURE
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Accueillir c’est aussi contrôler. C’est se rendre responsable de quand part qui et parfois où, sans trop savoir pourquoi. En ce sens, la contrainte ne prend pas toujours la forme d’une interdiction. Au Refuge bien souvent la contrainte oriente, elle rassure, elle encourage, elle donne à des futurs flous des contours nets pour les faire advenir vite, très vite, parce qu’il faut faire de la place. La contrainte se fait douce[^8], quand elle n’est pas ouvertement horrible.
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## LA SOLUTION (PUISQU’ON L’A PROMISE)
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La solution que nous proposons a l’avantage de s’adapter à presque tous les picotements de conscience (réels ou factices) des personnes qui détiennent un pouvoir sur les autres. Elle consiste à simplement arrêter de l’exercer, ce pouvoir, à regarder un peu ce qui se passe, et à prendre des notes si possible. La jauge va exploser de mai à la mi-octobre[^9], comme l’année passée, et celle d’avant encore, ce qui pourrait provoquer autre chose que la fin du monde. Les portes des trois étages vides pourraient finir par s’ouvrir, par exemple. Celleux parmi les propriétaires et les membres du CA qui voudraient les refermer seraient obligé.es de s’exposer publiquement, elleux et les limites si mesquines de leur charité. Un tel geste pourrait même faire gagner un peu de sympathie à l’institution épuisée qu’est le CA du Refuge, dont la politique demeure incertaine, parfois suspecte, et toujours décevante, voire un peu collabo, comme quand ses membres s’époumonent dans les oreilles du préfet, des député.es et des ministres, qu’enfin y’en a marre, il faut agir, y’a trop de migrant.es par chez nous. Il pourrait arriver plein de choses, sérieux. Le « russe » pourrait même retrouver le sommeil, ou un.e bonne avocat.e.
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[^1]: Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne.
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[^2]: Soupe d’arguments régulièrement servie à quiconque questionne la jauge – le plus souvent des bénévoles un peu inquièt.es de mettre des gens à la porte ou des éxilé.es peu désireux.es de se retrouver à la rue.
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[^3]: Entendez : c’est pour le bien des personnes exilées qu’on les met dehors, et puis de toute façon on n’a pas le choix, le refuge ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde (sans le soutien de l’Etat qui, lui-même l’a déjà dit, ne peut pas non plus accueillir toute la misère du monde). Voilà on laisse ce tacle en bas de page pour éviter de trop froisser celleux qui ne s’identifieraient pas à la colère qui infuse ce petit article (pour l’instant).
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[^4]: Suspense de ouf.
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[^5]: C’est pas nous qui le disons c’est Joseph Masco, un très chouette anthropologue qui travaille sur l’instrumentalisation politique des fins du monde aux Etats-Unis, dans un article (en anglais sorry) qui s’appelle The Crisis in Crisis.
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[^6]: C’est une autre soupe, elle aussi indigeste, qu’on sert parfois au refuge quand la première n’a pas suffi.
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[^7]: Au moment où cet article était déjà écrit en large partie, nous avons appris une nouvelle déconcertante: une personne salariée du Refuge venait d’être mise à pied et soumise à enquête parce que accusée d’abus de pouvoir sur fond sexuel envers les exilé.es, notamment dans l’application des mesures mise en place pour respecter la f***ue jauge. Cette histoire touche trop de près le sujet de notre article pour que nous ne la mentionnions pas, mais, d’un autre point de vue, elle est beaucoup trop complexe, délicate et troublante, pour qu’on l’aborde de manière précipitée. Nous considérons par ailleurs qu’elle n’enlève rien aux opinions que nous exprimons ici. Au contraire, elle corrobore notre indignation. Et, pour le reste, l’évènement donne une couleur particulièrement sinistre au ton de certains de nos propos, que nous ne considérions pas, au moment de l’écriture, à ce point allusifs.
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[^8]: Puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, l’idée d’une contrainte positive – d’un pouvoir qui dit oui, vas-y ! plutôt que beh non tu peux pas faire ça en fait – a été pensée et théorisée en grande partie par Michel (Foucault).
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[^9]: Et ben non ! Le Refuge a décidé le 30 août de fermer ses portes et que plus personne ne rentre. Au moment où nous envoyons RAVAGES à l’imprimerie, il n’y a plus de lieu d’accueil inconditionnel à Briançon, à part un squat sans eau (le Pado) et sous menace d’expulsion imminente. Ça nous fait tout drôle, à RAVAGES, cette sensation d’avoir été, pour une fois, presque TROP OPTIMISTES ?!
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Title: Lexique : frontière
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI pour aller plus vite), parce que c’est celle qu’on habite, qu’on connaît un peu mieux que les autres, et depuis laquelle on écrit la plupart de cette revue. Pour celles et ceux qui, pris d’un grand coup de flemme, ne souhaiteraient pas lire la suite, ce qu’on y dit est plutôt simple : la frontière est une construction juridique historiquement récente, difficilement séparable des idées d’Etat et de territoire, et dont la forme, le tracé et les modalités changent constamment. Le fait que les frontières nationales correspondent parfois à des frontières dites naturelles n’a rien d’évident : c’est le fruit d’un processus politique qui, depuis plusieurs siècles, inscrit l’Etat et ses limites dans une « nature » qui les précède et légitime leur existence.
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Le rétablissement des contrôles d’identité et le renforcement des effectifs policiers le long de la frontière franco-italienne ont fait de « la frontière » un objet ordinaire dans le Briançonnais. Pour les mi-litant.es du coin, « la frontière » est une réalité quotidienne : on l’arpente, on la dénonce, on essaye, le plus possible, de la rendre inutile, mais jamais – ou presque – on ne remet en question son existence. La frontière fait partie du décor. Et si elle apparait sur nos cartes de randonnée comme une ligne nette et bien tracée, peu de choses indiquent, dans nos paysages frontaliers, qu’ici se trouve la limite d’un territoire. A la différence des murs de barbelés érigés en Grèce, en Espagne ou en Hongrie, la frontière franco-italienne reste relativement intangible. Et pourtant, « la frontière » structure mouvements, pensées et luttes avec autant d’évidence que si c’était un mur. C’est pour détricoter un peu de ce sens commun que nous analysons ici le mot
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« frontière », les ambitions territoriales qu’il reflète et les réalités sociales qu’il impose.
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## FICTION JURIDIQUE
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La frontière est avant tout une invention juridique, qui délimite dans l’espace là où s’applique le droit national, et là où il ne s’applique pas. Elle est légitimée chaque fois que des accords bilatéraux ou internationaux viennent réguler les relations entre les Etats, et donc leur existence. Entre l’Italie et la France, c’est l’accord de Chambéry qui régule les relations frontalières et facilite, entre autres, le refoulement des personnes exilées quand elles se font arrêter. Mais comme elle n’est ni immuable, ni nécessaire, la frontière en tant que construction juridique change assez régulièrement.
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A la fin des années 1980, la construction de l’espace Schengen a « ouvert » la frontière entre la France et l’Italie en mettant fin aux contrôles d’identité lorsqu’une personne passait d’un territoire à un autre. Une exception à cette règle persiste depuis en droit pénal : au sein d’une zone frontalière de 20km à partir de la ligne officielle, une personne peut toujours faire face à un contrôle d’identité, si elle est recherchée ou si elle commet une infraction.
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En 2015 cette frontière s’est partiellement refermée. L’Etat a établi une liste de 285 points stratégiques, appelés points de passages autorisés (PPA), autour desquels les contrôles d’identité ont été légalisés, sans que personne ne soit ni recherché ni pris en flagrant délit de quoi que ce soit. Officiellement ce rétablissement des contrôles aux frontières ne pouvait durer que 6 mois, et n’être renouvelé que pour une durée totale de deux ans. Pourtant, cela fait maintenant 8 ans que la police contrôle, expulse et enferme le long de la frontière sans aucune base légale.
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Quant à celles et ceux qui ont le malheur d’arriver tout droit de plus loin – d’un pays extérieur à la zone Schengen – l’Etat a là encore une solution. Depuis 1992, des zones appelées « zones d’attente » – il y en a presque 100 en France – permettent aux autorités de contrôler l’identité des gens et de les immobiliser, jusqu’à 26 jours, dans les ports, les aéroports et les gares internationales. En 2003, ces zones ont été étendues des points de débarquement à leurs environs, ce qui implique, en clair, que toutes les côtes françaises sont désormais des lieux où les immobilisations arbitraires sont possibles, et légales.
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Fiction juridique, la frontière n’en est pas moins réelle pour celles et ceux qui la traversent chaque jour sans la bonne couleur de peau, ou à défaut les bons papiers. Et si elle reste une construction historique relativement récente, c’est dans le registre de l’universel que la frontière puise sa légitimité, jusqu’à devenir une évidence territoriale, une sorte de sens commun dans la manière dont nous envisageons l’espace. Pourtant, et c’est ce qui nous intéresse dans la partie suivante, les frontières n’ont rien de naturel, et leur adéquation avec certains traits de paysage – comme les rivières ou les montagnes – est elle aussi une fabrication nationale.
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## FRONTIÈRES SYNTHÉTIQUES
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Au XVIIe siècle le mot « frontière désignait une ligne de front, celle qui se tenait face à l’ennemi, peu importe que celui-ci se trouve au milieu ou en périphérie d’un territoire donné. La « frontière » délimitait une zone de défense. C’est au siècle suivant que frontières militaires et frontières nationales ont commencé à coïncider, dans les écrits officiels comme dans ceux des Lumières, qui s’évertuaient alors à ancrer la nation dans un territoire propre. Bien souvent c’est dans le paysage que les philosophes allaient piocher pour donner à la nation ses limites. Pour Rousseau ou Montesquieu, la nature avait établi sur Terre les frontières idéales de la France et des autres Etats : le Rhin, les Pyrénées et les Alpes fournissaient à la jeune nation française des limites toutes trouvées. C’est la Révolution, autrement dit, qui nationalisa l’idée d’une frontière dite naturelle, et naturalisa celle des frontières nationales.
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Dans son histoire du Rhin, Lucien Febvre retrace les enjeux nationalistes du fleuve qui marque la frontière entre l’Allemagne et la France. Alors que depuis le XVIe siècle le Rhin était considéré en Allemagne comme un fleuve sacré et sacrément national, l’historien démontre au contraire comment le fleuve fut, au cours de l’histoire, un lieu d’échanges économiques, culturels et linguistiques. Le fleuve, comme la frontière qu’il trace dans la géographie européenne, figure non pas comme un donné naturel mais comme un produit de l’histoire humaine, et l’outil naturel d’une politique nationaliste.
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Les montagnes, comme les fleuves, ont souvent fait l’objet d’une frontiérisation, c’est-à-dire de la projection de logiques étatiques sur des paysages dont rien n’indique, a priori, qu’ils appartiennent à tel ou tel pays ou qu’ils séparent des nations entre elles. Dans les Pyrénées, la construction des Etats français et espagnol est allée de pair avec l’invention de la montagne comme frontière naturelle. Le développement de la cartographie par les monarchies de l’époque à des fins commerciales et souveraines contribua à transformer montagnes et vallées en une ligne frontalière qui depuis Paris ou Madrid facilitaient peut-être l’organisation du pouvoir, mais dont le tracé sur place semblait bien arbitraire. Dans les Alpes, c’est la ligne de partage des eaux, le long des crètes, qui marque les limites entre la France, la Suisse et l’Italie.
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En France comme ailleurs, pourtant, les montagnes font souvent de piètres frontières. Difficilement contrôlables, elles offrent à celles et ceux qui apprennent à les connaitre des couloirs, chemins, passages et autres conduits pour creuser des trous dans le dispositif sécuritaire de celleux qui pensaient que d’un relief, on pouvait faire un mur. Les histoires de contrebande et de mobilités ne manquent pas pour illustrer les liens entre montagne et clandestinité. Il faudrait donc envisager la frontière comme un projet ou une aspiration étatique plutôt que comme une réalité géographique. Il y a un côté téléologique à la frontiérisation, c’est-à-dire que les frontières dessinées sur nos cartes correspondent moins à une réalité physique qu’à une ambition territoriale, à la fois incomplète et sans cesse contestée.
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## FRONTIÈRES INCARNÉES
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Si les frontières nationales ont finalement peu d’ancrage dans la réalité matérielle – fluviale, géologique, environnementale – du monde, elles ont cependant des effets dévastateurs sur celles et ceux qui osent franchir ces lignes – souvent invisibles – sans y avoir été préalablement invité.es, soit par leur capital, soit par leur couleur de peau. C’est-à-dire que la frontière fait le tri, entre celleux qui la traversent sans même s’en apercevoir et celleux qui cherchent à éviter son contact, parce que la rencontrer c’est risquer de se faire suivre, poursuivre, et arrêter. Pour la géographe Anne-Laure Amilhat-Szary, la frontière est devenue un outil de hiérarchisation des vies et des mobilités ; une condition d’exclusion du non-citoyen, dont la mobilité est toujours considérée comme a priori dangereuse.
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Il n’y a pas qu’en zone frontalière que la frontière opère ces distinctions. Comme le dit Grégoire Chamayou, on a, « au prétexte de faire respecter une frontière territoriale, créé sur le territoire une frontière légale entre ceux qui peuvent être protégés par le droit et ceux qui ne le peuvent plus ». En d’autres termes, les frontières continuent d’opérer des distinctions et des exclusions sociales bien après qu’elles ont été franchies par celles et ceux dont la mobilité est jugée indésirable. La frontière est portable. Ne pas avoir les bons papiers, c’est la transporter avec soi. Celles et ceux qui incarnent la frontière en portent le poids quotidiennement. Dans les bureaux de l’administration, la frontière prend la forme d’une attente : l’immigré.e est celui ou celle que l’on peut faire attendre, que l’on soumet aux temporalités de la bureaucratie, que l’on domine par le temps. La frontière perdure aussi dans les corps de celleux qui l’ont franchie en tant que traces, en tant que marques somatiques qui attestent de violences subies et que l’Etat ausculte comme autant de preuves de persécutions passées contre lesquelles mesurer la parole – sans cesse mise en doute – des demandeur.euses d’asile.
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Mais la frontière s’immisce aussi et surtout dans le quotidien de celles et ceux qui l’ont franchie en tant que déportation possible. Pour l’anthropologue Nicholas de Genova, c’est la possibilité de la déportation – ce qu’il nomme deportability – plus que la déportation elle-même – ce qu’il appelle deportation – qui nourrit l’exclusion des sans-papiers sur un territoire donné, et facilite leur exploitation par le capital. Peur, hypervigilance et résignation donnent à la frontière – dont l’existence matérielle semble maintenant secondaire – une dimension affective. C’est à grand renfort de surveillance, d’intimidation et de harcèlement que l’Etat cultive la précarité des sans-papiers et la condition de dé-portabilité qui les rend particulièrement vulnérables à des formes d’exploitation contre lesquelles l’Etat – le même – prétend par ailleurs lutter.
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La frontière est donc à la fois synthétique et incarnée. Autrement dit, elle n’est ni naturelle, ni immobile. Elle n’est devenue évidente, en tant que manière d’appréhender l’espace, qu’à grand renfort de cartographie étatique traçant autour de nations mouvantes des limites fixes. La frontière n’est pas neutre. Elle ne représente pas l’espace de manière objective. Au contraire c’est une construction, juridique et historique, qui, en divisant l’espace entérinait surtout l’idée que d’autres séparations, entre les gens cette fois, étaient à la fois nécessaires et naturelles.
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Title: Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui est alors devenue un véritable sous-traitant du droit à l’asile, et procède depuis à l’accueil des personnes qui arrivent sur son territoire.
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Nombreuses sont les personnes qui osent tout de même la traversée, par voie terrestre ou maritime, vers l’Europe. La frontière gréco-turque est depuis devenue un lieu sinistre où les exilé.es sont soumis.es aux règles d’un ping-pong meurtrier et confronté.es, d’année en année, à toujours plus de monstruosités : «encampements», travaux forcés, mois d’attente puis de renvois, tentatives de traversée ratées, violences physiques et psychologiques, manque de sommeil, de nourriture et de soins.
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Au paroxysme de cette politique migratoire violente et violatrice des droits les plus fondamentaux se trouve le recours quasi systématique aux refoulements, ou « pushbacks ». Pour répondre à nos questions sur cette pratique, nous avons contacté Marion, avocate au Legal Centre Lesvos (LCL) en Grèce.
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**Ravages: ** Depuis quand les pushbacks existent-ils en Grèce ?
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**Marion :** C’est une pratique bien connue depuis le début des années 2000 à la frontière terrestre dans le nord de la Grèce. Pour les renvois en pleine mer, avant 2020 c’était plus rare, on avait seulement connaissance de quelques épisodes isolés. Une fois la pandémie [de COVID] déclarée, les autorités grecques en ont profité pour instaurer cette nouvelle pratique de refoulements illégaux et clandestins. Avec des durcissements législatifs successifs du droit d’asile survenus en parallèle, c’est clairement devenu la norme.
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En Grèce, la frontière terrestre d’Evros étant une zone militarisée fermée au public, les ONG n’ont pas d’accès officiel, et c’est difficile de savoir ce qui s’y passe. Le même problème se pose pour les refoulements en mer Egée, ou les opérations de recherche et sauvetage sont interdites aux ONGs. On a donc mis un peu de temps avant de comprendre le phénomène des refoulements qui est devenu systématique et généralisé.
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**R: ** Comment ça se passe ?
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**M : ** La majeure partie des personnes qui traversent la mer Egée pour demander l’asile sont refoulées généralement au moins une fois, et le plus souvent, elles subissent des violences physiques ou verbales. Le modus operandi se répète : les personnes arrivent sur une des îles grecques, souvent dans une forêt ou sur une plage, et souhaitent se présenter aux autorités pour demander l’asile.
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Une fois localisées par les autorités, elles sont forcées par des hommes armés et cagoulés à entrer dans des vans ou d’autres véhicules, souvent banalisés et sans immatriculation. Les personnes sont ensuite obligées à monter sur les bateaux des garde-côtes et sont emmenées à la « frontière » avec les eaux turques. Elles sont abandonnées en mer sur des canots de sauvetage sans moteur, sans moyen d’appeler au secours, mais aussi sans eau, sans nourriture, ni gilet de sauvetage, jusqu’à ce que les garde-côtes turcs les récupèrent. La dernière enquête du New York Times sur le sujet du mois de mai 2023 est un exemple poignant de cette pratique sur l’ile de Lesvos.
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A Evros, au nord de la Grèce, à la frontière terrestre, les personnes en exil sont souvent détenues dans des endroits non officiels et même parfois dans des commissariats de police frontaliers. Dans tous les cas, le vol de leurs papiers et de leur argent est systématique, une recette lucrative estimée à 2 millions d’euros selon une enquête des journaux Solomon et El Pais. Les téléphones aussi sont volés. C’est pourquoi documenter ces pratiques est très compliqué. Tout étant fait pour ne pas laisser aux personnes subissant ces mesures la possibilité de garder les preuves du traitement subi. La méthode est clandestine, maîtrisée et couteuse.
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Les personnes refoulées de la sorte vers la Turquie se retrouvent sans papiers, sans téléphone pour prévenir leurs proches, sans argent, et risquent un passage en détention. Ce sont des mois et des mois de perdus pendant lesquels il faut travailler, se cacher et espérer collecter assez d’argent pour repartir.
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**R: ** Qui pratique les pushbacks?
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**M : ** Il est compliqué d’avoir une réponse précise, car les hommes sont en principe cagoulés et habillés de noir, sans matricule ni signe distinctif. Ils opèrent toutefois depuis, ou avec des bateaux des garde-côtes grecs. Ce sont vraisemblablement des agents au service des garde-côtes, ou des gardes eux-mêmes. Ils sont méthodiques et armés. Pour gérer de nombreuses personnes en mer, il faut être bien entraîné. A la frontière terrestre, certains témoignages relatent la présence de la police grecque. Dans ces zones frontalières, plusieurs jeunes grecs, en devenant gardes frontières, voient un moyen de bien gagner leur vie et de trouver un emploi stable. Comble du cynisme, à Evros, les autorités grecques exploitent des personnes migrantes pour organiser les pushbacks et repousser les exilés sur la rivière Evros du côté turc.
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**R: ** Et avec quel argent ?
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**M : ** On a déjà entendu la commissaire à l’Union européenne Yvla Johansson dire que la Grèce doit être « le bouclier de l’Union ». Elle réagit toujours après les publications d’articles accablants sur le sujet des pushbacks en Grèce, mais au final rien ne bouge et rien ne change. Donc pour le Legal Centre Lesvos, c’est évident que l’Union européenne valide ces pratiques, autant par le manque de positionnement clair que par le financement direct attribué aux opérations aux frontières. Chaque année, des millions d’euros sont alloués pour les interventions aux frontières en bateaux, drones, radars, caméras infrarouge, caméras thermiques et autres technologies toujours plus sophistiquées… Et tout cela sans compter l’argent dédié à l’agence Frontex5 ! C’est donc difficile de croire que l’UE n’est pas complice... L’argument de l’Etat souverain gardien de ses frontières a alors souvent bon dos pour dire que c’est aux Grecs de ré-agir, mais l’Union Européenne demeure en grade partie le trésorier de ces pratiques. Ces politiques sont donc indirectement payées par nous toustes...
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**R: ** Quelle est la stratégie du Legal Centre Lesvos, en sachant que votre terrain d’action est celui du plaidoyer et du combat juridique ?
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**M : ** Les actions intentées devant les tribunaux nationaux grecs étant systématiquement classées sans suite, sans que des enquêtes indépendantes et sérieuses ne soient menées, nous avons été for-cé.es de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour tenter d’obtenir une prise de position officielle d’une institution, et surtout une réparation pour les victimes. 32 demandes, incluant deux cas représentés par le Legal Centre Lesvos, ont été communiquées à la Grèce en décembre 2021, et sont actuellement en attente d’une décision. D’autres plaintes ont été déposées mais n’ont pour l’instant toujours pas été étudiées, malgré les preuves déposées, sans que nous sachions pourquoi. L’argumentaire juridique dans ces cas est majoritairement basé sur l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme – mise en danger de la vie d’autrui – , l’article 3 – traitements inhumains, dégradants et tortures –, et l’article 5 – détention arbitraire. La Grèce est le seule pays de l’Union européenne qui n’a jamais ratifié le protocole 4 de la Convention consacrant le principe d’interdiction des refoulements et l’interdiction des expulsions collectives – ce qui, de fait, exclu une condamnation sur ce seul fondement.
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Nous espérons une « décision position » de la CEDH, mais ne sommes tout de même pas certains que cela mènera à une amélioration de la situation aux frontières. Dans d’autres affaires, nous avons déjà vu la Cour justifier les pratiques de refoulement en invoquant le fait que les personnes en migration doivent utiliser les « points d’entrée officiels » pour demander l’asile. Cet argument est toutefois inopérant : le deal signé entre l’UE et la Turquie est justement fait pour que les Turcs retiennent les personnes exilées sur leur territoire et les empêchent de venir en Europe. Ces points d’entrée, c’est pour les touristes et les achats de cigarettes moins chères, aucune chance d’y demander l’asile. La plupart des plaignant.es que nous représentons ont depuis réussi à migrer dans d’autres pays de l’UE et ont été reconnu.es réfugié.es là-bas. Il est primordial de continuer de dénoncer ces méthodes illégales aux frontières malgré la pression accrue sur les ONGs et le monde militant. La Turquie et la Grèce instrumentalisent au maximum le sujet chacune de leur côté. En Turquie, certaines institutions publient et dénoncent le traitement grec des personnes en migration. Elles tentent de calculer le nombre de pushbacks et déplorent publiquement que la Grèce financée par l’UE gère si mal ses frontières. La Grèce quant à elle, dans son discours affirme qu’il s’agit de la propagande d’Erdogan. La vieille rengaine entre les deux pays… et pendant ce temps rien ne change! Il faudra certainement encore des années d’investigations et de dénonciation pour arriver à faire bouger la pratique, si une autre, encore plus dramatique, n’est pas inventée d’ici là. La prochaine piste à explorer est de tenter de faire qualifier les pushbacks en tant que crimes contre l’humanité, et de se battre sur le terrain pénal.
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Title: Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance à se dissoudre dans notre vécu ordinaire, emportant avec elle les personnes qui en subissent la ségrégation. Cet article veut montrer que cette invisibilisation ne va pas de soi, qu’elle est le résultat d’imaginaires portés par des acteur.ices locaux qui font du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Inhabitable dans le sens où les personnes exilées sont au mieux considérées comme des « invités », au pire comme une masse nuisible, mais jamais – ou trop rarement – comme des personnes libres et fortes d’un pouvoir d’agir individuel et collectif. Des expériences collectives locales, allant des squats à certaines associations visant l’émancipation des personnes apparaissent alors comme de potentielles sources d’imaginaires territoriaux qui n’invisibilisent plus les exilé.es mais au contraire leur redonnent un peu d’autonomie.
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Non-respect des procédures de demande d’asile par la police de l’air et des frontières (PAF), non-respect du droit dans les demandes de titres de séjour par la préfecture, manque de places d’hébergement d’urgence, stigmatisation des personnes exilées, criminalisation des personnes solidaires : voilà la réalité de la frontière dans le Briançonnais. Une réalité que l’on peut, à Montgenèvre, survoler en télésiège, si notre porte-monnaie nous le permet. Allégorie trop parfaite de la ségrégation qui se déploie tout autour de nous, et de son invisibilisation.
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## INVISIBLES, OCCUPEZ-VOUS DE VOTRE LINGE !
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En 2007, Guy Hermitte, maire de Montgenèvre et ancien officier de la PAF, écrivait : « Dépassant les clivages humains qui ont conduit aux pires atrocités, Montgenèvre, par sa spécificité de commune transfrontalière, tend la main à ses voisins italiens pour créer ensemble une coopération au service des populations et de leur maintien en montagne. Ce lien va perdurer au-delà des années pour créer l’un des plus beaux domaines skiables internationaux d’Europe : La Voie Lactée ». M. Hermitte loue le «lien», « tend la main », coopère, comme si l’époque de la séparation des peuples était révolue. Pourtant, à Montgenèvre aujourd’hui, la coopération entre la France et l’Italie est surtout commerciale et policière. Un golf, une station de ski et une macabre partie de ping-pong avec les personnes exilées ; voilà les seules choses réellement transfrontalières à Montgenèvre. Le local de « mise à l’abri » où sont enfermées les personnes arrêtées alors qu’elles tentaient de traverser la frontière, est un Algeco dissimulé derrière le poste de police. Le vocabulaire officiel est pour le moins trompeur, car cette « mise à l’abri » se traduit quasi systématiquement par l’enfermement illégal et le refoulement en Italie des personnes exilées. La fraternité prônée par M. Hermitte ne vaut qu’en tant qu’elle promeut le tourisme et efface d’un même geste les questions migratoires. Ces mots datent. Mais aujourd’hui encore, l’équipe municipale montgenèvroise continue de louer le caractère « transfrontalier » de sa station, tout en réussissant l’exploit de rester muette sur les enjeux migratoires, alors même que la situation locale fait régulièrement l’objet d’une couverture nationale.
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Le mutisme est aussi à l’œuvre chez des acteur.ices dépendant.es de subventions, ou de marchés publics. Parmi elleux, des acteur.ices de la solidarité, de la culture et du tourisme font attention à rester « neutres », « apolitiques », à ne pas faire de vagues, une posture qui participe au maintien de l’ordre frontalier. La société de transport Resalp, par exemple, a choisi de collaborer avec la police. C’est ainsi que les chauffeur.euses de la ligne Montgenèvre-Briançon demandent aujourd’hui les documents d’identité à certain.es passager.es – non-blanc.hes – suivant une pratique ouvertement raciste et totalement illégale.
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A Briançon, on ne fait même plus semblant : la municipalité demande au Refuge Solidaire de ranger le linge pendu à ses fenêtres. Ça ne fait pas propre, et il parait que les habitants de Briançon le « vivent mal ». Lorsqu’un mort est retrouvé sur un chemin descendant vers Briançon, que le refuge solidaire bat des records d’accueil à Briançon, les seules préoccupations d’Arnaud Murgia sont la « sécurité et la tranquillité des habitants ». Soucieuses que l’opinion publique n’associe « personnes exilées » avec « insalubrité », des associations organisent au printemps des randonnées pour ramasser les habits abandonnés sur les chemins pendant l’hiver, effaçant ainsi les traces des passages migratoires et de leur répression, se laissant prendre au piège de l’invisibilisation. De manière générale, le Briançonnais se muséifie. La « préservation » du patrimoine et de l’environnement sert d’excuse pour définir où est-ce que les personnes en situation d’exil peuvent être hébergées, et quels usages sont tolérés. Le tout étant que ce, celles et ceux qui dérangent ne se voient pas, en particulier pour les touristes, qui ont le champ libre et un accès privilégié à l’usage, voire à l’usure, du territoire.
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## SOLIDARITÉ DE FAÇADE
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Les mécanismes d’invisibilisation de la frontière sont d’autant plus efficaces qu’ils sont secondés par une redoutable stratégie de communication qui affiche le Briançonnais comme un territoire ouvert et accueillant, une stratégie consistant à créer une image officielle convenable, voire séduisante, et à limiter l’expression de récits alternatifs.
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Une fresque murale représentant une personne noire qui traverse des montagnes, un festival se voulant « polychrome » affichant une programmation éclectique de musiques du monde, une station de ski transfrontalière : si on ne sait pas ce qui se trame autour de la frontière, le Briançonnais pourrait passer pour un territoire ouvert, presque solidaire. Après tout, le maire de Briançon et le préfet du département s’affichent publiquement en soutien d’un nouveau centre de vacances pour des personnes en situation de précarité. C’est que ça doit être des gars bien !
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La communication est bien ficelée. En s’affichant publiquement comme soutiens de l’association 82-4000 solidaires, qui vise à démocratiser la haute montagne, Arnaud Murgia et Dominique Dufour (le préfet des Hautes-Alpes) apparaissent « solidaires », sans pour autant remettre en cause les catégories sociales servant à discriminer l’accès au territoire et aux droits. Les immigrés « légaux » (ou tolérés un temps) ont le droit de venir en vacances dans le Briançonnais, tandis que les « migrants », les « illégaux » peuvent toujours attendre à Oulx. En plus de cacher leur politique sécuritaire derrière une solidarité sélective, cette pirouette communicationnelle leur permet de se réapproprier la solidarité et de marginaliser les discours d’opposition. Si la solidarité n’appartient pas qu’aux militant.es, alors ceux-ci se caractérisent par leur radicalité, et peuvent être érigés en menace pour l’ordre public. Pourtant, cette solidarité de façade dissimule mal les priorités répressives de M. Murgia. On peut citer, à titre d’exemple, le sort de la MAPEmonde, ancien service d’aide aux personnes étrangères de la MJC, qui n’a pas été maintenu dans le nouveau centre social intercommunal.
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## D’AUTRES RÉCITS EXISTENT…
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La persévérance des associations et collectifs locaux fait que d’autres récits existent sur le territoire et se diffusent jusque dans la presse et les réseaux (inter)nationaux : celui de l’accueil, ou de la liberté de circulation. Néanmoins, ces récits peuvent aussi contribuer à entretenir la ségrégation qu’instituent les frontières étatiques.
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Nous opposons assez facilement à l’image de montagne-frontière celle d’une montagne-refuge, un récit qui s’appuie sur l’imaginaire montagnard, et quelques formules de bon sens : « on n’abandonne pas quelqu’un en montagne » ; « en refuge, on ne laisse personne dormir dehors, quitte à dormir sur et sous les tables », etc. Si ce récit peut correspondre à une certaine réalité, il comporte également un certain nombre de dangers. En ne nommant pas les violences racistes et sécuritaires qui rendent ces « refuges » nécessaires, il empêche de s’attaquer aux problèmes de fond. Il fait aussi de la montagne un territoire d’exception par rapport aux autres territoires, alors même que, par principe, la liberté de circulation devrait être défendue partout.
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La mise en spectacle de l’hospitalité et des maraudes crée d’autre part une figure de héros-solidaire dont dépendent les personnes en exil pour arriver à bon port. C’est-à-dire qu’on naturalise l’idée selon laquelle les « solidaires » seraient indispensables aux personnes en exil, ce qui revient à les priver de leur capacité d’action et de leur autonomie. On recrée ainsi une situation de domination, dans laquelle le héros-solidaire confisque le pouvoir au lieu de contribuer à l’émancipation des personnes qu’il prétend aider.
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Comment alors faire exister des récits qui permettent l’émancipation des personnes en exil, et démontent les structures racistes ? A l’évidence, la première chose à faire est de rendre visible la ségrégation raciste que produit la frontière, et que les autorités cherchent à cacher. Reste ensuite à imaginer, et diffuser, des imaginaires territoriaux qui favorisent l’émergence d’espaces et de structures sociales émancipatrices.
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## ON NE DIT PAS DES HERBES SAUVAGES QU’ELLES FORMENT DES FORÊTS !?
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L’idée que tout le monde puisse circuler et s’installer où bon lui semble peut paraître aussi absurde que le titre de cet article. Pourtant, l’expérience montre qu’il peut exister des structures sociales et des modes d’organisation collectifs qui permettent aux personnes exilées d’être dans une posture d’acteur.ices et de regagner de l’autonomie. Des structures dans lesquelles la notion « d’étranger.e » ne fait que peu de sens et celle de « personne accueillie » est rapidement remplacée par celle de « cohabitant.e » ou de « voisin.e ». Comment seulement faire que ces possibles émancipateurs remplacent les conceptions racistes dans les imaginaires et les récits territoriaux ?
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Lutter pour l’émancipation individuelle et collective c’est redonner le pouvoir d’agir aux personnes qui en ont été privées : un pouvoir d’auto-détermination, mais aussi et surtout un pouvoir d’agir politique. La politologue Fatima Ouassak, comme d’autres théori-cien.nes de la pensée décoloniale, montre que rien de cela ne peut se faire sans laisser aux personnes exilées un « accès à la Terre », et la possibilité de vivre où elles le souhaitent. Souvent considérées comme des sources d’insécurité potentielles, les personnes immigrées ou considérées comme telles ne sont presque jamais associées aux choix politiques ou urbanistiques impactant leurs lieux de vie. Les politiques locales mises en place par messieurs Murgia ou Hermitte sont une déclinaison locale de la politique sécuritaire en œuvre au niveau national : elles cherchent, presque explicitement, à faire du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Les personnes exilées sont par défaut exclues, exceptionnellement tolérées, mais uniquement dans des lieux prévus à cet effet, qui incarnent l’imaginaire de la « bonne solidarité »; des lieux dans lesquels on peut être « accueilli », mais où on ne vit pas. Si l’on suit la proposition de Fatima Ouassak, l’enjeu n’est pas d’offrir aux personnes exilées un retour à la Terre au sens écolo-privilégié de l’expression, mais de leur rendre la possibilité d’habiter, comme elles veulent, et où elles veulent.
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Là où « être accueilli.e » est un statut passif, « habiter » est une posture active et émancipatrice, tant individuellement que collectivement. En revenant sur l’histoire du marronnage – la sécession des esclaves en Amérique et dans les archipels de l’Océan Indien – le philosophe et anthropologue mahorais Dénètem Touam Bona montre l’importance des « forêts » dans la reprise d’une puissance d’agir collective vers l’émancipation. Le terme « forêt » désigne ici un espace où l’on est libre d’habiter comme on le souhaite, un en-dehors des normes instituées où l’on développe des pratiques de subsistance, de loisir ou de spiritualité, où l’on crée des liens et où l’on s’organise contre un système oppressif. Dans le Briançonnais, les espaces qui se rapprochent de cette idée se font rares. Il y a bien quelques squats, lieux collectifs ou associations où les personnes exilées ne sont pas contraintes par des normes qu’elles n’ont pas faites, mais ils sont rares, et surveillés de près.
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La production de récits territoriaux émancipateurs reste ouverte, mais se dessinent déjà quelques pistes de réflexion : laisser la parole aux premier.es concerné.es, et enquêter à partir d’expériences qui montrent tant les discriminations que les émancipations ; montrer comment se construisent ces expériences, ces espaces et ces structures sans en cacher les limites ou les difficultés. L’enjeu est de désarmer les récits qui hiérarchisent les vies entre elles, invisibilisent une partie de la population et marginalisent les pensées alternatives, en multipliant les récits dans lesquels les individus choisissent d’habiter, plutôt qu’acceptent d’être accueillis.
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Title: Edito
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Author: ravages
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Date: 12/04/2023
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Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et surtout parce que des ravages y en a plein. Dans l’dico y’a écrit qu’un ravage est un dégât matériel causé de façon violente par l’action des gens ou de la nature. C’est aussi « l’effet désastreux de quelque chose sur quelqu’un », comme quand on parle des ravages de la guerre, ou de ceux du salariat.
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Loin de s’imaginer comme des cataclysmes de chair et d’os qui répandraient la colère à l’aide de petites revues, l’idée est plutôt de témoigner des ravages de notre époque à partir d’un point d’observation précis, celui de la frontière franco-italienne à Briançon. On s’est dit que ça manquait un peu, dans le paysage militant du coin. Alors on a commencé à écrire. Certains de nos articles sont écrits à quatre, six, huit, parfois dix mains ! Et c’était pas toujours facile. Entre nous les critiques étaient vives, et certaines oreilles sourdes au moindre reproche[^1].
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Pour le moment c’est tout !
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Bonne lecture,
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Textes : FleurBleu, KroustiKebs, Mody-Bic, Biche, Plume, Verveine Citronnée, Libé-nul, Daiyon.
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Illustrations : Le dindon de la furss, Nao, vrrhngt, Plume, François, Léon.
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[^1]: C’est pour rire...
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<div class="entry-content"> <p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<div class="entry-content"> <p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/lintegration-a-coups-de-patates.html" rel="bookmark" title="Permalink to L'intégration à coups de patates">L'intégration à coups de patates</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/refoulements-violents-a-la-frontiere-greco-turque-recit-dune-derive-europeenne.html" rel="bookmark" title="Permalink to Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne">Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</a></h2> </header>
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<div class="entry-content"> <p>L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/tadi-taxi-oula-saroukh.html" rel="bookmark" title="Permalink to Tadi taxi oula saroukh ?">Tadi taxi oula saroukh ?</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <h2>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></h2>
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<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<div class="entry-content"> <p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<div class="entry-content"> <p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/lintegration-a-coups-de-patates.html" rel="bookmark" title="Permalink to L'intégration à coups de patates">L'intégration à coups de patates</a></h2> </header>
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<div class="entry-content"> <p>L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<div class="entry-content"> <p>L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/remplacer-les-frontieres-par-des-forets-dherbes-sauvages-des-imaginaires-territoriaux-emancipateurs-contre-linvisibilisation-des-frontieres.html" rel="bookmark" title="Permalink to Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières">Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</a></h2> </header>
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<div class="entry-content"> <p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/tadi-taxi-oula-saroukh.html" rel="bookmark" title="Permalink to Tadi taxi oula saroukh ?">Tadi taxi oula saroukh ?</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <h2>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></h2>
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<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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By <a class="url fn" href="/author/ravages.html">ravages</a>
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<p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et surtout parce que des ravages y en a plein. Dans l’dico y’a écrit qu’un ravage est un dégât matériel causé de façon violente par l’action des gens ou de la nature. C’est aussi « l’effet désastreux de quelque chose sur quelqu’un », comme quand on parle des ravages de la guerre, ou de ceux du salariat.</p>
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<p>Loin de s’imaginer comme des cataclysmes de chair et d’os qui répandraient la colère à l’aide de petites revues, l’idée est plutôt de témoigner des ravages de notre époque à partir d’un point d’observation précis, celui de la frontière franco-italienne à Briançon. On s’est dit que ça manquait un peu, dans le paysage militant du coin. Alors on a commencé à écrire. Certains de nos articles sont écrits à quatre, six, huit, parfois dix mains ! Et c’était pas toujours facile. Entre nous les critiques étaient vives, et certaines oreilles sourdes au moindre reproche<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup>.</p>
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<p>Pour le moment c’est tout !</p>
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<p>Bonne lecture,</p>
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<p>Textes : FleurBleu, KroustiKebs, Mody-Bic, Biche, Plume, Verveine Citronnée, Libé-nul, Daiyon.</p>
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<p>Illustrations : Le dindon de la furss, Nao, vrrhngt, Plume, François, Léon.</p>
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<div class="footnote">
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<li id="fn:1">
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<p>C’est pour rire... <a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="Jump back to footnote 1 in the text">↩</a></p>
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/edito.html" rel="bookmark" title="Permalink to Edito">Edito</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Tu tiens dans tes mains le premier numéro d’une revue qui a failli s’appeler autrement. On avait pensé à Roue Libre, La Brèche, Le Pas-Sage, et même Le Blaireau Explosif. Finalement la revue s’appelle Ravages, avec un « s », parce qu’on est plusieurs à écrire là-dedans et …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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</article></li>
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/la-jauge-du-refuge-solidaire-lacueil-inconditionnel-conditionne.html" rel="bookmark" title="Permalink to La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné">La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/lexique-frontiere.html" rel="bookmark" title="Permalink to Lexique : frontière">Lexique : frontière</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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</article></li>
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/lintegration-a-coups-de-patates.html" rel="bookmark" title="Permalink to L'intégration à coups de patates">L'intégration à coups de patates</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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</article></li>
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/refoulements-violents-a-la-frontiere-greco-turque-recit-dune-derive-europeenne.html" rel="bookmark" title="Permalink to Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne">Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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</article></li>
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<h2>All articles</h2>
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/remplacer-les-frontieres-par-des-forets-dherbes-sauvages-des-imaginaires-territoriaux-emancipateurs-contre-linvisibilisation-des-frontieres.html" rel="bookmark" title="Permalink to Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières">Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<div class="entry-content"> <p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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</article></li>
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<li><article class="hentry">
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<header> <h2 class="entry-title"><a href="/tadi-taxi-oula-saroukh.html" rel="bookmark" title="Permalink to Tadi taxi oula saroukh ?">Tadi taxi oula saroukh ?</a></h2> </header>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00"> lun. 04 décembre 2023 </time>
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<address class="vcard author">By
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<div class="entry-content"> <h2>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></h2>
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<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant …</p> </div><!-- /.entry-content -->
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</article></li>
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<title>ravages - LA JAUGE DU REFUGE SOLIDAIRE : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE</title>
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<a href="/la-jauge-du-refuge-solidaire-laccueil-inconditionnel-conditionne.html" rel="bookmark"
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title="Permalink to LA JAUGE DU REFUGE SOLIDAIRE : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE">LA JAUGE DU REFUGE SOLIDAIRE : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE</a></h2>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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By <a class="url fn" href="/author/ravages.html">ravages</a>
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<div class="entry-content">
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<p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
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<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup> du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
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<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>
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<p>Le but de cet article n’est pas de dire : refusons l’argent des patrons-philanthropes et organisons-nous pour l’accueil digne et autogéré des personnes exilées – même si on dit ça un peu quand même – mais de comprendre un peu mieux comment les protocoles qui régulent l’hospitalité affectent l’accueil et le traitement des personnes exilées au Refuge. Et de dénoncer, au passage, certains abus vraiment intolérables.</p>
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<h2>ARRÊTEZ D’ARRIVER</h2>
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<p>« Non mais tu comprends pas, si personne ne part, personne ne peut arriver non plus ! Et puis y’a des questions de sécurité aussi : si le bâtiment crame on fait quoi ? Si on dépasse la jauge l’assurance ne paye pas, et puis même, au-delà des normes, tu te verrais dormir dans le réfectoire, toi ? Y’a du bruit tout le temps, c’est pas tenable, mieux vaut les faire partir, on sait pas où, mieux vaut éviter le pire ! Et puis le Russe il a des cernes on dirait un dindon. »<sup id="fnref:2"><a class="footnote-ref" href="#fn:2">2</a></sup> Il est plutôt brouillon l’épouvantail qu’on agite au Refuge pour pousser les personnes exilées vers la sortie : on y trouve des enjeux d’argent et de sûreté tout entremêlés de soucis du bien-être et de la dignité d’autrui<sup id="fnref:3"><a class="footnote-ref" href="#fn:3">3</a></sup>. Il nous arrive aussi parfois d’entendre la théorie de l’appel d’air, dans sa version pour les nul.les, selon laquelle si on rajoute trois lits de camp dans le couloir, il y aurait immédiatement et immanquablement trois personnes pour quitter le Bangladesh en direction de Briançon.</p>
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<p>De toutes ces règles à respecter et faire respecter ressort une impression de crise permanente. C’est-à-dire qu’à partir du moment où les yeux – du conseil d’administration, des salarié.es et des bénévoles – sont rivés sur la jauge-qu’il-ne-faut-pas-dépasser, les personnes qui restent et celles qui arrivent – toutes celles qui menacent malgré elles de faire péter la jauge – deviennent perçues et traitées comme des problèmes à gérer. Les personnes exilées qui arrivent au Refuge sont donc accueillies, certes, mais accueillies comme de potentielles futures menaces, des réfractaires au départ, les empêcheurs et empêcheuses du bon fonctionnement du Refuge en général et de l’accueil (qui porte mal son nom) en particulier. Ce triste arrangement de conscience n’a pas l’air de troubler plus que ça les membres du conseil d’administration. A nos critiques, ces gens-là répondent généralement avec agacement qu’il n’y a pas d’autres solutions et que nous ne servons donc à rien, avec notre empathie et notre idéalisme que l’urgence perpétuelle ne parvient pas à anesthésier. Parce que LA solution, tenez-vous bien, nous l’avons très claire en tête, elle est simple comme deux et deux font quatre, irréfutable – mais on ne la révélera qu’à la fin de cet article.<sup id="fnref:4"><a class="footnote-ref" href="#fn:4">4</a></sup></p>
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<h2>LA TYRANNIE DU PRÉSENT</h2>
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<p>Les discours de crise ont tant été utilisés comme moteurs d’indignation que l’espace public est devenu largement saturé d’urgences qui finalement peuvent attendre, et de chocs qui ne choquent plus. En d’autres termes, les discours de crise sont contre-révolutionnaires en tant qu’ils permettent de stabiliser une condition existante plutôt que de minimiser des formes de violences quotidiennes. La crise reproduit des institutions, des pratiques et des réalités plus qu’elle n’interroge la manière dont ces crises sont advenues, ou comment on pourrait en sortir<sup id="fnref:5"><a class="footnote-ref" href="#fn:5">5</a></sup>. Les personnes qui, au refuge comme ailleurs, nourrissent un sentiment d’urgence permanente se font les complices, volontaires ou non, d’un discours qui, tant qu’il nous fait tourner en rond, nous empêche de nous demander pourquoi, au fait, est-ce qu’on tourne en rond. Etat d’urgence et dérive gestionnaire sont les écueils contre lesquels s’écrase toute possibilité de réflexion autour de sujets pourtant centraux : la responsabilité du néocolonialisme dans les grands mouvements migratoires ; le rôle du capitalisme dans les dérèglements climatiques à l’origine de ces mêmes phénomènes ; la possibilité d’un accueil digne dans une société qui refuse de remettre en question la propriété privée, la croissance économique, le plein emploi et le salariat. Tant de choses, une fois réintégrées dans le débat, pourraient servir de garde-fou (voire d’antidote) contre le paternalisme et la maltraitance de salarié.es constamment au bord du burn-out.</p>
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<p>Au Refuge, la crise ça veut dire pas le temps de m’intéresser à ton passé, toi que j’accueille, et pas le temps non plus de me pencher sur ton futur. Il n’y a qu’ici et maintenant que tu existes, et tu ressembles plus à un colis encombrant qu’à une personne comme moi et mes potes. Le présentisme c’est un peu la maltraitance ordinaire : peu importe d’où tu viens et où tu vas, comme c’est l’urgence ici, tant que tu y es tu seras un parmi d’autres, à nos yeux d’accueillant.es. Pas le temps d’écouter tes problèmes, et si par hasard tu deviens connu.e de moi c’est que t’auras merdé quelque part, tu te seras fait remarquer et probablement pas pour les bonnes raisons, t’auras eu le culot de faire des vagues alors que franchement, t’as pas vu comme c’est compliqué déjà la vie ici, t’étais vraiment obligé de rajouter des problèmes, sérieux ?<sup id="fnref:6"><a class="footnote-ref" href="#fn:6">6</a></sup>. Parler de crise au Refuge c’est, souvent, éviter de remettre en question des pratiques d’accueil qui traitent les personnes accueillies comme des indésirables et forcent leur départ vers des futurs précaires.</p>
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<h2>INDÉSIRABLES</h2>
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<p>Mais qui part quand la jauge est pleine ? Qui est-ce qu’on met à la porte en premier et à qui est-ce qu’on accorde un peu de répit ? Ces questions quotidiennes – étendre ou non la durée de l’accueil, enfreindre ou pas le protocole qui stipule que chaque personne accueillie ne peut rester que trois jours et trois nuits – révèlent souvent une hiérarchie qui classe les personnes exilées en fonction de leur vulnérabilité (perçue). Les familles avec enfants, les femmes seules et les femmes enceintes sont souvent désignées comme plus vulnérables que les hommes seuls, et donc plus à même de pouvoir rester. Mais ces catégories sont héritées de logiques gouvernementales. Ce sont celles qui déterminent l’accueil au 115 ou dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA). Les semeur.euses de trouble, les accros au Lyrica, celles et ceux qui s’attardent un peu trop, qui commencent à se sentir comme chez elleux, et sortent de l’anonymat qui leur était assigné, en revanche, sont les premier.es à subir des pressions au départ. Grâce à cette belle contorsion logique, celles et ceux qui n’ont vraiment nulle part où aller, sont celles et ceux qu’on fout dehors avec le moins de scrupules. C’est-à-dire qu’une personne accueillie a plus de chance de devoir partir si elle va à l’encontre des normes de vulnérabilité qu’on lui assigne que si elle incarne une certaine image de la migration, selon laquelle un.e migrant.e se doit d’être isolé.e, vulnérable et obéissante pour mériter l’accueil.</p>
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<p>Et qui est-ce qui décide de qui peut rester, et qui doit partir ? Un œil sur la jauge-à-ne-surtout-pas-dépasser, l’autre sur le prix des billets de train pour Paris, les salarié.es de l’accueil concentrent de fait le pouvoir de laisser rester et faire partir. La décision de renvoyer quelqu’un.e du refuge n’est ni collective ni vraiment protocolaire, mais bien arbitraire, puisqu’elle repose souvent sur les impressions, humeurs et inimitiés personnelles que les salarié.es de l’accueil nourrissent envers les personnes accueillies. Si l’on ajoute à ça l’urgence dont on parlait plus tôt, on se retrouve assez vite dans une panade bien grisâtre dans laquelle une poignée de gens contrôle et confisque la mobilité – toi tu restes, toi tu pars – d’une majorité d’exilé.es. Ce contexte est propice à des débordements de plus en plus fréquents, où l’attitude contrôlante est si brutale qu’elle semble inspirée par un vrai sadisme, ou par une sorte de délire de puissance que la fatigue et le stress ne suffisent pas à justifier.</p>
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<p>Voici quelques extraits de dialogues qu’on a pu entendre dans le bureau de l’accueil du Refuge : « T’es bien content de dormir et manger gratuitement ici, hein? Mais ça peut pas durer ! Tu as trois jours pour acheter un billet et partir! » « [en pleurant:] Mais je n’ai pas d’argent et je ne sais pas où aller ! » « Et ben tu vas te le faire prêter, l’argent, ou alors tu partiras en stop ! »</p>
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<p>Ou encore, à une personne en manque de Lyrica: « Tu veux ta dose ? Il faut que tu achètes un billet pour Grenoble et je vais te la donner, ta dose ! »<sup id="fnref:7"><a class="footnote-ref" href="#fn:7">7</a></sup></p>
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<h2>FAUT CONCLURE</h2>
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<p>Accueillir c’est aussi contrôler. C’est se rendre responsable de quand part qui et parfois où, sans trop savoir pourquoi. En ce sens, la contrainte ne prend pas toujours la forme d’une interdiction. Au Refuge bien souvent la contrainte oriente, elle rassure, elle encourage, elle donne à des futurs flous des contours nets pour les faire advenir vite, très vite, parce qu’il faut faire de la place. La contrainte se fait douce<sup id="fnref:8"><a class="footnote-ref" href="#fn:8">8</a></sup>, quand elle n’est pas ouvertement horrible.</p>
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<h2>LA SOLUTION (PUISQU’ON L’A PROMISE)</h2>
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<p>La solution que nous proposons a l’avantage de s’adapter à presque tous les picotements de conscience (réels ou factices) des personnes qui détiennent un pouvoir sur les autres. Elle consiste à simplement arrêter de l’exercer, ce pouvoir, à regarder un peu ce qui se passe, et à prendre des notes si possible. La jauge va exploser de mai à la mi-octobre<sup id="fnref:9"><a class="footnote-ref" href="#fn:9">9</a></sup>, comme l’année passée, et celle d’avant encore, ce qui pourrait provoquer autre chose que la fin du monde. Les portes des trois étages vides pourraient finir par s’ouvrir, par exemple. Celleux parmi les propriétaires et les membres du CA qui voudraient les refermer seraient obligé.es de s’exposer publiquement, elleux et les limites si mesquines de leur charité. Un tel geste pourrait même faire gagner un peu de sympathie à l’institution épuisée qu’est le CA du Refuge, dont la politique demeure incertaine, parfois suspecte, et toujours décevante, voire un peu collabo, comme quand ses membres s’époumonent dans les oreilles du préfet, des député.es et des ministres, qu’enfin y’en a marre, il faut agir, y’a trop de migrant.es par chez nous. Il pourrait arriver plein de choses, sérieux. Le « russe » pourrait même retrouver le sommeil, ou un.e bonne avocat.e.</p>
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<p>Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne. <a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="Jump back to footnote 1 in the text">↩</a></p>
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<p>Soupe d’arguments régulièrement servie à quiconque questionne la jauge – le plus souvent des bénévoles un peu inquièt.es de mettre des gens à la porte ou des éxilé.es peu désireux.es de se retrouver à la rue. <a class="footnote-backref" href="#fnref:2" title="Jump back to footnote 2 in the text">↩</a></p>
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<p>Entendez : c’est pour le bien des personnes exilées qu’on les met dehors, et puis de toute façon on n’a pas le choix, le refuge ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde (sans le soutien de l’Etat qui, lui-même l’a déjà dit, ne peut pas non plus accueillir toute la misère du monde). Voilà on laisse ce tacle en bas de page pour éviter de trop froisser celleux qui ne s’identifieraient pas à la colère qui infuse ce petit article (pour l’instant). <a class="footnote-backref" href="#fnref:3" title="Jump back to footnote 3 in the text">↩</a></p>
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<p>Suspense de ouf. <a class="footnote-backref" href="#fnref:4" title="Jump back to footnote 4 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est pas nous qui le disons c’est Joseph Masco, un très chouette anthropologue qui travaille sur l’instrumentalisation politique des fins du monde aux Etats-Unis, dans un article (en anglais sorry) qui s’appelle The Crisis in Crisis. <a class="footnote-backref" href="#fnref:5" title="Jump back to footnote 5 in the text">↩</a></p>
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<li id="fn:6">
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<p>C’est une autre soupe, elle aussi indigeste, qu’on sert parfois au refuge quand la première n’a pas suffi. <a class="footnote-backref" href="#fnref:6" title="Jump back to footnote 6 in the text">↩</a></p>
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<p>Au moment où cet article était déjà écrit en large partie, nous avons appris une nouvelle déconcertante: une personne salariée du Refuge venait d’être mise à pied et soumise à enquête parce que accusée d’abus de pouvoir sur fond sexuel envers les exilé.es, notamment dans l’application des mesures mise en place pour respecter la f***ue jauge. Cette histoire touche trop de près le sujet de notre article pour que nous ne la mentionnions pas, mais, d’un autre point de vue, elle est beaucoup trop complexe, délicate et troublante, pour qu’on l’aborde de manière précipitée. Nous considérons par ailleurs qu’elle n’enlève rien aux opinions que nous exprimons ici. Au contraire, elle corrobore notre indignation. Et, pour le reste, l’évènement donne une couleur particulièrement sinistre au ton de certains de nos propos, que nous ne considérions pas, au moment de l’écriture, à ce point allusifs. <a class="footnote-backref" href="#fnref:7" title="Jump back to footnote 7 in the text">↩</a></p>
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<li id="fn:8">
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<p>Puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, l’idée d’une contrainte positive – d’un pouvoir qui dit oui, vas-y ! plutôt que beh non tu peux pas faire ça en fait – a été pensée et théorisée en grande partie par Michel (Foucault). <a class="footnote-backref" href="#fnref:8" title="Jump back to footnote 8 in the text">↩</a></p>
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<li id="fn:9">
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<p>Et ben non ! Le Refuge a décidé le 30 août de fermer ses portes et que plus personne ne rentre. Au moment où nous envoyons RAVAGES à l’imprimerie, il n’y a plus de lieu d’accueil inconditionnel à Briançon, à part un squat sans eau (le Pado) et sous menace d’expulsion imminente. Ça nous fait tout drôle, à RAVAGES, cette sensation d’avoir été, pour une fois, presque TROP OPTIMISTES ?! <a class="footnote-backref" href="#fnref:9" title="Jump back to footnote 9 in the text">↩</a></p>
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<title>ravages - La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionné</title>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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<p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
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<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup> du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
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<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>
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<p>Le but de cet article n’est pas de dire : refusons l’argent des patrons-philanthropes et organisons-nous pour l’accueil digne et autogéré des personnes exilées – même si on dit ça un peu quand même – mais de comprendre un peu mieux comment les protocoles qui régulent l’hospitalité affectent l’accueil et le traitement des personnes exilées au Refuge. Et de dénoncer, au passage, certains abus vraiment intolérables.</p>
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<p>« Non mais tu comprends pas, si personne ne part, personne ne peut arriver non plus ! Et puis y’a des questions de sécurité aussi : si le bâtiment crame on fait quoi ? Si on dépasse la jauge l’assurance ne paye pas, et puis même, au-delà des normes, tu te verrais dormir dans le réfectoire, toi ? Y’a du bruit tout le temps, c’est pas tenable, mieux vaut les faire partir, on sait pas où, mieux vaut éviter le pire ! Et puis le Russe il a des cernes on dirait un dindon. »<sup id="fnref:2"><a class="footnote-ref" href="#fn:2">2</a></sup> Il est plutôt brouillon l’épouvantail qu’on agite au Refuge pour pousser les personnes exilées vers la sortie : on y trouve des enjeux d’argent et de sûreté tout entremêlés de soucis du bien-être et de la dignité d’autrui<sup id="fnref:3"><a class="footnote-ref" href="#fn:3">3</a></sup>. Il nous arrive aussi parfois d’entendre la théorie de l’appel d’air, dans sa version pour les nul.les, selon laquelle si on rajoute trois lits de camp dans le couloir, il y aurait immédiatement et immanquablement trois personnes pour quitter le Bangladesh en direction de Briançon.</p>
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<p>De toutes ces règles à respecter et faire respecter ressort une impression de crise permanente. C’est-à-dire qu’à partir du moment où les yeux – du conseil d’administration, des salarié.es et des bénévoles – sont rivés sur la jauge-qu’il-ne-faut-pas-dépasser, les personnes qui restent et celles qui arrivent – toutes celles qui menacent malgré elles de faire péter la jauge – deviennent perçues et traitées comme des problèmes à gérer. Les personnes exilées qui arrivent au Refuge sont donc accueillies, certes, mais accueillies comme de potentielles futures menaces, des réfractaires au départ, les empêcheurs et empêcheuses du bon fonctionnement du Refuge en général et de l’accueil (qui porte mal son nom) en particulier. Ce triste arrangement de conscience n’a pas l’air de troubler plus que ça les membres du conseil d’administration. A nos critiques, ces gens-là répondent généralement avec agacement qu’il n’y a pas d’autres solutions et que nous ne servons donc à rien, avec notre empathie et notre idéalisme que l’urgence perpétuelle ne parvient pas à anesthésier. Parce que LA solution, tenez-vous bien, nous l’avons très claire en tête, elle est simple comme deux et deux font quatre, irréfutable – mais on ne la révélera qu’à la fin de cet article.<sup id="fnref:4"><a class="footnote-ref" href="#fn:4">4</a></sup></p>
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<h2>LA TYRANNIE DU PRÉSENT</h2>
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<p>Les discours de crise ont tant été utilisés comme moteurs d’indignation que l’espace public est devenu largement saturé d’urgences qui finalement peuvent attendre, et de chocs qui ne choquent plus. En d’autres termes, les discours de crise sont contre-révolutionnaires en tant qu’ils permettent de stabiliser une condition existante plutôt que de minimiser des formes de violences quotidiennes. La crise reproduit des institutions, des pratiques et des réalités plus qu’elle n’interroge la manière dont ces crises sont advenues, ou comment on pourrait en sortir<sup id="fnref:5"><a class="footnote-ref" href="#fn:5">5</a></sup>. Les personnes qui, au refuge comme ailleurs, nourrissent un sentiment d’urgence permanente se font les complices, volontaires ou non, d’un discours qui, tant qu’il nous fait tourner en rond, nous empêche de nous demander pourquoi, au fait, est-ce qu’on tourne en rond. Etat d’urgence et dérive gestionnaire sont les écueils contre lesquels s’écrase toute possibilité de réflexion autour de sujets pourtant centraux : la responsabilité du néocolonialisme dans les grands mouvements migratoires ; le rôle du capitalisme dans les dérèglements climatiques à l’origine de ces mêmes phénomènes ; la possibilité d’un accueil digne dans une société qui refuse de remettre en question la propriété privée, la croissance économique, le plein emploi et le salariat. Tant de choses, une fois réintégrées dans le débat, pourraient servir de garde-fou (voire d’antidote) contre le paternalisme et la maltraitance de salarié.es constamment au bord du burn-out.</p>
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<p>Au Refuge, la crise ça veut dire pas le temps de m’intéresser à ton passé, toi que j’accueille, et pas le temps non plus de me pencher sur ton futur. Il n’y a qu’ici et maintenant que tu existes, et tu ressembles plus à un colis encombrant qu’à une personne comme moi et mes potes. Le présentisme c’est un peu la maltraitance ordinaire : peu importe d’où tu viens et où tu vas, comme c’est l’urgence ici, tant que tu y es tu seras un parmi d’autres, à nos yeux d’accueillant.es. Pas le temps d’écouter tes problèmes, et si par hasard tu deviens connu.e de moi c’est que t’auras merdé quelque part, tu te seras fait remarquer et probablement pas pour les bonnes raisons, t’auras eu le culot de faire des vagues alors que franchement, t’as pas vu comme c’est compliqué déjà la vie ici, t’étais vraiment obligé de rajouter des problèmes, sérieux ?<sup id="fnref:6"><a class="footnote-ref" href="#fn:6">6</a></sup>. Parler de crise au Refuge c’est, souvent, éviter de remettre en question des pratiques d’accueil qui traitent les personnes accueillies comme des indésirables et forcent leur départ vers des futurs précaires.</p>
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<h2>INDÉSIRABLES</h2>
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<p>Mais qui part quand la jauge est pleine ? Qui est-ce qu’on met à la porte en premier et à qui est-ce qu’on accorde un peu de répit ? Ces questions quotidiennes – étendre ou non la durée de l’accueil, enfreindre ou pas le protocole qui stipule que chaque personne accueillie ne peut rester que trois jours et trois nuits – révèlent souvent une hiérarchie qui classe les personnes exilées en fonction de leur vulnérabilité (perçue). Les familles avec enfants, les femmes seules et les femmes enceintes sont souvent désignées comme plus vulnérables que les hommes seuls, et donc plus à même de pouvoir rester. Mais ces catégories sont héritées de logiques gouvernementales. Ce sont celles qui déterminent l’accueil au 115 ou dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA). Les semeur.euses de trouble, les accros au Lyrica, celles et ceux qui s’attardent un peu trop, qui commencent à se sentir comme chez elleux, et sortent de l’anonymat qui leur était assigné, en revanche, sont les premier.es à subir des pressions au départ. Grâce à cette belle contorsion logique, celles et ceux qui n’ont vraiment nulle part où aller, sont celles et ceux qu’on fout dehors avec le moins de scrupules. C’est-à-dire qu’une personne accueillie a plus de chance de devoir partir si elle va à l’encontre des normes de vulnérabilité qu’on lui assigne que si elle incarne une certaine image de la migration, selon laquelle un.e migrant.e se doit d’être isolé.e, vulnérable et obéissante pour mériter l’accueil.</p>
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<p>Et qui est-ce qui décide de qui peut rester, et qui doit partir ? Un œil sur la jauge-à-ne-surtout-pas-dépasser, l’autre sur le prix des billets de train pour Paris, les salarié.es de l’accueil concentrent de fait le pouvoir de laisser rester et faire partir. La décision de renvoyer quelqu’un.e du refuge n’est ni collective ni vraiment protocolaire, mais bien arbitraire, puisqu’elle repose souvent sur les impressions, humeurs et inimitiés personnelles que les salarié.es de l’accueil nourrissent envers les personnes accueillies. Si l’on ajoute à ça l’urgence dont on parlait plus tôt, on se retrouve assez vite dans une panade bien grisâtre dans laquelle une poignée de gens contrôle et confisque la mobilité – toi tu restes, toi tu pars – d’une majorité d’exilé.es. Ce contexte est propice à des débordements de plus en plus fréquents, où l’attitude contrôlante est si brutale qu’elle semble inspirée par un vrai sadisme, ou par une sorte de délire de puissance que la fatigue et le stress ne suffisent pas à justifier.</p>
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<p>Voici quelques extraits de dialogues qu’on a pu entendre dans le bureau de l’accueil du Refuge : « T’es bien content de dormir et manger gratuitement ici, hein? Mais ça peut pas durer ! Tu as trois jours pour acheter un billet et partir! » « [en pleurant:] Mais je n’ai pas d’argent et je ne sais pas où aller ! » « Et ben tu vas te le faire prêter, l’argent, ou alors tu partiras en stop ! »</p>
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<p>Ou encore, à une personne en manque de Lyrica: « Tu veux ta dose ? Il faut que tu achètes un billet pour Grenoble et je vais te la donner, ta dose ! »<sup id="fnref:7"><a class="footnote-ref" href="#fn:7">7</a></sup></p>
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<h2>FAUT CONCLURE</h2>
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<p>Accueillir c’est aussi contrôler. C’est se rendre responsable de quand part qui et parfois où, sans trop savoir pourquoi. En ce sens, la contrainte ne prend pas toujours la forme d’une interdiction. Au Refuge bien souvent la contrainte oriente, elle rassure, elle encourage, elle donne à des futurs flous des contours nets pour les faire advenir vite, très vite, parce qu’il faut faire de la place. La contrainte se fait douce<sup id="fnref:8"><a class="footnote-ref" href="#fn:8">8</a></sup>, quand elle n’est pas ouvertement horrible.</p>
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<h2>LA SOLUTION (PUISQU’ON L’A PROMISE)</h2>
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<p>La solution que nous proposons a l’avantage de s’adapter à presque tous les picotements de conscience (réels ou factices) des personnes qui détiennent un pouvoir sur les autres. Elle consiste à simplement arrêter de l’exercer, ce pouvoir, à regarder un peu ce qui se passe, et à prendre des notes si possible. La jauge va exploser de mai à la mi-octobre<sup id="fnref:9"><a class="footnote-ref" href="#fn:9">9</a></sup>, comme l’année passée, et celle d’avant encore, ce qui pourrait provoquer autre chose que la fin du monde. Les portes des trois étages vides pourraient finir par s’ouvrir, par exemple. Celleux parmi les propriétaires et les membres du CA qui voudraient les refermer seraient obligé.es de s’exposer publiquement, elleux et les limites si mesquines de leur charité. Un tel geste pourrait même faire gagner un peu de sympathie à l’institution épuisée qu’est le CA du Refuge, dont la politique demeure incertaine, parfois suspecte, et toujours décevante, voire un peu collabo, comme quand ses membres s’époumonent dans les oreilles du préfet, des député.es et des ministres, qu’enfin y’en a marre, il faut agir, y’a trop de migrant.es par chez nous. Il pourrait arriver plein de choses, sérieux. Le « russe » pourrait même retrouver le sommeil, ou un.e bonne avocat.e.</p>
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<p>Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne. <a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="Jump back to footnote 1 in the text">↩</a></p>
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<p>Soupe d’arguments régulièrement servie à quiconque questionne la jauge – le plus souvent des bénévoles un peu inquièt.es de mettre des gens à la porte ou des éxilé.es peu désireux.es de se retrouver à la rue. <a class="footnote-backref" href="#fnref:2" title="Jump back to footnote 2 in the text">↩</a></p>
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<p>Entendez : c’est pour le bien des personnes exilées qu’on les met dehors, et puis de toute façon on n’a pas le choix, le refuge ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde (sans le soutien de l’Etat qui, lui-même l’a déjà dit, ne peut pas non plus accueillir toute la misère du monde). Voilà on laisse ce tacle en bas de page pour éviter de trop froisser celleux qui ne s’identifieraient pas à la colère qui infuse ce petit article (pour l’instant). <a class="footnote-backref" href="#fnref:3" title="Jump back to footnote 3 in the text">↩</a></p>
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<p>Suspense de ouf. <a class="footnote-backref" href="#fnref:4" title="Jump back to footnote 4 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est pas nous qui le disons c’est Joseph Masco, un très chouette anthropologue qui travaille sur l’instrumentalisation politique des fins du monde aux Etats-Unis, dans un article (en anglais sorry) qui s’appelle The Crisis in Crisis. <a class="footnote-backref" href="#fnref:5" title="Jump back to footnote 5 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est une autre soupe, elle aussi indigeste, qu’on sert parfois au refuge quand la première n’a pas suffi. <a class="footnote-backref" href="#fnref:6" title="Jump back to footnote 6 in the text">↩</a></p>
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<p>Au moment où cet article était déjà écrit en large partie, nous avons appris une nouvelle déconcertante: une personne salariée du Refuge venait d’être mise à pied et soumise à enquête parce que accusée d’abus de pouvoir sur fond sexuel envers les exilé.es, notamment dans l’application des mesures mise en place pour respecter la f***ue jauge. Cette histoire touche trop de près le sujet de notre article pour que nous ne la mentionnions pas, mais, d’un autre point de vue, elle est beaucoup trop complexe, délicate et troublante, pour qu’on l’aborde de manière précipitée. Nous considérons par ailleurs qu’elle n’enlève rien aux opinions que nous exprimons ici. Au contraire, elle corrobore notre indignation. Et, pour le reste, l’évènement donne une couleur particulièrement sinistre au ton de certains de nos propos, que nous ne considérions pas, au moment de l’écriture, à ce point allusifs. <a class="footnote-backref" href="#fnref:7" title="Jump back to footnote 7 in the text">↩</a></p>
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<p>Puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, l’idée d’une contrainte positive – d’un pouvoir qui dit oui, vas-y ! plutôt que beh non tu peux pas faire ça en fait – a été pensée et théorisée en grande partie par Michel (Foucault). <a class="footnote-backref" href="#fnref:8" title="Jump back to footnote 8 in the text">↩</a></p>
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<p>Et ben non ! Le Refuge a décidé le 30 août de fermer ses portes et que plus personne ne rentre. Au moment où nous envoyons RAVAGES à l’imprimerie, il n’y a plus de lieu d’accueil inconditionnel à Briançon, à part un squat sans eau (le Pado) et sous menace d’expulsion imminente. Ça nous fait tout drôle, à RAVAGES, cette sensation d’avoir été, pour une fois, presque TROP OPTIMISTES ?! <a class="footnote-backref" href="#fnref:9" title="Jump back to footnote 9 in the text">↩</a></p>
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<title>ravages - La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionnéREFUGE SOLIDAIRE : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE</title>
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title="Permalink to La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionnéREFUGE SOLIDAIRE : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE">La jauge du Refuge solidaire : l'acueil inconditionnel conditionnéREFUGE SOLIDAIRE : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE</a></h2>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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By <a class="url fn" href="/author/ravages.html">ravages</a>
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<p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
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<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup> du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
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<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>
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<p>Le but de cet article n’est pas de dire : refusons l’argent des patrons-philanthropes et organisons-nous pour l’accueil digne et autogéré des personnes exilées – même si on dit ça un peu quand même – mais de comprendre un peu mieux comment les protocoles qui régulent l’hospitalité affectent l’accueil et le traitement des personnes exilées au Refuge. Et de dénoncer, au passage, certains abus vraiment intolérables.</p>
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<h2>ARRÊTEZ D’ARRIVER</h2>
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<p>« Non mais tu comprends pas, si personne ne part, personne ne peut arriver non plus ! Et puis y’a des questions de sécurité aussi : si le bâtiment crame on fait quoi ? Si on dépasse la jauge l’assurance ne paye pas, et puis même, au-delà des normes, tu te verrais dormir dans le réfectoire, toi ? Y’a du bruit tout le temps, c’est pas tenable, mieux vaut les faire partir, on sait pas où, mieux vaut éviter le pire ! Et puis le Russe il a des cernes on dirait un dindon. »<sup id="fnref:2"><a class="footnote-ref" href="#fn:2">2</a></sup> Il est plutôt brouillon l’épouvantail qu’on agite au Refuge pour pousser les personnes exilées vers la sortie : on y trouve des enjeux d’argent et de sûreté tout entremêlés de soucis du bien-être et de la dignité d’autrui<sup id="fnref:3"><a class="footnote-ref" href="#fn:3">3</a></sup>. Il nous arrive aussi parfois d’entendre la théorie de l’appel d’air, dans sa version pour les nul.les, selon laquelle si on rajoute trois lits de camp dans le couloir, il y aurait immédiatement et immanquablement trois personnes pour quitter le Bangladesh en direction de Briançon.</p>
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<p>De toutes ces règles à respecter et faire respecter ressort une impression de crise permanente. C’est-à-dire qu’à partir du moment où les yeux – du conseil d’administration, des salarié.es et des bénévoles – sont rivés sur la jauge-qu’il-ne-faut-pas-dépasser, les personnes qui restent et celles qui arrivent – toutes celles qui menacent malgré elles de faire péter la jauge – deviennent perçues et traitées comme des problèmes à gérer. Les personnes exilées qui arrivent au Refuge sont donc accueillies, certes, mais accueillies comme de potentielles futures menaces, des réfractaires au départ, les empêcheurs et empêcheuses du bon fonctionnement du Refuge en général et de l’accueil (qui porte mal son nom) en particulier. Ce triste arrangement de conscience n’a pas l’air de troubler plus que ça les membres du conseil d’administration. A nos critiques, ces gens-là répondent généralement avec agacement qu’il n’y a pas d’autres solutions et que nous ne servons donc à rien, avec notre empathie et notre idéalisme que l’urgence perpétuelle ne parvient pas à anesthésier. Parce que LA solution, tenez-vous bien, nous l’avons très claire en tête, elle est simple comme deux et deux font quatre, irréfutable – mais on ne la révélera qu’à la fin de cet article.<sup id="fnref:4"><a class="footnote-ref" href="#fn:4">4</a></sup></p>
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<h2>LA TYRANNIE DU PRÉSENT</h2>
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<p>Les discours de crise ont tant été utilisés comme moteurs d’indignation que l’espace public est devenu largement saturé d’urgences qui finalement peuvent attendre, et de chocs qui ne choquent plus. En d’autres termes, les discours de crise sont contre-révolutionnaires en tant qu’ils permettent de stabiliser une condition existante plutôt que de minimiser des formes de violences quotidiennes. La crise reproduit des institutions, des pratiques et des réalités plus qu’elle n’interroge la manière dont ces crises sont advenues, ou comment on pourrait en sortir<sup id="fnref:5"><a class="footnote-ref" href="#fn:5">5</a></sup>. Les personnes qui, au refuge comme ailleurs, nourrissent un sentiment d’urgence permanente se font les complices, volontaires ou non, d’un discours qui, tant qu’il nous fait tourner en rond, nous empêche de nous demander pourquoi, au fait, est-ce qu’on tourne en rond. Etat d’urgence et dérive gestionnaire sont les écueils contre lesquels s’écrase toute possibilité de réflexion autour de sujets pourtant centraux : la responsabilité du néocolonialisme dans les grands mouvements migratoires ; le rôle du capitalisme dans les dérèglements climatiques à l’origine de ces mêmes phénomènes ; la possibilité d’un accueil digne dans une société qui refuse de remettre en question la propriété privée, la croissance économique, le plein emploi et le salariat. Tant de choses, une fois réintégrées dans le débat, pourraient servir de garde-fou (voire d’antidote) contre le paternalisme et la maltraitance de salarié.es constamment au bord du burn-out.</p>
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<p>Au Refuge, la crise ça veut dire pas le temps de m’intéresser à ton passé, toi que j’accueille, et pas le temps non plus de me pencher sur ton futur. Il n’y a qu’ici et maintenant que tu existes, et tu ressembles plus à un colis encombrant qu’à une personne comme moi et mes potes. Le présentisme c’est un peu la maltraitance ordinaire : peu importe d’où tu viens et où tu vas, comme c’est l’urgence ici, tant que tu y es tu seras un parmi d’autres, à nos yeux d’accueillant.es. Pas le temps d’écouter tes problèmes, et si par hasard tu deviens connu.e de moi c’est que t’auras merdé quelque part, tu te seras fait remarquer et probablement pas pour les bonnes raisons, t’auras eu le culot de faire des vagues alors que franchement, t’as pas vu comme c’est compliqué déjà la vie ici, t’étais vraiment obligé de rajouter des problèmes, sérieux ?<sup id="fnref:6"><a class="footnote-ref" href="#fn:6">6</a></sup>. Parler de crise au Refuge c’est, souvent, éviter de remettre en question des pratiques d’accueil qui traitent les personnes accueillies comme des indésirables et forcent leur départ vers des futurs précaires.</p>
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<h2>INDÉSIRABLES</h2>
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<p>Mais qui part quand la jauge est pleine ? Qui est-ce qu’on met à la porte en premier et à qui est-ce qu’on accorde un peu de répit ? Ces questions quotidiennes – étendre ou non la durée de l’accueil, enfreindre ou pas le protocole qui stipule que chaque personne accueillie ne peut rester que trois jours et trois nuits – révèlent souvent une hiérarchie qui classe les personnes exilées en fonction de leur vulnérabilité (perçue). Les familles avec enfants, les femmes seules et les femmes enceintes sont souvent désignées comme plus vulnérables que les hommes seuls, et donc plus à même de pouvoir rester. Mais ces catégories sont héritées de logiques gouvernementales. Ce sont celles qui déterminent l’accueil au 115 ou dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA). Les semeur.euses de trouble, les accros au Lyrica, celles et ceux qui s’attardent un peu trop, qui commencent à se sentir comme chez elleux, et sortent de l’anonymat qui leur était assigné, en revanche, sont les premier.es à subir des pressions au départ. Grâce à cette belle contorsion logique, celles et ceux qui n’ont vraiment nulle part où aller, sont celles et ceux qu’on fout dehors avec le moins de scrupules. C’est-à-dire qu’une personne accueillie a plus de chance de devoir partir si elle va à l’encontre des normes de vulnérabilité qu’on lui assigne que si elle incarne une certaine image de la migration, selon laquelle un.e migrant.e se doit d’être isolé.e, vulnérable et obéissante pour mériter l’accueil.</p>
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<p>Et qui est-ce qui décide de qui peut rester, et qui doit partir ? Un œil sur la jauge-à-ne-surtout-pas-dépasser, l’autre sur le prix des billets de train pour Paris, les salarié.es de l’accueil concentrent de fait le pouvoir de laisser rester et faire partir. La décision de renvoyer quelqu’un.e du refuge n’est ni collective ni vraiment protocolaire, mais bien arbitraire, puisqu’elle repose souvent sur les impressions, humeurs et inimitiés personnelles que les salarié.es de l’accueil nourrissent envers les personnes accueillies. Si l’on ajoute à ça l’urgence dont on parlait plus tôt, on se retrouve assez vite dans une panade bien grisâtre dans laquelle une poignée de gens contrôle et confisque la mobilité – toi tu restes, toi tu pars – d’une majorité d’exilé.es. Ce contexte est propice à des débordements de plus en plus fréquents, où l’attitude contrôlante est si brutale qu’elle semble inspirée par un vrai sadisme, ou par une sorte de délire de puissance que la fatigue et le stress ne suffisent pas à justifier.</p>
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<p>Voici quelques extraits de dialogues qu’on a pu entendre dans le bureau de l’accueil du Refuge : « T’es bien content de dormir et manger gratuitement ici, hein? Mais ça peut pas durer ! Tu as trois jours pour acheter un billet et partir! » « [en pleurant:] Mais je n’ai pas d’argent et je ne sais pas où aller ! » « Et ben tu vas te le faire prêter, l’argent, ou alors tu partiras en stop ! »</p>
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<p>Ou encore, à une personne en manque de Lyrica: « Tu veux ta dose ? Il faut que tu achètes un billet pour Grenoble et je vais te la donner, ta dose ! »<sup id="fnref:7"><a class="footnote-ref" href="#fn:7">7</a></sup></p>
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<h2>FAUT CONCLURE</h2>
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<p>Accueillir c’est aussi contrôler. C’est se rendre responsable de quand part qui et parfois où, sans trop savoir pourquoi. En ce sens, la contrainte ne prend pas toujours la forme d’une interdiction. Au Refuge bien souvent la contrainte oriente, elle rassure, elle encourage, elle donne à des futurs flous des contours nets pour les faire advenir vite, très vite, parce qu’il faut faire de la place. La contrainte se fait douce<sup id="fnref:8"><a class="footnote-ref" href="#fn:8">8</a></sup>, quand elle n’est pas ouvertement horrible.</p>
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<h2>LA SOLUTION (PUISQU’ON L’A PROMISE)</h2>
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<p>La solution que nous proposons a l’avantage de s’adapter à presque tous les picotements de conscience (réels ou factices) des personnes qui détiennent un pouvoir sur les autres. Elle consiste à simplement arrêter de l’exercer, ce pouvoir, à regarder un peu ce qui se passe, et à prendre des notes si possible. La jauge va exploser de mai à la mi-octobre<sup id="fnref:9"><a class="footnote-ref" href="#fn:9">9</a></sup>, comme l’année passée, et celle d’avant encore, ce qui pourrait provoquer autre chose que la fin du monde. Les portes des trois étages vides pourraient finir par s’ouvrir, par exemple. Celleux parmi les propriétaires et les membres du CA qui voudraient les refermer seraient obligé.es de s’exposer publiquement, elleux et les limites si mesquines de leur charité. Un tel geste pourrait même faire gagner un peu de sympathie à l’institution épuisée qu’est le CA du Refuge, dont la politique demeure incertaine, parfois suspecte, et toujours décevante, voire un peu collabo, comme quand ses membres s’époumonent dans les oreilles du préfet, des député.es et des ministres, qu’enfin y’en a marre, il faut agir, y’a trop de migrant.es par chez nous. Il pourrait arriver plein de choses, sérieux. Le « russe » pourrait même retrouver le sommeil, ou un.e bonne avocat.e.</p>
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<p>Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne. <a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="Jump back to footnote 1 in the text">↩</a></p>
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<p>Soupe d’arguments régulièrement servie à quiconque questionne la jauge – le plus souvent des bénévoles un peu inquièt.es de mettre des gens à la porte ou des éxilé.es peu désireux.es de se retrouver à la rue. <a class="footnote-backref" href="#fnref:2" title="Jump back to footnote 2 in the text">↩</a></p>
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<p>Entendez : c’est pour le bien des personnes exilées qu’on les met dehors, et puis de toute façon on n’a pas le choix, le refuge ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde (sans le soutien de l’Etat qui, lui-même l’a déjà dit, ne peut pas non plus accueillir toute la misère du monde). Voilà on laisse ce tacle en bas de page pour éviter de trop froisser celleux qui ne s’identifieraient pas à la colère qui infuse ce petit article (pour l’instant). <a class="footnote-backref" href="#fnref:3" title="Jump back to footnote 3 in the text">↩</a></p>
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<p>Suspense de ouf. <a class="footnote-backref" href="#fnref:4" title="Jump back to footnote 4 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est pas nous qui le disons c’est Joseph Masco, un très chouette anthropologue qui travaille sur l’instrumentalisation politique des fins du monde aux Etats-Unis, dans un article (en anglais sorry) qui s’appelle The Crisis in Crisis. <a class="footnote-backref" href="#fnref:5" title="Jump back to footnote 5 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est une autre soupe, elle aussi indigeste, qu’on sert parfois au refuge quand la première n’a pas suffi. <a class="footnote-backref" href="#fnref:6" title="Jump back to footnote 6 in the text">↩</a></p>
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<p>Au moment où cet article était déjà écrit en large partie, nous avons appris une nouvelle déconcertante: une personne salariée du Refuge venait d’être mise à pied et soumise à enquête parce que accusée d’abus de pouvoir sur fond sexuel envers les exilé.es, notamment dans l’application des mesures mise en place pour respecter la f***ue jauge. Cette histoire touche trop de près le sujet de notre article pour que nous ne la mentionnions pas, mais, d’un autre point de vue, elle est beaucoup trop complexe, délicate et troublante, pour qu’on l’aborde de manière précipitée. Nous considérons par ailleurs qu’elle n’enlève rien aux opinions que nous exprimons ici. Au contraire, elle corrobore notre indignation. Et, pour le reste, l’évènement donne une couleur particulièrement sinistre au ton de certains de nos propos, que nous ne considérions pas, au moment de l’écriture, à ce point allusifs. <a class="footnote-backref" href="#fnref:7" title="Jump back to footnote 7 in the text">↩</a></p>
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<p>Puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, l’idée d’une contrainte positive – d’un pouvoir qui dit oui, vas-y ! plutôt que beh non tu peux pas faire ça en fait – a été pensée et théorisée en grande partie par Michel (Foucault). <a class="footnote-backref" href="#fnref:8" title="Jump back to footnote 8 in the text">↩</a></p>
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<p>Et ben non ! Le Refuge a décidé le 30 août de fermer ses portes et que plus personne ne rentre. Au moment où nous envoyons RAVAGES à l’imprimerie, il n’y a plus de lieu d’accueil inconditionnel à Briançon, à part un squat sans eau (le Pado) et sous menace d’expulsion imminente. Ça nous fait tout drôle, à RAVAGES, cette sensation d’avoir été, pour une fois, presque TROP OPTIMISTES ?! <a class="footnote-backref" href="#fnref:9" title="Jump back to footnote 9 in the text">↩</a></p>
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<title>ravages - LA JAUGE DU REFUGE SOLIDAIRE[^1] : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE</title>
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title="Permalink to LA JAUGE DU REFUGE SOLIDAIRE[^1] : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE">LA JAUGE DU REFUGE SOLIDAIRE[^1] : L’ACCUEIL INCONDITIONNEL CONDITIONNE</a></h2>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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By <a class="url fn" href="/author/ravages.html">ravages</a>
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<p>Avez-vous déjà essayé d’écrire à plusieurs sur un sujet qui fâche? Nous à Ravages on ne fait quasiment que ça et les résultats sont toujours, pour le moins, excitants ! Voici l’exemple d’un article qui exprime pas mal de choses qui nous tiennent grave à cœur : par exemple le fait qu’un accueil qui se dit inconditionnel et une jauge à ne pas dépasser ne vont pas facilement de pair, qu’un bâtiment ne peut se dire plein tant qu’il est vide à 60%, que les normes n’ont pas été inventées pour le bien de l’humanité, spécialement quand elles obligent de gens à dormir dans un couloir pourri plutôt que dans une chambre de merde. Et que les discours de l’autorité, de la propriété, de l’urgence et de la peur ont plutôt mauvaise presse dans nos pages.</p>
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<p>Avant on pouvait toujours pousser les murs. Quand les chambres étaient pleines on se serrait encore plus. On dormait dehors, on tapissait la cuisine de matelas en se demandant comment on allait faire pour que tout le monde dorme dans un local si petit. Avant c’était «le squat», mettez l’intonation que vous voudrez dans ces mots. Le Refuge1 du 37 rue Pasteur avait ses règles, celles d’un lieu plus ou moins autogéré, tout autant contournées, détournées, enjambées par les bénévoles et les personnes accueillies s’il le fallait, en fonction des circonstances. Parce qu’il y avait des règles, mais pas de propriétaire pour les faire respecter, on n’en gardait que le meilleur : des indications de bon sens à respecter quand c’est possible, à oublier le reste du temps. Et ça a duré des années, et on en a vu passer du monde ! Ne nous demandez pas les chiffres, on n’aime pas ça, mais on peut vous dire qu’on s’est retrouvé à cent et même plus, dans ce petit lieu chaotique et passablement insalubre. On pourrait nous suspecter d’agiter le fameux «c’était mieux avant» , mais on dit juste que les règles étaient moins étouffantes peut être au détriment du confort matériel du lieu. Et puis en août 2021, après un virage à droite de la mairie et des luttes intestines qu’on vous épargne ici, le Refuge a fermé ses portes, et c’est là-haut, à côté de l’hôpital, qu’il les a rouvertes, dans les locaux des Terrasses Solidaires.</p>
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<p>Le nouveau Refuge est plus grand, et plus cher aussi. Derrière l’achat et la rénovation du 34 route de Grenoble – qui a coûté plus ou moins un million d’euros avant même d’ouvrir ses portes – il y a Olivier Legrain du fond Riace France et ancien du groupe Lafarge, et Jean-François Rambicur de la fondation Arceal-Caritas France, administrateur du groupe Roquette, petit géant de l’agro-industrie française et méga-pollueur. Alors voilà, des personnes très sérieuses ont donné beaucoup d’argent, et il s’agirait de ne pas en faire n’importe quoi. Le nouveau Refuge se pare de nouvelles règles. Il y a des normes de sécurité, d’hygiène, des façons régulières et irrégulières de se rendre au sous-sol, dans la cuisine, dans la réserve de vêtements, et celle de nourriture. Il y a des clés, des codes qui ferment des portes, des protocoles d’accueil, d’entrée, de sortie et de soin. Il y a aussi trois étages supplémentaires, dont deux avec des chambres, des toilettes et des douches, que les propriétaires ont décidé de ne pas destiner à l’accueil, et qui restent donc vides et inutilisés, parce que pas aux normes, alors qu’il suffirait de faire tomber une porte pour y accéder. Et puis il y a un.e « russe » dont tout le monde parle, Responsable Unique de Sécurité, de son vrai nom, qui ne dort pas la nuit à l’idée que la moindre infraction à l’une de ses règles ne finisse par lui coûter la prison. Et parmi ces règles, il y a la jauge : 64 personnes, à ne pas dépasser.</p>
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<p>Le but de cet article n’est pas de dire : refusons l’argent des patrons-philanthropes et organisons-nous pour l’accueil digne et autogéré des personnes exilées – même si on dit ça un peu quand même – mais de comprendre un peu mieux comment les protocoles qui régulent l’hospitalité affectent l’accueil et le traitement des personnes exilées au Refuge. Et de dénoncer, au passage, certains abus vraiment intolérables.</p>
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<h2>ARRÊTEZ D’ARRIVER</h2>
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<p>« Non mais tu comprends pas, si personne ne part, personne ne peut arriver non plus ! Et puis y’a des questions de sécurité aussi : si le bâtiment crame on fait quoi ? Si on dépasse la jauge l’assurance ne paye pas, et puis même, au-delà des normes, tu te verrais dormir dans le réfectoire, toi ? Y’a du bruit tout le temps, c’est pas tenable, mieux vaut les faire partir, on sait pas où, mieux vaut éviter le pire ! Et puis le Russe il a des cernes on dirait un dindon. »2 Il est plutôt brouillon l’épouvantail qu’on agite au Refuge pour pousser les personnes exilées vers la sortie : on y trouve des enjeux d’argent et de sûreté tout entremêlés de soucis du bien-être et de la dignité d’autrui3. Il nous arrive aussi parfois d’entendre la théorie de l’appel d’air, dans sa version pour les nul.les, selon laquelle si on rajoute trois lits de camp dans le couloir, il y aurait immédiatement et immanquablement trois personnes pour quitter le Bangladesh en direction de Briançon.</p>
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<p>De toutes ces règles à respecter et faire respecter ressort une impression de crise permanente. C’est-à-dire qu’à partir du moment où les yeux – du conseil d’administration, des salarié.es et des bénévoles – sont rivés sur la jauge-qu’il-ne-faut-pas-dépasser, les personnes qui restent et celles qui arrivent – toutes celles qui menacent malgré elles de faire péter la jauge – deviennent perçues et traitées comme des problèmes à gérer. Les personnes exilées qui arrivent au Refuge sont donc accueillies, certes, mais accueillies comme de potentielles futures menaces, des réfractaires au départ, les empêcheurs et empêcheuses du bon fonctionnement du Refuge en général et de l’accueil (qui porte mal son nom) en particulier. Ce triste arrangement de conscience n’a pas l’air de troubler plus que ça les membres du conseil d’administration. A nos critiques, ces gens-là répondent généralement avec agacement qu’il n’y a pas d’autres solutions et que nous ne servons donc à rien, avec notre empathie et notre idéalisme que l’urgence perpétuelle ne parvient pas à anesthésier. Parce que LA solution, tenez-vous bien, nous l’avons très claire en tête, elle est simple comme deux et deux font quatre, irréfutable – mais on ne la révélera qu’à la fin de cet article.4</p>
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<h2>LA TYRANNIE DU PRÉSENT</h2>
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<p>Les discours de crise ont tant été utilisés comme moteurs d’indignation que l’espace public est devenu largement saturé d’urgences qui finalement peuvent attendre, et de chocs qui ne choquent plus. En d’autres termes, les discours de crise sont contre-révolutionnaires en tant qu’ils permettent de stabiliser une condition existante plutôt que de minimiser des formes de violences quotidiennes. La crise reproduit des institutions, des pratiques et des réalités plus qu’elle n’interroge la manière dont ces crises sont advenues, ou comment on pourrait en sortir5. Les personnes qui, au refuge comme ailleurs, nourrissent un sentiment d’urgence permanente se font les complices, volontaires ou non, d’un discours qui, tant qu’il nous fait tourner en rond, nous empêche de nous demander pourquoi, au fait, est-ce qu’on tourne en rond. Etat d’urgence et dérive gestionnaire sont les écueils contre lesquels s’écrase toute possibilité de réflexion autour de sujets pourtant centraux : la responsabilité du néocolonialisme dans les grands mouvements migratoires ; le rôle du capitalisme dans les dérèglements climatiques à l’origine de ces mêmes phénomènes ; la possibilité d’un accueil digne dans une société qui refuse de remettre en question la propriété privée, la croissance économique, le plein emploi et le salariat. Tant de choses, une fois réintégrées dans le débat, pourraient servir de garde-fou (voire d’antidote) contre le paternalisme et la maltraitance de salarié.es constamment au bord du burn-out.</p>
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<p>Au Refuge, la crise ça veut dire pas le temps de m’intéresser à ton passé, toi que j’accueille, et pas le temps non plus de me pencher sur ton futur. Il n’y a qu’ici et maintenant que tu existes, et tu ressembles plus à un colis encombrant qu’à une personne comme moi et mes potes. Le présentisme c’est un peu la maltraitance ordinaire : peu importe d’où tu viens et où tu vas, comme c’est l’urgence ici, tant que tu y es tu seras un parmi d’autres, à nos yeux d’accueillant.es. Pas le temps d’écouter tes problèmes, et si par hasard tu deviens connu.e de moi c’est que t’auras merdé quelque part, tu te seras fait remarquer et probablement pas pour les bonnes raisons, t’auras eu le culot de faire des vagues alors que franchement, t’as pas vu comme c’est compliqué déjà la vie ici, t’étais vraiment obligé de rajouter des problèmes, sérieux ?6. Parler de crise au Refuge c’est, souvent, éviter de remettre en question des pratiques d’accueil qui traitent les personnes accueillies comme des indésirables et forcent leur départ vers des futurs précaires.</p>
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<h2>INDÉSIRABLES</h2>
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<p>Mais qui part quand la jauge est pleine ? Qui est-ce qu’on met à la porte en premier et à qui est-ce qu’on accorde un peu de répit ? Ces questions quotidiennes – étendre ou non la durée de l’accueil, enfreindre ou pas le protocole qui stipule que chaque personne accueillie ne peut rester que trois jours et trois nuits – révèlent souvent une hiérarchie qui classe les personnes exilées en fonction de leur vulnérabilité (perçue). Les familles avec enfants, les femmes seules et les femmes enceintes sont souvent désignées comme plus vulnérables que les hommes seuls, et donc plus à même de pouvoir rester. Mais ces catégories sont héritées de logiques gouvernementales. Ce sont celles qui déterminent l’accueil au 115 ou dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA). Les semeur.euses de trouble, les accros au Lyrica, celles et ceux qui s’attardent un peu trop, qui commencent à se sentir comme chez elleux, et sortent de l’anonymat qui leur était assigné, en revanche, sont les premier.es à subir des pressions au départ. Grâce à cette belle contorsion logique, celles et ceux qui n’ont vraiment nulle part où aller, sont celles et ceux qu’on fout dehors avec le moins de scrupules. C’est-à-dire qu’une personne accueillie a plus de chance de devoir partir si elle va à l’encontre des normes de vulnérabilité qu’on lui assigne que si elle incarne une certaine image de la migration, selon laquelle un.e migrant.e se doit d’être isolé.e, vulnérable et obéissante pour mériter l’accueil.</p>
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<p>Et qui est-ce qui décide de qui peut rester, et qui doit partir ? Un œil sur la jauge-à-ne-surtout-pas-dépasser, l’autre sur le prix des billets de train pour Paris, les salarié.es de l’accueil concentrent de fait le pouvoir de laisser rester et faire partir. La décision de renvoyer quelqu’un.e du refuge n’est ni collective ni vraiment protocolaire, mais bien arbitraire, puisqu’elle repose souvent sur les impressions, humeurs et inimitiés personnelles que les salarié.es de l’accueil nourrissent envers les personnes accueillies. Si l’on ajoute à ça l’urgence dont on parlait plus tôt, on se retrouve assez vite dans une panade bien grisâtre dans laquelle une poignée de gens contrôle et confisque la mobilité – toi tu restes, toi tu pars – d’une majorité d’exilé.es. Ce contexte est propice à des débordements de plus en plus fréquents, où l’attitude contrôlante est si brutale qu’elle semble inspirée par un vrai sadisme, ou par une sorte de délire de puissance que la fatigue et le stress ne suffisent pas à justifier.</p>
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<p>Voici quelques extraits de dialogues qu’on a pu entendre dans le bureau de l’accueil du Refuge : « T’es bien content de dormir et manger gratuitement ici, hein? Mais ça peut pas durer ! Tu as trois jours pour acheter un billet et partir! » « [en pleurant:] Mais je n’ai pas d’argent et je ne sais pas où aller ! » « Et ben tu vas te le faire prêter, l’argent, ou alors tu partiras en stop ! »</p>
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<p>Ou encore, à une personne en manque de Lyrica: « Tu veux ta dose ? Il faut que tu achètes un billet pour Grenoble et je vais te la donner, ta dose ! »7</p>
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<h2>FAUT CONCLURE</h2>
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<p>Accueillir c’est aussi contrôler. C’est se rendre responsable de quand part qui et parfois où, sans trop savoir pourquoi. En ce sens, la contrainte ne prend pas toujours la forme d’une interdiction. Au Refuge bien souvent la contrainte oriente, elle rassure, elle encourage, elle donne à des futurs flous des contours nets pour les faire advenir vite, très vite, parce qu’il faut faire de la place. La contrainte se fait douce8, quand elle n’est pas ouvertement horrible.</p>
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<h2>LA SOLUTION (PUISQU’ON L’A PROMISE)</h2>
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<p>La solution que nous proposons a l’avantage de s’adapter à presque tous les picotements de conscience (réels ou factices) des personnes qui détiennent un pouvoir sur les autres. Elle consiste à simplement arrêter de l’exercer, ce pouvoir, à regarder un peu ce qui se passe, et à prendre des notes si possible. La jauge va exploser de mai à la mi-octobre9, comme l’année passée, et celle d’avant encore, ce qui pourrait provoquer autre chose que la fin du monde. Les portes des trois étages vides pourraient finir par s’ouvrir, par exemple. Celleux parmi les propriétaires et les membres du CA qui voudraient les refermer seraient obligé.es de s’exposer publiquement, elleux et les limites si mesquines de leur charité. Un tel geste pourrait même faire gagner un peu de sympathie à l’institution épuisée qu’est le CA du Refuge, dont la politique demeure incertaine, parfois suspecte, et toujours décevante, voire un peu collabo, comme quand ses membres s’époumonent dans les oreilles du préfet, des député.es et des ministres, qu’enfin y’en a marre, il faut agir, y’a trop de migrant.es par chez nous. Il pourrait arriver plein de choses, sérieux. Le « russe » pourrait même retrouver le sommeil, ou un.e bonne avocat.e.</p>
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<p>Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne. <a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="Jump back to footnote 1 in the text">↩</a></p>
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<p>Soupe d’arguments régulièrement servie à quiconque questionne la jauge – le plus souvent des bénévoles un peu inquièt.es de mettre des gens à la porte ou des éxilé.es peu désireux.es de se retrouver à la rue. <a class="footnote-backref" href="#fnref:2" title="Jump back to footnote 2 in the text">↩</a></p>
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<p>Entendez : c’est pour le bien des personnes exilées qu’on les met dehors, et puis de toute façon on n’a pas le choix, le refuge ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde (sans le soutien de l’Etat qui, lui-même l’a déjà dit, ne peut pas non plus accueillir toute la misère du monde). Voilà on laisse ce tacle en bas de page pour éviter de trop froisser celleux qui ne s’identifieraient pas à la colère qui infuse ce petit article (pour l’instant). <a class="footnote-backref" href="#fnref:3" title="Jump back to footnote 3 in the text">↩</a></p>
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<p>Suspense de ouf. <a class="footnote-backref" href="#fnref:4" title="Jump back to footnote 4 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est pas nous qui le disons c’est Joseph Masco, un très chouette anthropologue qui travaille sur l’instrumentalisation politique des fins du monde aux Etats-Unis, dans un article (en anglais sorry) qui s’appelle The Crisis in Crisis. <a class="footnote-backref" href="#fnref:5" title="Jump back to footnote 5 in the text">↩</a></p>
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<p>C’est une autre soupe, elle aussi indigeste, qu’on sert parfois au refuge quand la première n’a pas suffi. <a class="footnote-backref" href="#fnref:6" title="Jump back to footnote 6 in the text">↩</a></p>
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<p>Au moment où cet article était déjà écrit en large partie, nous avons appris une nouvelle déconcertante: une personne salariée du Refuge venait d’être mise à pied et soumise à enquête parce que accusée d’abus de pouvoir sur fond sexuel envers les exilé.es, notamment dans l’application des mesures mise en place pour respecter la f***ue jauge. Cette histoire touche trop de près le sujet de notre article pour que nous ne la mentionnions pas, mais, d’un autre point de vue, elle est beaucoup trop complexe, délicate et troublante, pour qu’on l’aborde de manière précipitée. Nous considérons par ailleurs qu’elle n’enlève rien aux opinions que nous exprimons ici. Au contraire, elle corrobore notre indignation. Et, pour le reste, l’évènement donne une couleur particulièrement sinistre au ton de certains de nos propos, que nous ne considérions pas, au moment de l’écriture, à ce point allusifs. <a class="footnote-backref" href="#fnref:7" title="Jump back to footnote 7 in the text">↩</a></p>
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<p>Puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, l’idée d’une contrainte positive – d’un pouvoir qui dit oui, vas-y ! plutôt que beh non tu peux pas faire ça en fait – a été pensée et théorisée en grande partie par Michel (Foucault). <a class="footnote-backref" href="#fnref:8" title="Jump back to footnote 8 in the text">↩</a></p>
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<p>Et ben non ! Le Refuge a décidé le 30 août de fermer ses portes et que plus personne ne rentre. Au moment où nous envoyons RAVAGES à l’imprimerie, il n’y a plus de lieu d’accueil inconditionnel à Briançon, à part un squat sans eau (le Pado) et sous menace d’expulsion imminente. Ça nous fait tout drôle, à RAVAGES, cette sensation d’avoir été, pour une fois, presque TROP OPTIMISTES ?! <a class="footnote-backref" href="#fnref:9" title="Jump back to footnote 9 in the text">↩</a></p>
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<title>ravages - Lexique : frontière</title>
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lun. 04 décembre 2023
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<p>Ce qui suit est une (pas si) courte définition du mot « frontière ». On y trouve des éléments juridiques, historiques, anthropologiques même ! pour essayer de démêler ce qu’une frontière est de ce qu’elle n’est pas. On s’appuie surtout sur la frontière franco-italienne (qu’on appellera parfois FFI pour aller plus vite), parce que c’est celle qu’on habite, qu’on connaît un peu mieux que les autres, et depuis laquelle on écrit la plupart de cette revue. Pour celles et ceux qui, pris d’un grand coup de flemme, ne souhaiteraient pas lire la suite, ce qu’on y dit est plutôt simple : la frontière est une construction juridique historiquement récente, difficilement séparable des idées d’Etat et de territoire, et dont la forme, le tracé et les modalités changent constamment. Le fait que les frontières nationales correspondent parfois à des frontières dites naturelles n’a rien d’évident : c’est le fruit d’un processus politique qui, depuis plusieurs siècles, inscrit l’Etat et ses limites dans une « nature » qui les précède et légitime leur existence.</p>
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<p>Le rétablissement des contrôles d’identité et le renforcement des effectifs policiers le long de la frontière franco-italienne ont fait de « la frontière » un objet ordinaire dans le Briançonnais. Pour les mi-litant.es du coin, « la frontière » est une réalité quotidienne : on l’arpente, on la dénonce, on essaye, le plus possible, de la rendre inutile, mais jamais – ou presque – on ne remet en question son existence. La frontière fait partie du décor. Et si elle apparait sur nos cartes de randonnée comme une ligne nette et bien tracée, peu de choses indiquent, dans nos paysages frontaliers, qu’ici se trouve la limite d’un territoire. A la différence des murs de barbelés érigés en Grèce, en Espagne ou en Hongrie, la frontière franco-italienne reste relativement intangible. Et pourtant, « la frontière » structure mouvements, pensées et luttes avec autant d’évidence que si c’était un mur. C’est pour détricoter un peu de ce sens commun que nous analysons ici le mot
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« frontière », les ambitions territoriales qu’il reflète et les réalités sociales qu’il impose.</p>
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<h2>FICTION JURIDIQUE</h2>
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<p>La frontière est avant tout une invention juridique, qui délimite dans l’espace là où s’applique le droit national, et là où il ne s’applique pas. Elle est légitimée chaque fois que des accords bilatéraux ou internationaux viennent réguler les relations entre les Etats, et donc leur existence. Entre l’Italie et la France, c’est l’accord de Chambéry qui régule les relations frontalières et facilite, entre autres, le refoulement des personnes exilées quand elles se font arrêter. Mais comme elle n’est ni immuable, ni nécessaire, la frontière en tant que construction juridique change assez régulièrement.</p>
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<p>A la fin des années 1980, la construction de l’espace Schengen a « ouvert » la frontière entre la France et l’Italie en mettant fin aux contrôles d’identité lorsqu’une personne passait d’un territoire à un autre. Une exception à cette règle persiste depuis en droit pénal : au sein d’une zone frontalière de 20km à partir de la ligne officielle, une personne peut toujours faire face à un contrôle d’identité, si elle est recherchée ou si elle commet une infraction.
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En 2015 cette frontière s’est partiellement refermée. L’Etat a établi une liste de 285 points stratégiques, appelés points de passages autorisés (PPA), autour desquels les contrôles d’identité ont été légalisés, sans que personne ne soit ni recherché ni pris en flagrant délit de quoi que ce soit. Officiellement ce rétablissement des contrôles aux frontières ne pouvait durer que 6 mois, et n’être renouvelé que pour une durée totale de deux ans. Pourtant, cela fait maintenant 8 ans que la police contrôle, expulse et enferme le long de la frontière sans aucune base légale.</p>
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<p>Quant à celles et ceux qui ont le malheur d’arriver tout droit de plus loin – d’un pays extérieur à la zone Schengen – l’Etat a là encore une solution. Depuis 1992, des zones appelées « zones d’attente » – il y en a presque 100 en France – permettent aux autorités de contrôler l’identité des gens et de les immobiliser, jusqu’à 26 jours, dans les ports, les aéroports et les gares internationales. En 2003, ces zones ont été étendues des points de débarquement à leurs environs, ce qui implique, en clair, que toutes les côtes françaises sont désormais des lieux où les immobilisations arbitraires sont possibles, et légales.</p>
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<p>Fiction juridique, la frontière n’en est pas moins réelle pour celles et ceux qui la traversent chaque jour sans la bonne couleur de peau, ou à défaut les bons papiers. Et si elle reste une construction historique relativement récente, c’est dans le registre de l’universel que la frontière puise sa légitimité, jusqu’à devenir une évidence territoriale, une sorte de sens commun dans la manière dont nous envisageons l’espace. Pourtant, et c’est ce qui nous intéresse dans la partie suivante, les frontières n’ont rien de naturel, et leur adéquation avec certains traits de paysage – comme les rivières ou les montagnes – est elle aussi une fabrication nationale.</p>
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<h2>FRONTIÈRES SYNTHÉTIQUES</h2>
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<p>Au XVIIe siècle le mot « frontière désignait une ligne de front, celle qui se tenait face à l’ennemi, peu importe que celui-ci se trouve au milieu ou en périphérie d’un territoire donné. La « frontière » délimitait une zone de défense. C’est au siècle suivant que frontières militaires et frontières nationales ont commencé à coïncider, dans les écrits officiels comme dans ceux des Lumières, qui s’évertuaient alors à ancrer la nation dans un territoire propre. Bien souvent c’est dans le paysage que les philosophes allaient piocher pour donner à la nation ses limites. Pour Rousseau ou Montesquieu, la nature avait établi sur Terre les frontières idéales de la France et des autres Etats : le Rhin, les Pyrénées et les Alpes fournissaient à la jeune nation française des limites toutes trouvées. C’est la Révolution, autrement dit, qui nationalisa l’idée d’une frontière dite naturelle, et naturalisa celle des frontières nationales.</p>
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<p>Dans son histoire du Rhin, Lucien Febvre retrace les enjeux nationalistes du fleuve qui marque la frontière entre l’Allemagne et la France. Alors que depuis le XVIe siècle le Rhin était considéré en Allemagne comme un fleuve sacré et sacrément national, l’historien démontre au contraire comment le fleuve fut, au cours de l’histoire, un lieu d’échanges économiques, culturels et linguistiques. Le fleuve, comme la frontière qu’il trace dans la géographie européenne, figure non pas comme un donné naturel mais comme un produit de l’histoire humaine, et l’outil naturel d’une politique nationaliste.</p>
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<p>Les montagnes, comme les fleuves, ont souvent fait l’objet d’une frontiérisation, c’est-à-dire de la projection de logiques étatiques sur des paysages dont rien n’indique, a priori, qu’ils appartiennent à tel ou tel pays ou qu’ils séparent des nations entre elles. Dans les Pyrénées, la construction des Etats français et espagnol est allée de pair avec l’invention de la montagne comme frontière naturelle. Le développement de la cartographie par les monarchies de l’époque à des fins commerciales et souveraines contribua à transformer montagnes et vallées en une ligne frontalière qui depuis Paris ou Madrid facilitaient peut-être l’organisation du pouvoir, mais dont le tracé sur place semblait bien arbitraire. Dans les Alpes, c’est la ligne de partage des eaux, le long des crètes, qui marque les limites entre la France, la Suisse et l’Italie.</p>
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<p>En France comme ailleurs, pourtant, les montagnes font souvent de piètres frontières. Difficilement contrôlables, elles offrent à celles et ceux qui apprennent à les connaitre des couloirs, chemins, passages et autres conduits pour creuser des trous dans le dispositif sécuritaire de celleux qui pensaient que d’un relief, on pouvait faire un mur. Les histoires de contrebande et de mobilités ne manquent pas pour illustrer les liens entre montagne et clandestinité. Il faudrait donc envisager la frontière comme un projet ou une aspiration étatique plutôt que comme une réalité géographique. Il y a un côté téléologique à la frontiérisation, c’est-à-dire que les frontières dessinées sur nos cartes correspondent moins à une réalité physique qu’à une ambition territoriale, à la fois incomplète et sans cesse contestée.</p>
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<h2>FRONTIÈRES INCARNÉES</h2>
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<p>Si les frontières nationales ont finalement peu d’ancrage dans la réalité matérielle – fluviale, géologique, environnementale – du monde, elles ont cependant des effets dévastateurs sur celles et ceux qui osent franchir ces lignes – souvent invisibles – sans y avoir été préalablement invité.es, soit par leur capital, soit par leur couleur de peau. C’est-à-dire que la frontière fait le tri, entre celleux qui la traversent sans même s’en apercevoir et celleux qui cherchent à éviter son contact, parce que la rencontrer c’est risquer de se faire suivre, poursuivre, et arrêter. Pour la géographe Anne-Laure Amilhat-Szary, la frontière est devenue un outil de hiérarchisation des vies et des mobilités ; une condition d’exclusion du non-citoyen, dont la mobilité est toujours considérée comme a priori dangereuse.</p>
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<p>Il n’y a pas qu’en zone frontalière que la frontière opère ces distinctions. Comme le dit Grégoire Chamayou, on a, « au prétexte de faire respecter une frontière territoriale, créé sur le territoire une frontière légale entre ceux qui peuvent être protégés par le droit et ceux qui ne le peuvent plus ». En d’autres termes, les frontières continuent d’opérer des distinctions et des exclusions sociales bien après qu’elles ont été franchies par celles et ceux dont la mobilité est jugée indésirable. La frontière est portable. Ne pas avoir les bons papiers, c’est la transporter avec soi. Celles et ceux qui incarnent la frontière en portent le poids quotidiennement. Dans les bureaux de l’administration, la frontière prend la forme d’une attente : l’immigré.e est celui ou celle que l’on peut faire attendre, que l’on soumet aux temporalités de la bureaucratie, que l’on domine par le temps. La frontière perdure aussi dans les corps de celleux qui l’ont franchie en tant que traces, en tant que marques somatiques qui attestent de violences subies et que l’Etat ausculte comme autant de preuves de persécutions passées contre lesquelles mesurer la parole – sans cesse mise en doute – des demandeur.euses d’asile.</p>
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<p>Mais la frontière s’immisce aussi et surtout dans le quotidien de celles et ceux qui l’ont franchie en tant que déportation possible. Pour l’anthropologue Nicholas de Genova, c’est la possibilité de la déportation – ce qu’il nomme deportability – plus que la déportation elle-même – ce qu’il appelle deportation – qui nourrit l’exclusion des sans-papiers sur un territoire donné, et facilite leur exploitation par le capital. Peur, hypervigilance et résignation donnent à la frontière – dont l’existence matérielle semble maintenant secondaire – une dimension affective. C’est à grand renfort de surveillance, d’intimidation et de harcèlement que l’Etat cultive la précarité des sans-papiers et la condition de dé-portabilité qui les rend particulièrement vulnérables à des formes d’exploitation contre lesquelles l’Etat – le même – prétend par ailleurs lutter.</p>
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<p>La frontière est donc à la fois synthétique et incarnée. Autrement dit, elle n’est ni naturelle, ni immobile. Elle n’est devenue évidente, en tant que manière d’appréhender l’espace, qu’à grand renfort de cartographie étatique traçant autour de nations mouvantes des limites fixes. La frontière n’est pas neutre. Elle ne représente pas l’espace de manière objective. Au contraire c’est une construction, juridique et historique, qui, en divisant l’espace entérinait surtout l’idée que d’autres séparations, entre les gens cette fois, étaient à la fois nécessaires et naturelles.</p>
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<p>L’entretien qui suit est extrait d’une conversation que nous avons eue avec des jeunes mineurs non accompagnés (MNA) hébergés dans un foyer. Nous les avons rencontrés chez eux, un appartement qu’ils partagent avec des éducateur.ices et des veilleur.euses de nuit qui leur tiennent compagnie de jour comme de nuit. Dans le salon où nous nous sommes rencontrés il y avait P., de Côte d’Ivoire, R., du Burkina Faso et M., qui vient du Pakistan. On a parlé de leur vie en Ile de France, de leurs relations entre eux et de celles qu’ils ont avec les éducateur.ices, depuis qu’ils ont emménagé au foyer il y a quelques mois. Dans l’entretien qui suit on parle surtout de nourriture : des repas préparés et partagés entre les quatre murs du foyer, de listes de courses qui se perdent, de sorties sous tutelle au supermarché du coin, d’interdictions, de contraintes, de l’obstination de certain.es éducateur.ices à préparer des plats français, parce que c’est important pour l’intégration des jeunes, iels disent.</p>
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<p>Car l’intégration est une affaire de patates. Et de crème fraîche, aussi. Dans les repas préparés et échangés au foyer le soin se mêle au contrôle, et le don à la menace. Parce que les jeunes du foyer ne sont pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) qu’en tant que mineurs (et parce qu’ils ont été reconnus comme tels, ce qui n’est pas le cas de toustes), ce ne sont ni des citoyens ni de simples « migrants », terme qui semble s’appliquer seulement aux adultes en situation d’exil. En d’autres termes, ils ne sont accueillis – institutionnellement – qu’en tant qu’enfants. Ce sont un peu des apprentis citoyens, des mineurs sur la sellette de la légalité qui doivent faire les preuves de leur désir d’intégration pour maintenir un statut régulier, une fois majeurs. Être à la fois enfant et étranger en France, c’est devoir se plier à des formes de soin baignées d’injonctions à être un « bon MNA », c’est-à-dire un MNA qui correspond aux normes de la blanchité : un MNA fort à l’école, sage à la maison, et respectueux des éducateur.ices qui l’entourent. Dans l’imaginaire collectif – qui reste un imaginaire nationaliste – l’étranger est un peu l’enfant du citoyen, et l’enfant l’étranger des adultes, faisant des MNA – enfants et étrangers – les cibles d’une double infantilisation, au nom de leur minorité et de leur étrangéité.</p>
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<p>Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur autonomie. Les éducateur.ices qui travaillent avec eux leur disent quoi faire de leur temps, de leur argent, ce qu’il faut manger et comment, en faisant abstraction de leurs désirs, envies et besoins. Tout cela sous couvert de bons sentiments qui étouffent, autant qu’ils maintiennent l’illusion baroque selon laquelle la citoyenneté serait une manière d’être et de se tenir, à table comme ailleurs.</p>
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<p><strong>P:</strong> Depuis qu’on est arrivé c’est les éducateurs qui font à manger pour nous. Quand le Ramadan a commencé, on voulait pas déranger les éducateurs pour nous faire la cuisine, parce que c’est un mois sacré pour nous, il faut qu’on mange bien pour bien passer le Ramadan. Les repas qu’ils nous faisaient, bon… on mangeait parce qu’il faut manger pour notre faim, même si ça passe pas, on boit de l’eau par dessus et ça passe. Quand le Ramadan a commencé c’est M. [un jeune accueilli par l’association] qui faisait la cuisine, et moi j’aidais beaucoup, on mangeait à quatre heures du matin, on faisait du riz, du couscous, du poulet, on a mangé beaucoup pendant le Ramadan.</p>
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<p><strong>R:</strong> Et les éducateurs ils faisaient quoi à manger?</p>
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<p><strong>P:</strong> Des repas français. Quand le Ramadan est fini, M. a décidé d’arrêter de faire la cuisine, moi aussi j’avais pris ma décision, mais souvent on est là à midi ou une heure et y’a personne pour faire la cuisine, donc on est obligé de faire des trucs à manger. On fait ce qu’on veut à manger. Ils font aussi ce qu’ils veulent, les éducateurs, il préparent ce qu’ils veulent, même si c’est pour nous. Souvent c’est Z. [une éducatrice] qui nous demande ce qu’on veut manger, ce qu’on a prévu de faire, moi je dis tout me va, j’ai aucun problème avec la nourriture, c’est elle qui faisait beaucoup. Mais L. [un éducateur] une fois il a fait un truc que moi j’ai pas aimé. Quelque chose avec des pommes de terre, je sais plus comment ça s’appelle [une tartiflette]. Après j’ai eu mal au ventre, j’ai mangé pour ne pas le décourager, parce que M. n’a pas aimé non plus, donc moi j’ai ajouté un peu de sel et j’ai mangé pour le motiver, mais après j’ai regretté, il fallait pas le manger son plat mais j’avais pas le choix.</p>
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<p><strong>R:</strong> Et tu lui as pas dit que tu voulais pas le manger?</p>
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<p><strong>P:</strong> Non, je lui ai même pas dit que c’est pas bon, que je n’aime pas, je lui ai même pas dit, parce que M. lui avait déjà dit qu’il aimait pas, il a gouté et il a arrêté de manger, donc j’ai mangé pour qu’il soit plus à l’aise, j’ai mangé avec beaucoup de sel et après j’ai eu mal au ventre, mais c’est passé. Depuis L. a fait d’autres plats. Même aujourd’hui il a fait une blanquette de veau, parce qu’on est allé regarder le match de foot et y’avait personne pour faire la cuisine, donc c’est lui qui nous a préparé la sauce.
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[Pendant que P. parle, X, un autre jeune accueilli, pose une cagette de provisions sur la table du salon.]</p>
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<p><strong>R:</strong> T’as ramené quoi sur la table ?</p>
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<p><strong>X:</strong> Ça, ça vient des Restos du Coeur. Depuis qu’on l’a pris aux Restos du Coeur personne ne l’a mangé. Ça, c’est pareil. Ça, c’est de la crème fraiche, tu peux la jeter. J’ai fait une liste mais personne n’a acheté ce que j’ai demandé. On peut parler des courses ? Concernant les courses, y’a quelques éducateurs qui font comme s’ils étaient chez eux. Par exemple, un jour on a fait une liste, et quand l’éducatrice est arrivée elle a laissé la liste qu’on avait écrit et elle a acheté ce qu’elle voulait, et maintenant il parait qu’il nous reste plus assez de budget, mais elle, elle a acheté ce qu’elle voulait, de la crème fraiche, du café, pourtant il y avait déjà du café, mais elle en a racheté au lieu d’acheter ce que nous on avait écrit. Elle a acheté ce qu’elle voulait, parce que c’est elle qui fait les courses ici. Y’a beaucoup de choses qu’ils achètent [les éducateurs], bon, si t’achètes et que tu fais la cuisine pour nous, si on t’a dit que c’est bon, alors on peut accepter, mais si on mange pas ce que tu cuisines, c’est pas acceptable.</p>
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<p><strong>R:</strong> Et vous allez jamais faire les courses vous-mêmes?</p>
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<p><strong>P:</strong> Bien sûr, avant on allait faire les courses une fois par semaine, mais depuis le mois du Ramadan on a arrêté. Seulement hier on est retourné faire des courses, on est parti tous les trois, on a fait une liste, et un éducateur nous a dit qu’on n’avait plus de budget et qu’on devait faire attention. Quand on est allé au supermarché on a compté. J’ai dit à l’éducateur qui était venu avec nous, trente-cinq euros pour finir le mois, on ne peut pas acheter tout ce qu’on veut, donc j’achète, et si le budget finit tu dis au chef que ce mois-ci on a dépassé le budget, pour qu’il puisse compter sur le mois prochain. Il a dit « non, je vais me faire engueuler par le chef ». Moi j’ai laissé le chariot sur place et je suis rentré à la maison. En rentrant il m’a crié dessus, il m’a dit que je m’étais mal comporté avec lui.</p>
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<p><strong>X:</strong> Ici on a 150€ par mois pour la nourriture, par personne [ils sont six], et à part Z. qui amène sa nourriture à la maison, les autres ils mangent ce qu’il y a dans le frigo. Si quelqu’un vient et ne cuisine pas, il ne devrait pas manger avec nous. Mais si la personne cuisine, elle peut manger avec nous, c’est donnant donnant. Est-ce que vous êtes ici pour cuisiner ou est-ce que vous êtes ici pour manger notre argent ? S’ils cuisinent ça peut aller. Quand L. a dit qu’on n’avait plus d’argent ça m’a étonné, parce qu’on n’est pas allé faire les courses depuis le Ramadan, c’est les éducateurs qui amènent à manger. On n’a pas pu acheter pour 900€ de nourriture en deux semaines, c’est pas possible.</p>
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<p><strong>R:</strong> Est-ce que vous allez aussi au Secours Populaire ou aux Restos du Cœur pour les courses ?</p>
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<p><strong>P:</strong> Avant on partait, quand le budget de la nourriture c’était 900 euros, on partait chaque mercredi, et quand ils ont ajouté 100 euros sur le budget, ce qui fait 1000 euros, on nous a dit qu’on n’allait plus aller là-bas. J’ai dit d’accord. Jusqu’à présent personne n’est retourné là-bas parce que la déci-sion vient du chef. Nous on ne peut plus rien dire. On a même fait deux jours, il n’y avait plus rien dans le frigo, on a parlé avec l’éducateur, il a dit qu’il pouvait pas aller faire les courses. Alors j’ai fait en sorte qu’on puisse avoir à manger, je crois que c’était la pomme de terre que j’avais fait, j’ai cuit les pommes de terre avec les œufs, c’est ça que j’ai fait à manger. Il n’y avait pas de poulet, il n’y avait pas de riz, pas de couscous. Même j’ai parlé avec le directeur ici, à la réunion, il a dit qu’on pouvait faire une liste de courses mais ce que les éducateurs achètent on est obligé de l’accepter. Il dit « si tout à l’heure L. part acheter de la crème fraîche, et si toi tu n’aimes pas, tu le manges quand même, c’est un plat français. »</p>
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<p><strong>R:</strong> Et vous en pensez quoi quand ils vous disent des trucs comme «Il faut manger français, c’est important pour votre intégration» ?</p>
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<p><strong>P:</strong> On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés c’est ce qu’on mangeait, puisqu’on n’avait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. C’est les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à l’aise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. C’est ce qu’on veut.</p>
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<p><strong>R:</strong> Y’a d’autres choses que vous n’avez pas le droit de faire ici ?</p>
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<p><strong>P:</strong> Un jour un ami m’a envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte d’Ivoire de l’attiéké, qu’on mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là j’ai fait de l’attiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par l’association]. On était à l’aise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce qu’un éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et l’éducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on n’a pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment j’ai pris la parole et on s’est engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à l’heure, est-ce que tu mangeras avec la main? » J’ai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France c’est pour toi, mais la Côte d’Ivoire c’est pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce qu’on est chez nous ici, même si c’est pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc c’est chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi j’aime pas aller dans les restaurants, j’aime pas, je préfère manger chez moi, à l’aise, tranquille, je bois mon eau et j’ai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi c’est mieux. Après d’autres éducateurs sont arrivés et nous ont dit qu’on ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca s’est passé comme ça avec eux. Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » J’ai dit « Déjà j’ai pas encore commencé l’apprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi c’est pour ça que je mange avec la main. » Si j’ai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier j’ai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
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<title>ravages - Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</title>
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title="Permalink to Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne">Refoulements violents à la frontière greco-turque : récit d'une dérive européenne</a></h2>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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By <a class="url fn" href="/author/ravages.html">ravages</a>
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<p>L’Union européenne, obsédée par la théorie paranoïaque de l’appel d’air, mène une politique d’externalisation de ses frontières depuis maintenant presque dix ans. Pour tenter de paralyser les passages migratoires, l’Union a signé des accords avec les pays voisins, comme avec la Turquie, en 2016, qui est alors devenue un véritable sous-traitant du droit à l’asile, et procède depuis à l’accueil des personnes qui arrivent sur son territoire.</p>
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<p>Nombreuses sont les personnes qui osent tout de même la traversée, par voie terrestre ou maritime, vers l’Europe. La frontière gréco-turque est depuis devenue un lieu sinistre où les exilé.es sont soumis.es aux règles d’un ping-pong meurtrier et confronté.es, d’année en année, à toujours plus de monstruosités : «encampements», travaux forcés, mois d’attente puis de renvois, tentatives de traversée ratées, violences physiques et psychologiques, manque de sommeil, de nourriture et de soins.</p>
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<p>Au paroxysme de cette politique migratoire violente et violatrice des droits les plus fondamentaux se trouve le recours quasi systématique aux refoulements, ou « pushbacks ». Pour répondre à nos questions sur cette pratique, nous avons contacté Marion, avocate au Legal Centre Lesvos (LCL) en Grèce.</p>
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<p><strong>Ravages: </strong> Depuis quand les pushbacks existent-ils en Grèce ?</p>
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<p><strong>Marion :</strong> C’est une pratique bien connue depuis le début des années 2000 à la frontière terrestre dans le nord de la Grèce. Pour les renvois en pleine mer, avant 2020 c’était plus rare, on avait seulement connaissance de quelques épisodes isolés. Une fois la pandémie [de COVID] déclarée, les autorités grecques en ont profité pour instaurer cette nouvelle pratique de refoulements illégaux et clandestins. Avec des durcissements législatifs successifs du droit d’asile survenus en parallèle, c’est clairement devenu la norme.
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En Grèce, la frontière terrestre d’Evros étant une zone militarisée fermée au public, les ONG n’ont pas d’accès officiel, et c’est difficile de savoir ce qui s’y passe. Le même problème se pose pour les refoulements en mer Egée, ou les opérations de recherche et sauvetage sont interdites aux ONGs. On a donc mis un peu de temps avant de comprendre le phénomène des refoulements qui est devenu systématique et généralisé.</p>
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<p><strong>R: </strong> Comment ça se passe ?</p>
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<p><strong>M : </strong> La majeure partie des personnes qui traversent la mer Egée pour demander l’asile sont refoulées généralement au moins une fois, et le plus souvent, elles subissent des violences physiques ou verbales. Le modus operandi se répète : les personnes arrivent sur une des îles grecques, souvent dans une forêt ou sur une plage, et souhaitent se présenter aux autorités pour demander l’asile.
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Une fois localisées par les autorités, elles sont forcées par des hommes armés et cagoulés à entrer dans des vans ou d’autres véhicules, souvent banalisés et sans immatriculation. Les personnes sont ensuite obligées à monter sur les bateaux des garde-côtes et sont emmenées à la « frontière » avec les eaux turques. Elles sont abandonnées en mer sur des canots de sauvetage sans moteur, sans moyen d’appeler au secours, mais aussi sans eau, sans nourriture, ni gilet de sauvetage, jusqu’à ce que les garde-côtes turcs les récupèrent. La dernière enquête du New York Times sur le sujet du mois de mai 2023 est un exemple poignant de cette pratique sur l’ile de Lesvos.</p>
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<p>A Evros, au nord de la Grèce, à la frontière terrestre, les personnes en exil sont souvent détenues dans des endroits non officiels et même parfois dans des commissariats de police frontaliers. Dans tous les cas, le vol de leurs papiers et de leur argent est systématique, une recette lucrative estimée à 2 millions d’euros selon une enquête des journaux Solomon et El Pais. Les téléphones aussi sont volés. C’est pourquoi documenter ces pratiques est très compliqué. Tout étant fait pour ne pas laisser aux personnes subissant ces mesures la possibilité de garder les preuves du traitement subi. La méthode est clandestine, maîtrisée et couteuse.</p>
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<p>Les personnes refoulées de la sorte vers la Turquie se retrouvent sans papiers, sans téléphone pour prévenir leurs proches, sans argent, et risquent un passage en détention. Ce sont des mois et des mois de perdus pendant lesquels il faut travailler, se cacher et espérer collecter assez d’argent pour repartir.</p>
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<p><strong>R: </strong> Qui pratique les pushbacks?</p>
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<p><strong>M : </strong> Il est compliqué d’avoir une réponse précise, car les hommes sont en principe cagoulés et habillés de noir, sans matricule ni signe distinctif. Ils opèrent toutefois depuis, ou avec des bateaux des garde-côtes grecs. Ce sont vraisemblablement des agents au service des garde-côtes, ou des gardes eux-mêmes. Ils sont méthodiques et armés. Pour gérer de nombreuses personnes en mer, il faut être bien entraîné. A la frontière terrestre, certains témoignages relatent la présence de la police grecque. Dans ces zones frontalières, plusieurs jeunes grecs, en devenant gardes frontières, voient un moyen de bien gagner leur vie et de trouver un emploi stable. Comble du cynisme, à Evros, les autorités grecques exploitent des personnes migrantes pour organiser les pushbacks et repousser les exilés sur la rivière Evros du côté turc.</p>
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<p><strong>R: </strong> Et avec quel argent ?</p>
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<p><strong>M : </strong> On a déjà entendu la commissaire à l’Union européenne Yvla Johansson dire que la Grèce doit être « le bouclier de l’Union ». Elle réagit toujours après les publications d’articles accablants sur le sujet des pushbacks en Grèce, mais au final rien ne bouge et rien ne change. Donc pour le Legal Centre Lesvos, c’est évident que l’Union européenne valide ces pratiques, autant par le manque de positionnement clair que par le financement direct attribué aux opérations aux frontières. Chaque année, des millions d’euros sont alloués pour les interventions aux frontières en bateaux, drones, radars, caméras infrarouge, caméras thermiques et autres technologies toujours plus sophistiquées… Et tout cela sans compter l’argent dédié à l’agence Frontex5 ! C’est donc difficile de croire que l’UE n’est pas complice... L’argument de l’Etat souverain gardien de ses frontières a alors souvent bon dos pour dire que c’est aux Grecs de ré-agir, mais l’Union Européenne demeure en grade partie le trésorier de ces pratiques. Ces politiques sont donc indirectement payées par nous toustes...</p>
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<p><strong>R: </strong> Quelle est la stratégie du Legal Centre Lesvos, en sachant que votre terrain d’action est celui du plaidoyer et du combat juridique ?</p>
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<p><strong>M : </strong> Les actions intentées devant les tribunaux nationaux grecs étant systématiquement classées sans suite, sans que des enquêtes indépendantes et sérieuses ne soient menées, nous avons été for-cé.es de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour tenter d’obtenir une prise de position officielle d’une institution, et surtout une réparation pour les victimes. 32 demandes, incluant deux cas représentés par le Legal Centre Lesvos, ont été communiquées à la Grèce en décembre 2021, et sont actuellement en attente d’une décision. D’autres plaintes ont été déposées mais n’ont pour l’instant toujours pas été étudiées, malgré les preuves déposées, sans que nous sachions pourquoi. L’argumentaire juridique dans ces cas est majoritairement basé sur l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme – mise en danger de la vie d’autrui – , l’article 3 – traitements inhumains, dégradants et tortures –, et l’article 5 – détention arbitraire. La Grèce est le seule pays de l’Union européenne qui n’a jamais ratifié le protocole 4 de la Convention consacrant le principe d’interdiction des refoulements et l’interdiction des expulsions collectives – ce qui, de fait, exclu une condamnation sur ce seul fondement.</p>
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<p>Nous espérons une « décision position » de la CEDH, mais ne sommes tout de même pas certains que cela mènera à une amélioration de la situation aux frontières. Dans d’autres affaires, nous avons déjà vu la Cour justifier les pratiques de refoulement en invoquant le fait que les personnes en migration doivent utiliser les « points d’entrée officiels » pour demander l’asile. Cet argument est toutefois inopérant : le deal signé entre l’UE et la Turquie est justement fait pour que les Turcs retiennent les personnes exilées sur leur territoire et les empêchent de venir en Europe. Ces points d’entrée, c’est pour les touristes et les achats de cigarettes moins chères, aucune chance d’y demander l’asile. La plupart des plaignant.es que nous représentons ont depuis réussi à migrer dans d’autres pays de l’UE et ont été reconnu.es réfugié.es là-bas. Il est primordial de continuer de dénoncer ces méthodes illégales aux frontières malgré la pression accrue sur les ONGs et le monde militant. La Turquie et la Grèce instrumentalisent au maximum le sujet chacune de leur côté. En Turquie, certaines institutions publient et dénoncent le traitement grec des personnes en migration. Elles tentent de calculer le nombre de pushbacks et déplorent publiquement que la Grèce financée par l’UE gère si mal ses frontières. La Grèce quant à elle, dans son discours affirme qu’il s’agit de la propagande d’Erdogan. La vieille rengaine entre les deux pays… et pendant ce temps rien ne change! Il faudra certainement encore des années d’investigations et de dénonciation pour arriver à faire bouger la pratique, si une autre, encore plus dramatique, n’est pas inventée d’ici là. La prochaine piste à explorer est de tenter de faire qualifier les pushbacks en tant que crimes contre l’humanité, et de se battre sur le terrain pénal.</p>
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<title>ravages - Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</title>
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title="Permalink to Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières">Remplacer les frontières par des forêts d'herbes sauvages : des imaginaires territoriaux émancipateurs contre l'invisibilisation des frontières</a></h2>
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lun. 04 décembre 2023
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<p>Ne cherchez pas de sens à ce titre. Pas tout de suite. Posez-vous simplement la question : Qu’est-ce que je vois ou ne vois pas quand je vais à Montgenèvre ? La réponse varie en fonction des personnes, mais il reste de commun aux personnes blanches que la frontière a tendance à se dissoudre dans notre vécu ordinaire, emportant avec elle les personnes qui en subissent la ségrégation. Cet article veut montrer que cette invisibilisation ne va pas de soi, qu’elle est le résultat d’imaginaires portés par des acteur.ices locaux qui font du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Inhabitable dans le sens où les personnes exilées sont au mieux considérées comme des « invités », au pire comme une masse nuisible, mais jamais – ou trop rarement – comme des personnes libres et fortes d’un pouvoir d’agir individuel et collectif. Des expériences collectives locales, allant des squats à certaines associations visant l’émancipation des personnes apparaissent alors comme de potentielles sources d’imaginaires territoriaux qui n’invisibilisent plus les exilé.es mais au contraire leur redonnent un peu d’autonomie.</p>
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<p>Non-respect des procédures de demande d’asile par la police de l’air et des frontières (PAF), non-respect du droit dans les demandes de titres de séjour par la préfecture, manque de places d’hébergement d’urgence, stigmatisation des personnes exilées, criminalisation des personnes solidaires : voilà la réalité de la frontière dans le Briançonnais. Une réalité que l’on peut, à Montgenèvre, survoler en télésiège, si notre porte-monnaie nous le permet. Allégorie trop parfaite de la ségrégation qui se déploie tout autour de nous, et de son invisibilisation.</p>
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<h2>INVISIBLES, OCCUPEZ-VOUS DE VOTRE LINGE !</h2>
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<p>En 2007, Guy Hermitte, maire de Montgenèvre et ancien officier de la PAF, écrivait : « Dépassant les clivages humains qui ont conduit aux pires atrocités, Montgenèvre, par sa spécificité de commune transfrontalière, tend la main à ses voisins italiens pour créer ensemble une coopération au service des populations et de leur maintien en montagne. Ce lien va perdurer au-delà des années pour créer l’un des plus beaux domaines skiables internationaux d’Europe : La Voie Lactée ». M. Hermitte loue le «lien», « tend la main », coopère, comme si l’époque de la séparation des peuples était révolue. Pourtant, à Montgenèvre aujourd’hui, la coopération entre la France et l’Italie est surtout commerciale et policière. Un golf, une station de ski et une macabre partie de ping-pong avec les personnes exilées ; voilà les seules choses réellement transfrontalières à Montgenèvre. Le local de « mise à l’abri » où sont enfermées les personnes arrêtées alors qu’elles tentaient de traverser la frontière, est un Algeco dissimulé derrière le poste de police. Le vocabulaire officiel est pour le moins trompeur, car cette « mise à l’abri » se traduit quasi systématiquement par l’enfermement illégal et le refoulement en Italie des personnes exilées. La fraternité prônée par M. Hermitte ne vaut qu’en tant qu’elle promeut le tourisme et efface d’un même geste les questions migratoires. Ces mots datent. Mais aujourd’hui encore, l’équipe municipale montgenèvroise continue de louer le caractère « transfrontalier » de sa station, tout en réussissant l’exploit de rester muette sur les enjeux migratoires, alors même que la situation locale fait régulièrement l’objet d’une couverture nationale.</p>
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<p>Le mutisme est aussi à l’œuvre chez des acteur.ices dépendant.es de subventions, ou de marchés publics. Parmi elleux, des acteur.ices de la solidarité, de la culture et du tourisme font attention à rester « neutres », « apolitiques », à ne pas faire de vagues, une posture qui participe au maintien de l’ordre frontalier. La société de transport Resalp, par exemple, a choisi de collaborer avec la police. C’est ainsi que les chauffeur.euses de la ligne Montgenèvre-Briançon demandent aujourd’hui les documents d’identité à certain.es passager.es – non-blanc.hes – suivant une pratique ouvertement raciste et totalement illégale.
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A Briançon, on ne fait même plus semblant : la municipalité demande au Refuge Solidaire de ranger le linge pendu à ses fenêtres. Ça ne fait pas propre, et il parait que les habitants de Briançon le « vivent mal ». Lorsqu’un mort est retrouvé sur un chemin descendant vers Briançon, que le refuge solidaire bat des records d’accueil à Briançon, les seules préoccupations d’Arnaud Murgia sont la « sécurité et la tranquillité des habitants ». Soucieuses que l’opinion publique n’associe « personnes exilées » avec « insalubrité », des associations organisent au printemps des randonnées pour ramasser les habits abandonnés sur les chemins pendant l’hiver, effaçant ainsi les traces des passages migratoires et de leur répression, se laissant prendre au piège de l’invisibilisation. De manière générale, le Briançonnais se muséifie. La « préservation » du patrimoine et de l’environnement sert d’excuse pour définir où est-ce que les personnes en situation d’exil peuvent être hébergées, et quels usages sont tolérés. Le tout étant que ce, celles et ceux qui dérangent ne se voient pas, en particulier pour les touristes, qui ont le champ libre et un accès privilégié à l’usage, voire à l’usure, du territoire.</p>
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<h2>SOLIDARITÉ DE FAÇADE</h2>
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<p>Les mécanismes d’invisibilisation de la frontière sont d’autant plus efficaces qu’ils sont secondés par une redoutable stratégie de communication qui affiche le Briançonnais comme un territoire ouvert et accueillant, une stratégie consistant à créer une image officielle convenable, voire séduisante, et à limiter l’expression de récits alternatifs.</p>
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<p>Une fresque murale représentant une personne noire qui traverse des montagnes, un festival se voulant « polychrome » affichant une programmation éclectique de musiques du monde, une station de ski transfrontalière : si on ne sait pas ce qui se trame autour de la frontière, le Briançonnais pourrait passer pour un territoire ouvert, presque solidaire. Après tout, le maire de Briançon et le préfet du département s’affichent publiquement en soutien d’un nouveau centre de vacances pour des personnes en situation de précarité. C’est que ça doit être des gars bien !</p>
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<p>La communication est bien ficelée. En s’affichant publiquement comme soutiens de l’association 82-4000 solidaires, qui vise à démocratiser la haute montagne, Arnaud Murgia et Dominique Dufour (le préfet des Hautes-Alpes) apparaissent « solidaires », sans pour autant remettre en cause les catégories sociales servant à discriminer l’accès au territoire et aux droits. Les immigrés « légaux » (ou tolérés un temps) ont le droit de venir en vacances dans le Briançonnais, tandis que les « migrants », les « illégaux » peuvent toujours attendre à Oulx. En plus de cacher leur politique sécuritaire derrière une solidarité sélective, cette pirouette communicationnelle leur permet de se réapproprier la solidarité et de marginaliser les discours d’opposition. Si la solidarité n’appartient pas qu’aux militant.es, alors ceux-ci se caractérisent par leur radicalité, et peuvent être érigés en menace pour l’ordre public. Pourtant, cette solidarité de façade dissimule mal les priorités répressives de M. Murgia. On peut citer, à titre d’exemple, le sort de la MAPEmonde, ancien service d’aide aux personnes étrangères de la MJC, qui n’a pas été maintenu dans le nouveau centre social intercommunal.</p>
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<h2>D’AUTRES RÉCITS EXISTENT…</h2>
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<p>La persévérance des associations et collectifs locaux fait que d’autres récits existent sur le territoire et se diffusent jusque dans la presse et les réseaux (inter)nationaux : celui de l’accueil, ou de la liberté de circulation. Néanmoins, ces récits peuvent aussi contribuer à entretenir la ségrégation qu’instituent les frontières étatiques.</p>
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<p>Nous opposons assez facilement à l’image de montagne-frontière celle d’une montagne-refuge, un récit qui s’appuie sur l’imaginaire montagnard, et quelques formules de bon sens : « on n’abandonne pas quelqu’un en montagne » ; « en refuge, on ne laisse personne dormir dehors, quitte à dormir sur et sous les tables », etc. Si ce récit peut correspondre à une certaine réalité, il comporte également un certain nombre de dangers. En ne nommant pas les violences racistes et sécuritaires qui rendent ces « refuges » nécessaires, il empêche de s’attaquer aux problèmes de fond. Il fait aussi de la montagne un territoire d’exception par rapport aux autres territoires, alors même que, par principe, la liberté de circulation devrait être défendue partout.</p>
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<p>La mise en spectacle de l’hospitalité et des maraudes crée d’autre part une figure de héros-solidaire dont dépendent les personnes en exil pour arriver à bon port. C’est-à-dire qu’on naturalise l’idée selon laquelle les « solidaires » seraient indispensables aux personnes en exil, ce qui revient à les priver de leur capacité d’action et de leur autonomie. On recrée ainsi une situation de domination, dans laquelle le héros-solidaire confisque le pouvoir au lieu de contribuer à l’émancipation des personnes qu’il prétend aider.</p>
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<p>Comment alors faire exister des récits qui permettent l’émancipation des personnes en exil, et démontent les structures racistes ? A l’évidence, la première chose à faire est de rendre visible la ségrégation raciste que produit la frontière, et que les autorités cherchent à cacher. Reste ensuite à imaginer, et diffuser, des imaginaires territoriaux qui favorisent l’émergence d’espaces et de structures sociales émancipatrices.</p>
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<h2>ON NE DIT PAS DES HERBES SAUVAGES QU’ELLES FORMENT DES FORÊTS !?</h2>
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<p>L’idée que tout le monde puisse circuler et s’installer où bon lui semble peut paraître aussi absurde que le titre de cet article. Pourtant, l’expérience montre qu’il peut exister des structures sociales et des modes d’organisation collectifs qui permettent aux personnes exilées d’être dans une posture d’acteur.ices et de regagner de l’autonomie. Des structures dans lesquelles la notion « d’étranger.e » ne fait que peu de sens et celle de « personne accueillie » est rapidement remplacée par celle de « cohabitant.e » ou de « voisin.e ». Comment seulement faire que ces possibles émancipateurs remplacent les conceptions racistes dans les imaginaires et les récits territoriaux ?</p>
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<p>Lutter pour l’émancipation individuelle et collective c’est redonner le pouvoir d’agir aux personnes qui en ont été privées : un pouvoir d’auto-détermination, mais aussi et surtout un pouvoir d’agir politique. La politologue Fatima Ouassak, comme d’autres théori-cien.nes de la pensée décoloniale, montre que rien de cela ne peut se faire sans laisser aux personnes exilées un « accès à la Terre », et la possibilité de vivre où elles le souhaitent. Souvent considérées comme des sources d’insécurité potentielles, les personnes immigrées ou considérées comme telles ne sont presque jamais associées aux choix politiques ou urbanistiques impactant leurs lieux de vie. Les politiques locales mises en place par messieurs Murgia ou Hermitte sont une déclinaison locale de la politique sécuritaire en œuvre au niveau national : elles cherchent, presque explicitement, à faire du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Les personnes exilées sont par défaut exclues, exceptionnellement tolérées, mais uniquement dans des lieux prévus à cet effet, qui incarnent l’imaginaire de la « bonne solidarité »; des lieux dans lesquels on peut être « accueilli », mais où on ne vit pas. Si l’on suit la proposition de Fatima Ouassak, l’enjeu n’est pas d’offrir aux personnes exilées un retour à la Terre au sens écolo-privilégié de l’expression, mais de leur rendre la possibilité d’habiter, comme elles veulent, et où elles veulent.</p>
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<p>Là où « être accueilli.e » est un statut passif, « habiter » est une posture active et émancipatrice, tant individuellement que collectivement. En revenant sur l’histoire du marronnage – la sécession des esclaves en Amérique et dans les archipels de l’Océan Indien – le philosophe et anthropologue mahorais Dénètem Touam Bona montre l’importance des « forêts » dans la reprise d’une puissance d’agir collective vers l’émancipation. Le terme « forêt » désigne ici un espace où l’on est libre d’habiter comme on le souhaite, un en-dehors des normes instituées où l’on développe des pratiques de subsistance, de loisir ou de spiritualité, où l’on crée des liens et où l’on s’organise contre un système oppressif. Dans le Briançonnais, les espaces qui se rapprochent de cette idée se font rares. Il y a bien quelques squats, lieux collectifs ou associations où les personnes exilées ne sont pas contraintes par des normes qu’elles n’ont pas faites, mais ils sont rares, et surveillés de près.</p>
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<p>La production de récits territoriaux émancipateurs reste ouverte, mais se dessinent déjà quelques pistes de réflexion : laisser la parole aux premier.es concerné.es, et enquêter à partir d’expériences qui montrent tant les discriminations que les émancipations ; montrer comment se construisent ces expériences, ces espaces et ces structures sans en cacher les limites ou les difficultés. L’enjeu est de désarmer les récits qui hiérarchisent les vies entre elles, invisibilisent une partie de la population et marginalisent les pensées alternatives, en multipliant les récits dans lesquels les individus choisissent d’habiter, plutôt qu’acceptent d’être accueillis.</p>
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<title>ravages - Tadi taxi oula saroukh ?</title>
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<h2 class="entry-title">
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<a href="/tadi-taxi-oula-saroukh.html" rel="bookmark"
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title="Permalink to Tadi taxi oula saroukh ?">Tadi taxi oula saroukh ?</a></h2>
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<time class="published" datetime="2023-12-04T00:00:00+01:00">
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lun. 04 décembre 2023
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</time>
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<address class="vcard author">
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||||
By <a class="url fn" href="/author/ravages.html">ravages</a>
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</address>
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Category: <a href="/category/01md.html">01.md</a>
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<div class="entry-content">
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<h2>«Tu vas prendre un taxi ou une fusée ?»<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup></h2>
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<p>Lyrica est un nom assez poétique pour un médicament. Pourtant la prégabaline en a beaucoup d’autres, encore plus évocateurs. Selon la langue et la latitude on l’appelle la « Rouge », le « Taxi », la « Fusée ». Il semble que, de ce puissant médicament anxiolytique, antalgique et antiépileptique, on parle même dans quelques chansons, sur les côtes méridionales de la Méditerranée. Sa popularité en tant que drogue récréative est énorme dans les pays du Maghreb. L’île de Samos semble avoir été, pendant plusieurs années, sa plaque tournante et le centre de sa diramation vers l’Europe. Aujourd’hui, le Lyrica se trouve partout, vendu sous le manteau à 1,50€ la gélule, 10€ la plaquette, de Perpignan à Bruxelles, en passant par la Porte de la Chapelle.</p>
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<p>Quelle est donc la raison d’un succès international qui frôle la légende ? Qu’est-ce qui fait de ce dérivé de l’acide gamma-amino-butyrique (ça fait moins rêver, n’est-ce pas?), l’un des médicaments les plus cités dans des fausses ordonnances, en France et en Belgique ?</p>
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<p>La réponse est simple, chères lecteur.ices : une stratégie de marketing bien réussie ! Qui comporte, il est vrai, quelques pépins avec la justice, mais cela n’a plus l’air de scandaliser l’opinion publique occidentale, après les affaires de l’OxyContin de Purdue Pharma, ou du Fentanyl d’Insys Therapeutics, protagonistes inoubliables de la saga des opioïdes aux Etats-Unis.</p>
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<p>D’autant plus que le Lyrica, pour le moment, est la drogue des sans-papiers, des exilé.es, des détenu. es, des sans-abris, des usager.es d’opioïdes : une population d’invisibles, sans droits et sans repré-sentant.es. Ce qui fait de sa diffusion sous le manteau un crime presque parfait.</p>
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<p>Bravo donc à Pfizer, propriétaire des droits d’exploitation de la prégabaline, d’avoir réussi une deuxième affaire du siècle, après le vaccin anti-Covid ! Ces profits sont bienvenus, si l’on tient compte des 2,3 milliards de dollars d’amende payés en 2009 au gouvernement Étasunien pour avoir fait la promotion illicite de plusieurs médicaments (dont le Lyrica); des 60 millions de dollars d’amende payés en 2012, pour avoir corrompu des médecins et des représentant.es de gouvernement en Chine, République Tchèque, Italie, Serbie, Bulgarie, Croatie, Kazakhstan et Russie. Sans oublier les 1,3 millions d’euros versés à Jérôme Cahuzac en 2016, on se demande bien pourquoi...</p>
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<p>Mais attention, chères lecteur.ices. Comme vous pouvez bien l’imaginer, l’utilisation de ce médicament n’est pas sans un certain nombre de conséquences plus que négatives. La prégabaline a en effet des propriétés euphorisantes, relaxantes et désinhibantes, en particulier lorsqu’elle est utilisée en association avec d’autres dépresseurs (opiacés, alcool, benzodiazépines…) dont elle potentialise les effets. Certains usager.es rapportent également une sensation de toute puissance. Mais un usage excessif entraîne très rapidement une forte dépendance physique, ainsi que plusieurs effets indésirables : prise de poids, œdème périphérique, vertiges, somnolence, ataxie, tremblements, fatigue, céphalées, douleurs articulaires, impuissance, troubles visuels. Le mésusage augmente le risque de dépression respiratoire par surdose d’opiacés, ainsi que le risque de troubles du rythme cardiaque. Au niveau comportemental, son usage est associé à une augmentation des idées suicidaires et des passages à l’acte, des accidents de la route, et de l’agressivité.</p>
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<p>En fouillant dans la littérature pharmaceutique, on découvre que « les médicaments de la famille des gabapentinoïdes, dont le Lyrica fait partie, semblent être une cause de mortalité insuffisamment recherchée en médecine légale, notamment dans le cadre des décès pour overdose d’opioïdes », ce qui veut dire, dans notre langue, que le Lyrica tue un grand nombre d’usager.es d’opioïdes, mais que, pour le moment, personne n’a vraiment envie de savoir combien, ni bien sûr de bouger un doigt pour les aider.</p>
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||||
<p>Merci Pfizer, encore une fois.</p>
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<p>Mais laissons la parole à notre ami K., [ancien usager de Lyrica] qui vit à Briançon depuis plus de deux ans.</p>
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<p><strong>R : </strong> Toi, t’as quoi à me dire sur le Lyrica ?</p>
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||||
<p><strong>K : </strong> Encore hier, il y a un gars du Refuge Solidaire<sup id="fnref:2"><a class="footnote-ref" href="#fn:2">2</a></sup> qui savait qu’il était en manque, alors il a pris son drap et il est allé dormir dans le parking près du refuge.</p>
|
||||
<p><strong>R : </strong> Mais il a dormi sur le parking, à même le sol ?</p>
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||||
<p><strong>K : </strong> Bah oui, il savait qu’avec tout le monde au Refuge il pourrait pas se contrôler, alors il est parti sur le parking, tranquille, tout seul.</p>
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||||
<p><strong>R : </strong> La dernière fois quand je t’ai demandé c’était quoi les plats typiques de l’Algérie, tu m’as répondu que c’était le Lyrica ! Parce qu’au Maroc y’a pas une aussi grande consommation, c’est ça ?</p>
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||||
<p><strong>K : </strong> Pour la moitié des gens, comme les Marocains, la prise de Lyrica commence en Turquie. A Takzim, les potes que tu vas te faire ils vont te proposer du Lyrica. Les gens ils en vendent dans les camps, dans les associations. Au Maroc on a d’autres drogues, des Karkoubi [drogues psychotropes] comme roche [surnom du Valium]. Mais on n’a pas trop de Lyrica. Et tu vois, les gens qui sont pas sociables, qui sont timides et tout, ils prennent du Lyrica. Les gens qui sont SDF en Bosnie et qui partent dans les markets ou au feu rouge pour demander de l’argent, eux ils prennent du Lyrica, ça les encourage à faire ça. Pour voler aussi, ça donne du courage.
|
||||
Beaucoup de gens ils en prennent pour marcher aussi, pour traverser la montagne, pour se donner de l’énergie.</p>
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||||
<p><strong>R : </strong> Et t’en a déjà pris ? Tu ressens quoi exactement ? T’es pas obligé de répondre si tu veux pas.</p>
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||||
<p><strong>K : </strong> Moi mon maximum c’est 21 en une journée ! Une fois au Refuge, parce que t’as le droit à 3 pilules maximum par jour<sup id="fnref:3"><a class="footnote-ref" href="#fn:3">3</a></sup>, y’a un gars il disait « mais moi je suis habitué à 7 ou 8 par jour » et moi je lui ai pas dit mais j’en prenais parfois 17, 21 par jour (rires). Mais il faut se contrôler, j’ai pas tout pris d’un coup, comme ça tu sais. Il faut en prendre sur la journée. Au début t’en prends, t’as plein d’énergie et tout. Ça te rend trop sociable, ça te donne du courage et un peu de force. Et quand tu commences à sentir que l’énergie ça finit, tu prends encore. Mais à la fin moi quand j’ai senti que c’est bon l’énergie c’est fini, j’ai arrêté d’en prendre, j’ai aussi senti que je pouvais m’endormir n’importe où. J’avais les yeux tout rouges, et plus d’énergie. Et si tu continues de trainer, par exemple de marcher, tu commences à oublier où tu es et tu peux t’endormir d’un coup. Et tu peux plus marcher normalement. Et puis, y’a des gens le lendemain ils se souviennent plus de rien. Ca te fait vraiment sentir high, mumteshi [défoncé en darija marocain]. Le best combo, c’est Lyrica, du coca, et fumer du shit. Ça c’est comme si ça explosait la force du Lyrica, ça donne vraiment un trop trop grand high.</p>
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||||
<p><strong>R : </strong> Mais du coup quand t’es habitué à en prendre 21 par jours et qu’après tu peux en prendre seulement trois, le manque il se manifeste comment ?</p>
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<p><strong>K : </strong> Quand t’es en manque y’a des gens ils deviennent vraiment trop agressifs. Y’a des gens qui volent et qui tuent à cause du Lyrica sur la route. Une fois j’étais en prison en Slovénie et y’avait des gens qui étaient en manque de Lyrica. Et les employés de la prison ne voulaient pas leur en donner. Alors les exilé.es ont commencé à ouvrir leur corps, à se faire du mal à eux-même<sup id="fnref:4"><a class="footnote-ref" href="#fn:4">4</a></sup> et à tout casser. Les toilettes, les chaises… Et une fois qu’ils ont ouvert leur corps, on leur a donné du Rivotril.<sup id="fnref:5"><a class="footnote-ref" href="#fn:5">5</a></sup>
|
||||
Tu peux mourir à cause du Lyrica. Une fois, j’étais en Bosnie, il y a des gens ils vivaient dans une maison abandonnée. C’était des migrants. Ils ont passé la limite du Lyrica.</p>
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||||
<p><strong>R : </strong> T’entends quoi par la limite du Lyrica ?</p>
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||||
<p><strong>K : </strong> Ils ont pris plus qu’un paquet. Et dans un paquet des fois il y a 14, des fois il y a 21 pilules. Ils étaient trois personnes. Un il était sorti de la maison. Un il était déjà en train de dormir, en overdose, K.O. Et l’autre il était au téléphone avec sa mère. Et dans la maison il y avait pas de lumière. Il a allumé une bougie mais il était sous Lyrica alors il a rien mis en bas de la bougie, il l’a posée directement sur la couverture. Et le mec il avait seulement envie de parler avec sa mère et après c’est bon, il dort. Le moment où il a fini l’appel avec sa mère, il a commencé à être en overdose lui aussi, et il a oublié d’éteindre la bougie. La bougie elle a continué, continué de fumer et ça a allumé la couverture. Et parce que vraiment ils avaient trop pris de Lyrica, ils se sont pas réveillés. C’est la troisième personne qui était pas dans la maison qui est rentrée et a trouvé que tout avait brûlé. Ils sont restés les deux dans le coma et au bout d’un mois l’un est mort et l’autre s’est réveillé...
|
||||
Mais il faut pouvoir contrôler. Parce que un peu ça t’aide trop. Tu en prends pour passer, sur la route. Quand tu marches dans la forêt ou quand tu sais que tu vas devoir faire des trucs durs. Mais trop vraiment c’est dangereux. Tu peux devenir tellement agressif, faire vraiment n’importe quoi, et après tu te rappelles de rien.</p>
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<div class="footnote">
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<hr>
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<ol>
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<li id="fn:1">
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||||
<p>Paroles de la chanson Takoul Saroukh (littéralement: « mange du Lyrica ») de Cheb Djalil. <a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="Jump back to footnote 1 in the text">↩</a></p>
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||||
</li>
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||||
<li id="fn:2">
|
||||
<p>Le Refuge Solidaire est un lieu d’accueil temporaire des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne. <a class="footnote-backref" href="#fnref:2" title="Jump back to footnote 2 in the text">↩</a></p>
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||||
</li>
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||||
<li id="fn:3">
|
||||
<p>La PASS à l’hôpital de Briançon donne maximum trois jours de Lyrica aux habitant.es du refuge. L’ordonnance est théoriquement non-renouvelable si le départ est décalé. <a class="footnote-backref" href="#fnref:3" title="Jump back to footnote 3 in the text">↩</a></p>
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||||
</li>
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||||
<li id="fn:4">
|
||||
<p>Comme dit plus haut, une des principales manifestations du manque est de se faire du mal à soi-même. <a class="footnote-backref" href="#fnref:4" title="Jump back to footnote 4 in the text">↩</a></p>
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||||
</li>
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||||
<li id="fn:5">
|
||||
<p>Le Rivotril est utilisé d’une manière similaire au Lyrica. <a class="footnote-backref" href="#fnref:5" title="Jump back to footnote 5 in the text">↩</a></p>
|
||||
</li>
|
||||
</ol>
|
||||
</div>
|
||||
</div><!-- /.entry-content -->
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||||
</section>
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||||
<footer id="contentinfo" class="body">
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||||
<address id="about" class="vcard body">
|
||||
Proudly powered by <a href="https://getpelican.com/">Pelican</a>,
|
||||
which takes great advantage of <a href="https://www.python.org/">Python</a>.
|
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</address><!-- /#about -->
|
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</footer><!-- /#contentinfo -->
|
||||
</body>
|
||||
</html>
|
27
output/tags.html
Normal file
27
output/tags.html
Normal file
@ -0,0 +1,27 @@
|
||||
<!DOCTYPE html>
|
||||
<html lang="fr">
|
||||
<head>
|
||||
<title>ravages - Tags</title>
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||||
<meta charset="utf-8" />
|
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<meta name="generator" content="Pelican" />
|
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</head>
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<body id="index" class="home">
|
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<h1><a href="/">ravages</a></h1>
|
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|
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<li><a href="/category/01md.html">01.md</a></li>
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<li><a href="/category/misc.html">misc</a></li>
|
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</ul></nav><!-- /#menu -->
|
||||
<h1>Tags for ravages</h1>
|
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<ul>
|
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</ul>
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<address id="about" class="vcard body">
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||||
Proudly powered by <a href="https://getpelican.com/">Pelican</a>,
|
||||
which takes great advantage of <a href="https://www.python.org/">Python</a>.
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</footer><!-- /#contentinfo -->
|
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</body>
|
||||
</html>
|
31
pelicanconf.py
Normal file
31
pelicanconf.py
Normal file
@ -0,0 +1,31 @@
|
||||
AUTHOR = 'ravages'
|
||||
SITENAME = 'ravages'
|
||||
SITEURL = ''
|
||||
|
||||
PATH = 'content'
|
||||
|
||||
TIMEZONE = 'Europe/Rome'
|
||||
|
||||
DEFAULT_LANG = 'fr'
|
||||
|
||||
# Feed generation is usually not desired when developing
|
||||
FEED_ALL_ATOM = None
|
||||
CATEGORY_FEED_ATOM = None
|
||||
TRANSLATION_FEED_ATOM = None
|
||||
AUTHOR_FEED_ATOM = None
|
||||
AUTHOR_FEED_RSS = None
|
||||
|
||||
# Blogroll
|
||||
LINKS = (('Pelican', 'https://getpelican.com/'),
|
||||
('Python.org', 'https://www.python.org/'),
|
||||
('Jinja2', 'https://palletsprojects.com/p/jinja/'),
|
||||
('You can modify those links in your config file', '#'),)
|
||||
|
||||
# Social widget
|
||||
SOCIAL = (('You can add links in your config file', '#'),
|
||||
('Another social link', '#'),)
|
||||
|
||||
DEFAULT_PAGINATION = 5
|
||||
|
||||
# Uncomment following line if you want document-relative URLs when developing
|
||||
#RELATIVE_URLS = True
|
21
publishconf.py
Normal file
21
publishconf.py
Normal file
@ -0,0 +1,21 @@
|
||||
# This file is only used if you use `make publish` or
|
||||
# explicitly specify it as your config file.
|
||||
|
||||
import os
|
||||
import sys
|
||||
sys.path.append(os.curdir)
|
||||
from pelicanconf import *
|
||||
|
||||
# If your site is available via HTTPS, make sure SITEURL begins with https://
|
||||
SITEURL = ''
|
||||
RELATIVE_URLS = False
|
||||
|
||||
FEED_ALL_ATOM = 'feeds/all.atom.xml'
|
||||
CATEGORY_FEED_ATOM = 'feeds/{slug}.atom.xml'
|
||||
|
||||
DELETE_OUTPUT_DIRECTORY = True
|
||||
|
||||
# Following items are often useful when publishing
|
||||
|
||||
#DISQUS_SITENAME = ""
|
||||
#GOOGLE_ANALYTICS = ""
|
138
tasks.py
Normal file
138
tasks.py
Normal file
@ -0,0 +1,138 @@
|
||||
# -*- coding: utf-8 -*-
|
||||
|
||||
import os
|
||||
import shlex
|
||||
import shutil
|
||||
import sys
|
||||
import datetime
|
||||
|
||||
from invoke import task
|
||||
from invoke.main import program
|
||||
from invoke.util import cd
|
||||
from pelican import main as pelican_main
|
||||
from pelican.server import ComplexHTTPRequestHandler, RootedHTTPServer
|
||||
from pelican.settings import DEFAULT_CONFIG, get_settings_from_file
|
||||
|
||||
OPEN_BROWSER_ON_SERVE = True
|
||||
SETTINGS_FILE_BASE = 'pelicanconf.py'
|
||||
SETTINGS = {}
|
||||
SETTINGS.update(DEFAULT_CONFIG)
|
||||
LOCAL_SETTINGS = get_settings_from_file(SETTINGS_FILE_BASE)
|
||||
SETTINGS.update(LOCAL_SETTINGS)
|
||||
|
||||
CONFIG = {
|
||||
'settings_base': SETTINGS_FILE_BASE,
|
||||
'settings_publish': 'publishconf.py',
|
||||
# Output path. Can be absolute or relative to tasks.py. Default: 'output'
|
||||
'deploy_path': SETTINGS['OUTPUT_PATH'],
|
||||
# Host and port for `serve`
|
||||
'host': 'localhost',
|
||||
'port': 8000,
|
||||
}
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def clean(c):
|
||||
"""Remove generated files"""
|
||||
if os.path.isdir(CONFIG['deploy_path']):
|
||||
shutil.rmtree(CONFIG['deploy_path'])
|
||||
os.makedirs(CONFIG['deploy_path'])
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def build(c):
|
||||
"""Build local version of site"""
|
||||
pelican_run('-s {settings_base}'.format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def rebuild(c):
|
||||
"""`build` with the delete switch"""
|
||||
pelican_run('-d -s {settings_base}'.format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def regenerate(c):
|
||||
"""Automatically regenerate site upon file modification"""
|
||||
pelican_run('-r -s {settings_base}'.format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def serve(c):
|
||||
"""Serve site at http://$HOST:$PORT/ (default is localhost:8000)"""
|
||||
|
||||
class AddressReuseTCPServer(RootedHTTPServer):
|
||||
allow_reuse_address = True
|
||||
|
||||
server = AddressReuseTCPServer(
|
||||
CONFIG['deploy_path'],
|
||||
(CONFIG['host'], CONFIG['port']),
|
||||
ComplexHTTPRequestHandler)
|
||||
|
||||
if OPEN_BROWSER_ON_SERVE:
|
||||
# Open site in default browser
|
||||
import webbrowser
|
||||
webbrowser.open("http://{host}:{port}".format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
sys.stderr.write('Serving at {host}:{port} ...\n'.format(**CONFIG))
|
||||
server.serve_forever()
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def reserve(c):
|
||||
"""`build`, then `serve`"""
|
||||
build(c)
|
||||
serve(c)
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def preview(c):
|
||||
"""Build production version of site"""
|
||||
pelican_run('-s {settings_publish}'.format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def livereload(c):
|
||||
"""Automatically reload browser tab upon file modification."""
|
||||
from livereload import Server
|
||||
|
||||
def cached_build():
|
||||
cmd = '-s {settings_base} -e CACHE_CONTENT=True LOAD_CONTENT_CACHE=True'
|
||||
pelican_run(cmd.format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
cached_build()
|
||||
server = Server()
|
||||
theme_path = SETTINGS['THEME']
|
||||
watched_globs = [
|
||||
CONFIG['settings_base'],
|
||||
'{}/templates/**/*.html'.format(theme_path),
|
||||
]
|
||||
|
||||
content_file_extensions = ['.md', '.rst']
|
||||
for extension in content_file_extensions:
|
||||
content_glob = '{0}/**/*{1}'.format(SETTINGS['PATH'], extension)
|
||||
watched_globs.append(content_glob)
|
||||
|
||||
static_file_extensions = ['.css', '.js']
|
||||
for extension in static_file_extensions:
|
||||
static_file_glob = '{0}/static/**/*{1}'.format(theme_path, extension)
|
||||
watched_globs.append(static_file_glob)
|
||||
|
||||
for glob in watched_globs:
|
||||
server.watch(glob, cached_build)
|
||||
|
||||
if OPEN_BROWSER_ON_SERVE:
|
||||
# Open site in default browser
|
||||
import webbrowser
|
||||
webbrowser.open("http://{host}:{port}".format(**CONFIG))
|
||||
|
||||
server.serve(host=CONFIG['host'], port=CONFIG['port'], root=CONFIG['deploy_path'])
|
||||
|
||||
|
||||
@task
|
||||
def publish(c):
|
||||
"""Publish to production via rsync"""
|
||||
pelican_run('-s {settings_publish}'.format(**CONFIG))
|
||||
c.run(
|
||||
'rsync --delete --exclude ".DS_Store" -pthrvz -c '
|
||||
'-e "ssh -p {ssh_port}" '
|
||||
'{} {ssh_user}@{ssh_host}:{ssh_path}'.format(
|
||||
CONFIG['deploy_path'].rstrip('/') + '/',
|
||||
**CONFIG))
|
||||
|
||||
|
||||
def pelican_run(cmd):
|
||||
cmd += ' ' + program.core.remainder # allows to pass-through args to pelican
|
||||
pelican_main(shlex.split(cmd))
|
14
theme/ravages/templates/archives.html
Normal file
14
theme/ravages/templates/archives.html
Normal file
@ -0,0 +1,14 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - Archives{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<h1>Archives for {{ SITENAME }}</h1>
|
||||
|
||||
<dl>
|
||||
{% for article in dates %}
|
||||
<dt>{{ article.locale_date }}</dt>
|
||||
<dd><a href="{{ SITEURL }}/{{ article.url }}">{{ article.title }}</a></dd>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</dl>
|
||||
{% endblock %}
|
67
theme/ravages/templates/article.html
Normal file
67
theme/ravages/templates/article.html
Normal file
@ -0,0 +1,67 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
{% block html_lang %}{{ article.lang }}{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - {{ article.title|striptags }}{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block head %}
|
||||
{{ super() }}
|
||||
|
||||
{% import 'translations.html' as translations with context %}
|
||||
{% if translations.entry_hreflang(article) %}
|
||||
{{ translations.entry_hreflang(article) }}
|
||||
{% endif %}
|
||||
|
||||
{% if article.description %}
|
||||
<meta name="description" content="{{article.description}}" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
|
||||
{% for tag in article.tags %}
|
||||
<meta name="tags" content="{{tag}}" />
|
||||
{% endfor %}
|
||||
|
||||
{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<section id="content" class="body">
|
||||
<header>
|
||||
<h2 class="entry-title">
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ article.url }}" rel="bookmark"
|
||||
title="Permalink to {{ article.title|striptags }}">{{ article.title }}</a></h2>
|
||||
{% import 'translations.html' as translations with context %}
|
||||
{{ translations.translations_for(article) }}
|
||||
</header>
|
||||
<footer class="post-info">
|
||||
<time class="published" datetime="{{ article.date.isoformat() }}">
|
||||
{{ article.locale_date }}
|
||||
</time>
|
||||
{% if article.modified %}
|
||||
<time class="modified" datetime="{{ article.modified.isoformat() }}">
|
||||
{{ article.locale_modified }}
|
||||
</time>
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if article.authors %}
|
||||
<address class="vcard author">
|
||||
By {% for author in article.authors %}
|
||||
<a class="url fn" href="{{ SITEURL }}/{{ author.url }}">{{ author }}</a>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</address>
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if article.category %}
|
||||
<div class="category">
|
||||
Category: <a href="{{ SITEURL }}/{{ article.category.url }}">{{ article.category }}</a>
|
||||
</div>
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if article.tags %}
|
||||
<div class="tags">
|
||||
Tags:
|
||||
{% for tag in article.tags %}
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ tag.url }}">{{ tag }}</a>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</div>
|
||||
{% endif %}
|
||||
</footer><!-- /.post-info -->
|
||||
<div class="entry-content">
|
||||
{{ article.content }}
|
||||
</div><!-- /.entry-content -->
|
||||
</section>
|
||||
{% endblock %}
|
8
theme/ravages/templates/author.html
Normal file
8
theme/ravages/templates/author.html
Normal file
@ -0,0 +1,8 @@
|
||||
{% extends "index.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - Articles by {{ author }}{% endblock %}
|
||||
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||||
{% block content_title %}
|
||||
<h2>Articles by {{ author }}</h2>
|
||||
{% endblock %}
|
||||
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12
theme/ravages/templates/authors.html
Normal file
12
theme/ravages/templates/authors.html
Normal file
@ -0,0 +1,12 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - Authors{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<h1>Authors on {{ SITENAME }}</h1>
|
||||
<ul>
|
||||
{% for author, articles in authors|sort %}
|
||||
<li><a href="{{ SITEURL }}/{{ author.url }}">{{ author }}</a> ({{ articles|count }})</li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</ul>
|
||||
{% endblock %}
|
63
theme/ravages/templates/base.html
Normal file
63
theme/ravages/templates/base.html
Normal file
@ -0,0 +1,63 @@
|
||||
<!DOCTYPE html>
|
||||
<html lang="{% block html_lang %}{{ DEFAULT_LANG }}{% endblock html_lang %}">
|
||||
<head>
|
||||
{% block head %}
|
||||
<title>{% block title %}{{ SITENAME }}{% endblock title %}</title>
|
||||
<meta charset="utf-8" />
|
||||
<meta name="generator" content="Pelican" />
|
||||
{% if FEED_ALL_ATOM %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if FEED_ALL_ATOM_URL %}{{ FEED_ALL_ATOM_URL }}{% else %}{{ FEED_ALL_ATOM }}{% endif %}" type="application/atom+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Full Atom Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if FEED_ALL_RSS %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if FEED_ALL_RSS_URL %}{{ FEED_ALL_RSS_URL }}{% else %}{{ FEED_ALL_RSS }}{% endif %}" type="application/rss+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Full RSS Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if FEED_ATOM %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{%if FEED_ATOM_URL %}{{ FEED_ATOM_URL }}{% else %}{{ FEED_ATOM }}{% endif %}" type="application/atom+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Atom Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if FEED_RSS %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if FEED_RSS_URL %}{{ FEED_RSS_URL }}{% else %}{{ FEED_RSS }}{% endif %}" type="application/rss+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} RSS Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if CATEGORY_FEED_ATOM and category %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if CATEGORY_FEED_ATOM_URL %}{{ CATEGORY_FEED_ATOM_URL.format(slug=category.slug) }}{% else %}{{ CATEGORY_FEED_ATOM.format(slug=category.slug) }}{% endif %}" type="application/atom+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Categories Atom Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if CATEGORY_FEED_RSS and category %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if CATEGORY_FEED_RSS_URL %}{{ CATEGORY_FEED_RSS_URL.format(slug=category.slug) }}{% else %}{{ CATEGORY_FEED_RSS.format(slug=category.slug) }}{% endif %}" type="application/rss+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Categories RSS Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if TAG_FEED_ATOM and tag %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if TAG_FEED_ATOM_URL %}{{ TAG_FEED_ATOM_URL.format(slug=tag.slug) }}{% else %}{{ TAG_FEED_ATOM.format(slug=tag.slug) }}{% endif %}" type="application/atom+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Tags Atom Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if TAG_FEED_RSS and tag %}
|
||||
<link href="{{ FEED_DOMAIN }}/{% if TAG_FEED_RSS_URL %}{{ TAG_FEED_RSS_URL.format(slug=tag.slug) }}{% else %}{{ TAG_FEED_RSS.format(slug=tag.slug) }}{% endif %}" type="application/rss+xml" rel="alternate" title="{{ SITENAME }} Tags RSS Feed" />
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% endblock head %}
|
||||
</head>
|
||||
|
||||
<body id="index" class="home">
|
||||
<header id="banner" class="body">
|
||||
<h1><a href="{{ SITEURL }}/">{{ SITENAME }}{% if SITESUBTITLE %} <strong>{{ SITESUBTITLE }}</strong>{% endif %}</a></h1>
|
||||
</header><!-- /#banner -->
|
||||
<nav id="menu"><ul>
|
||||
{% for title, link in MENUITEMS %}
|
||||
<li><a href="{{ link }}">{{ title }}</a></li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
{% if DISPLAY_PAGES_ON_MENU %}
|
||||
{% for p in pages %}
|
||||
<li{% if p == page %} class="active"{% endif %}><a href="{{ SITEURL }}/{{ p.url }}">{{ p.title }}</a></li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% if DISPLAY_CATEGORIES_ON_MENU %}
|
||||
{% for cat, null in categories %}
|
||||
<li{% if cat == category %} class="active"{% endif %}><a href="{{ SITEURL }}/{{ cat.url }}">{{ cat }}</a></li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
{% endif %}
|
||||
</ul></nav><!-- /#menu -->
|
||||
{% block content %}
|
||||
{% endblock %}
|
||||
<footer id="contentinfo" class="body">
|
||||
<address id="about" class="vcard body">
|
||||
Proudly powered by <a href="https://getpelican.com/">Pelican</a>,
|
||||
which takes great advantage of <a href="https://www.python.org/">Python</a>.
|
||||
</address><!-- /#about -->
|
||||
</footer><!-- /#contentinfo -->
|
||||
</body>
|
||||
</html>
|
12
theme/ravages/templates/categories.html
Normal file
12
theme/ravages/templates/categories.html
Normal file
@ -0,0 +1,12 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - Categories{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<h1>Categories on {{ SITENAME }}</h1>
|
||||
<ul>
|
||||
{% for category, articles in categories|sort %}
|
||||
<li><a href="{{ SITEURL }}/{{ category.url }}">{{ category }}</a> ({{ articles|count }})</li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</ul>
|
||||
{% endblock %}
|
8
theme/ravages/templates/category.html
Normal file
8
theme/ravages/templates/category.html
Normal file
@ -0,0 +1,8 @@
|
||||
{% extends "index.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - {{ category }} category{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content_title %}
|
||||
<h2>Articles in the {{ category }} category</h2>
|
||||
{% endblock %}
|
||||
|
14
theme/ravages/templates/gosquared.html
Normal file
14
theme/ravages/templates/gosquared.html
Normal file
@ -0,0 +1,14 @@
|
||||
{% if GOSQUARED_SITENAME %}
|
||||
<script type="text/javascript">
|
||||
var GoSquared={};
|
||||
GoSquared.acct = "{{ GOSQUARED_SITENAME }}";
|
||||
(function(w){
|
||||
function gs(){
|
||||
w._gstc_lt=+(new Date); var d=document;
|
||||
var g = d.createElement("script"); g.type = "text/javascript"; g.async = true; g.src = "https://d1l6p2sc9645hc.cloudfront.net/tracker.js";
|
||||
var s = d.getElementsByTagName("script")[0]; s.parentNode.insertBefore(g, s);
|
||||
}
|
||||
w.addEventListener?w.addEventListener("load",gs,false):w.attachEvent("onload",gs);
|
||||
})(window);
|
||||
</script>
|
||||
{% endif %}
|
28
theme/ravages/templates/index.html
Normal file
28
theme/ravages/templates/index.html
Normal file
@ -0,0 +1,28 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
{% block content %}
|
||||
<section id="content">
|
||||
{% block content_title %}
|
||||
<h2>All articles</h2>
|
||||
{% endblock %}
|
||||
|
||||
<ol id="post-list">
|
||||
{% for article in articles_page.object_list %}
|
||||
<li><article class="hentry">
|
||||
<header> <h2 class="entry-title"><a href="{{ SITEURL }}/{{ article.url }}" rel="bookmark" title="Permalink to {{ article.title|striptags }}">{{ article.title }}</a></h2> </header>
|
||||
<footer class="post-info">
|
||||
<time class="published" datetime="{{ article.date.isoformat() }}"> {{ article.locale_date }} </time>
|
||||
<address class="vcard author">By
|
||||
{% for author in article.authors %}
|
||||
<a class="url fn" href="{{ SITEURL }}/{{ author.url }}">{{ author }}</a>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</address>
|
||||
</footer><!-- /.post-info -->
|
||||
<div class="entry-content"> {{ article.summary }} </div><!-- /.entry-content -->
|
||||
</article></li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</ol><!-- /#posts-list -->
|
||||
{% if articles_page.has_other_pages() %}
|
||||
{% include 'pagination.html' %}
|
||||
{% endif %}
|
||||
</section><!-- /#content -->
|
||||
{% endblock content %}
|
27
theme/ravages/templates/page.html
Normal file
27
theme/ravages/templates/page.html
Normal file
@ -0,0 +1,27 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
{% block html_lang %}{{ page.lang }}{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - {{ page.title|striptags }}{%endblock%}
|
||||
|
||||
{% block head %}
|
||||
{{ super() }}
|
||||
|
||||
{% import 'translations.html' as translations with context %}
|
||||
{% if translations.entry_hreflang(page) %}
|
||||
{{ translations.entry_hreflang(page) }}
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<h1>{{ page.title }}</h1>
|
||||
{% import 'translations.html' as translations with context %}
|
||||
{{ translations.translations_for(page) }}
|
||||
|
||||
{{ page.content }}
|
||||
|
||||
{% if page.modified %}
|
||||
<p>
|
||||
Last updated: {{ page.locale_modified }}
|
||||
</p>
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% endblock %}
|
15
theme/ravages/templates/pagination.html
Normal file
15
theme/ravages/templates/pagination.html
Normal file
@ -0,0 +1,15 @@
|
||||
{% if DEFAULT_PAGINATION %}
|
||||
{% set first_page = articles_paginator.page(1) %}
|
||||
{% set last_page = articles_paginator.page(articles_paginator.num_pages) %}
|
||||
<p class="paginator">
|
||||
{% if articles_page.has_previous() %}
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ first_page.url }}">⇇</a>
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ articles_previous_page.url }}">«</a>
|
||||
{% endif %}
|
||||
Page {{ articles_page.number }} / {{ articles_paginator.num_pages }}
|
||||
{% if articles_page.has_next() %}
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ articles_next_page.url }}">»</a>
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ last_page.url }}">⇉</a>
|
||||
{% endif %}
|
||||
</p>
|
||||
{% endif %}
|
14
theme/ravages/templates/period_archives.html
Normal file
14
theme/ravages/templates/period_archives.html
Normal file
@ -0,0 +1,14 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - {{ period | reverse | join(' ') }} archives{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<h1>Archives for {{ period | reverse | join(' ') }}</h1>
|
||||
|
||||
<dl>
|
||||
{% for article in dates %}
|
||||
<dt>{{ article.locale_date }}</dt>
|
||||
<dd><a href="{{ SITEURL }}/{{ article.url }}">{{ article.title }}</a></dd>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</dl>
|
||||
{% endblock %}
|
7
theme/ravages/templates/tag.html
Normal file
7
theme/ravages/templates/tag.html
Normal file
@ -0,0 +1,7 @@
|
||||
{% extends "index.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - {{ tag }} tag{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content_title %}
|
||||
<h2>Articles tagged with {{ tag }}</h2>
|
||||
{% endblock %}
|
12
theme/ravages/templates/tags.html
Normal file
12
theme/ravages/templates/tags.html
Normal file
@ -0,0 +1,12 @@
|
||||
{% extends "base.html" %}
|
||||
|
||||
{% block title %}{{ SITENAME }} - Tags{% endblock %}
|
||||
|
||||
{% block content %}
|
||||
<h1>Tags for {{ SITENAME }}</h1>
|
||||
<ul>
|
||||
{% for tag, articles in tags|sort %}
|
||||
<li><a href="{{ SITEURL }}/{{ tag.url }}">{{ tag }}</a> ({{ articles|count }})</li>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
</ul>
|
||||
{% endblock %}
|
16
theme/ravages/templates/translations.html
Normal file
16
theme/ravages/templates/translations.html
Normal file
@ -0,0 +1,16 @@
|
||||
{% macro translations_for(article) %}
|
||||
{% if article.translations %}
|
||||
Translations:
|
||||
{% for translation in article.translations %}
|
||||
<a href="{{ SITEURL }}/{{ translation.url }}" hreflang="{{ translation.lang }}">{{ translation.lang }}</a>
|
||||
{% endfor %}
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% endmacro %}
|
||||
|
||||
{% macro entry_hreflang(entry) %}
|
||||
{% if entry.translations %}
|
||||
{% for translation in entry.translations %}
|
||||
<link rel="alternate" hreflang="{{ translation.lang }}" href="{{ SITEURL }}/{{ translation.url }}">
|
||||
{% endfor %}
|
||||
{% endif %}
|
||||
{% endmacro %}
|
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