La fumée
01.06.2020
j'essaye si fort
de planter les fondations
d'un monde si dur
puis je vois
la lumière des lampadaires
comme des phares oranges sur l'eau tiède du Rhône
et la surcouche irritable de beauté sur les murs de ma ville
je vois les mots qui s'entremêlent en phrases
et qui sortent des lèvres de mes chers
comme de la fumée de narguilé
et je vois un sourire tout de dents au détour d'une vanne qui n'est pas la mienne
le monde que j'aimerai construire
il est fait de briques de vents tendues d'étoffes légères
le temps
n'y fera rien
car chacun le traverse déjà
sans le voir
une stratosphère
pour stratophrases
enfilées de perles de verres
j'ai sué sangs et larmes
sur chaque goutte de mortier
mais déjà à la fenêtre me parvient une rumeur encore lointaine
mais que déjà je reconnais
c'est eux
c'est elle : l'immense vacuité
de tous ces rires et de tous ces coeurs
qui suintent de ne plus jamais dormir
toutes ces âmes en mal de simple sobriété
j'en recouvre ma peau
je frotte contre mes pores
cette sensation de désespoir fébrile et cru
teinté d'éclats
et d'asphalte pur.
elle pénêtre mes poumons
et elle s'étend
prend du volume
éclate
rampe dans mes boyaux
saccage mes capillaires
sature mes veines
puis jaillit
grande et belle et féconde.